Tilée
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 Histoires de Rémas

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welling
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MessageSujet: Histoires de Rémas   Histoires de Rémas Icon_minitimeLun 27 Sep 2010 - 21:14

Bonjour,
Ca y est j'ai enfin terminé ma série de nouvelles sur les aventures de ma citée tiléenne favorite: Rémas.
Il y a en tout 14 chapitres qui forment une même histoire, même si, dans la plupart des cas, ils peuvent se lire indépendamment les uns des autres (les lire dans l'ordre est indiqué tout de même).
Ma vision de Rémas est un peu différente du backround officiel qui ne me plaisait pas des masses. Je l'ai donc un peu personnalisé.
Tous les lundi je posterai un nouveau chapitre, et si vous avez des questions (du genre une description trop confuse), n'hésitez pas à me le dire, je me ferai une joie de vous éclaircir.

Sur ce, j'espère que vous aurez autant de plaisir à lire ces histoires que moi à les écrire.
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welling
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MessageSujet: Re: Histoires de Rémas   Histoires de Rémas Icon_minitimeLun 27 Sep 2010 - 21:19

Un nouvel homme

Le Conseil de la cité de Rémas avait eu vent bien assez tôt de la venue d’une bande de peaux-vertes dans les alentours. Ce n’était qu’une bande d’orcs et de gobelins en maraude qui s’étaient déversés en Tilée, pillant quelques fermes isolées. Ils ne représentaient qu’une faible menace, mais devaient tout de même être éliminés. Pour cela, il avait été rassemblé une force modeste, mais largement suffisante pour vaincre l’ennemi. Encore une fois, et au grand dam d’Andrea Leoni, très peu de soldats originaires de Rémas avaient répondu à l’appel aux armes et ce fut encore une grande majorité de brigands, d’aventuriers, et de renégats (population très en vogue ces derniers temps dans la ville) qui se porta volontaire.

Andrea était capitaine de la cité et avait dirigé ses troupes lors de quelques escarmouches, mais n’avait cependant jamais eu l’occasion de commander une armée plus vaste. Lors des batailles plus importantes auxquelles il prenait part, le commandement ne lui avait jamais été attribué. Andrea était, lui, un homme de la cité, ou du moins de son voisinage. En effet, alors qu’il n’était âgé que de 8 ans, son père, prospère fermier tiléen, décida de l’envoyer à Rémas, la grande ville la plus proche de la ferme familiale. Il le fit engager dans l’école militaire. De par ses talents pour la guerre, il intégra, à l’aube de ses 12 ans, l’école des officiers. Depuis Andrea disposait de ses propres hommes mais étant jugé encore trop jeune, le Conseil de Rémas avait toujours refusé de lui donner des fonctions plus importantes. Il était une qualité qu’on ne put jamais lui dénier depuis toujours, sa loyauté envers la grande cité de Rémas. C’est ainsi que lorsqu’il eut vent de l’approche d’orcs dans les parages, il se porta volontaire et joignit son régiment de piquiers aux troupes en partance.

L’armée avait été placée sous le commandement de Jean Landelieux, appelé également Jean-sans-gloire par certaines personnes voulant le railler. Ancien chevalier brétonien, il était tombé en disgrâce dans sa patrie pour des raisons qui échappent même encore à ce jour au conseil. La Tilée était donc une terre toute trouvée pour un homme en recherche de reconquête. Il était rapidement monté dans la hiérarchie de la ville, et il se murmurait qu’il n’aspirait qu’à siéger au Conseil. Sa puissance lui venait surtout du fait qu’il avait sous sa coupe le plus grand groupe de chevaliers qu’il avait intégré au sein d’une sorte de confrérie sans nom et très hétéroclite.

Les hommes avaient quitté la ville depuis une plus d’une journée lorsqu’en sortant d’une forêt, Jean décida de stopper la troupe :

- « Andrea ? Que pensez-vous de cet endroit ? »
- « Excellence ? »
- « Oui, pensez-vous que nous soyons bien placés pour mener la bataille ? »

Alors Andrea regarda autour de lui. La forêt s’étendait tout au long d’une plaine presque parfaite, voir trop peut-être. Celle-ci descendait en un léger dénivelé, là même où des cavaliers avaient assuré à la troupe que les peaux-vertes se trouveraient d’ici quelques heures. Jean réunit autour de lui son état major. Il avait emmené avec lui Andrea bien sur, mais il y avait également le vieux Francesco, qui était le garant des comptes de la ville, et qui se devait de payer les soldats engagés sur le tas.

Etait présent aussi Boris, une brute de la pire espèce, dont personne ne connaissait le nom de famille, et d’ailleurs personne ne cherchait à le connaitre. Il était sûrement la personne la plus haïe à Rémas, mais il était surtout le bras droit de Jean Landelieux, et menait les chevaliers au combat. Du fait de ses origines kislévites, il était l’un des meilleurs cavaliers qu’on n’ait jamais vu dans les provinces tiléennes.
Il y avait enfin le jeune Alberto, un futur officier, fils de bonne famille dont le père était l’un des trois généraux de la ville, qu’Andrea avait pris sous son aile et avec qui il partait parfois au combat, le laissant bien souvent en retrait, même s’il était déjà avéré qu’Alberto était une fine lame en devenir.
Pour montrer sa suffisance et sa supériorité due à son rang, Jean se plaisait à interroger ses subordonnés afin de se faire approuver, sachant pertinemment que personne n’oserait le contredire.

- « Alors messieurs, que pensez-vous de cette ligne ? Plaisante non ? »

Il était vrai que Jean avait disposé ses hommes habilement compte tenu de la configuration du terrain. Deux régiments de piquiers, qui constituaient une partie de l’armée régulière, se tenaient un peu en avant des troupes dans le but de forcer les peaux-vertes à les charger. Le régiment de piquiers d’Andrea se tenait un peu en retrait, prêts à contre-charger au cas où, et il serait mené par Alberto, qui allait éprouver son baptême du feu.
Un peu en retrait, se tenait un petit groupe de cavaliers équipés d’arcs et de javelots dans le but de harceler l’ennemi. Les tireurs de l’armée, composés de soldats réguliers, mais aussi en grande partie de mercenaires, s’étaient répartis tout le long du champ de bataille, profitant du léger dénivelé qu’offrait le terrain pour couvrir au maximum les soldats durant la mêlée.

Le reste des mercenaires recrutés pour l’occasion constituait des formations éparses. Et après avoir reçu leurs ordres de Jean, ils étaient allés se mettre en place. Bien qu’Andrea sache que ces derniers étaient quelque part sur le champ de bataille, il n’arrivait pas à distinguer la présence du moindre de ces soldats sans scrupule, mais professionnels jusqu’au bout des ongles. Enfin, Jean Landelieux avait emmené avec lui, comme à l’habitude, sa confrérie de chevaliers.

- « La bataille ne durera pas je pense. »
- « Sir, sommes-nous sûrs du nombre exact des forces adverses ? »
- « Les éclaireurs m’ont rapporté qu’il n’y avait guère plus de 150 créatures de toutes sortes, mais il n’y en a aucune qui sorte de l’ordinaire. Pas le moindre petit troll à se mettre sous la dent », dit Jean d’un air sardonique.

* * * * *

Cela faisait à peu près une heure et demie que la troupe était en place lorsque les orcs surgirent à l’horizon. La tension monta soudainement dans les rangs des tiléens. Les cris de guerre faisaient froid dans le dos, et chez certains, surtout parmi les plus jeunes, l’envie de se défiler ne cessait de grandir. Pourtant, la ligne tenait bon. Andrea essayait de voir comment se comportait Alberto à la tête de ses hommes mais étant trop loin, il n’arrivait pas à le distinguer.
Soudain, les orcs rugirent une dernière fois à l’unisson, puis chargèrent. A ce moment Jean donna un ordre à ses tireurs et une grande volée de flèches fut envoyée parmi les rangs ennemis. Une bonne partie d’entre eux furent touchés s’écroulant dans l’herbe. Mais ils étaient assez nombreux pour arriver au corps à corps et représenter une menace sérieuse pour les hommes. Cependant, les piques offraient un avantage non négligeable en ce qu’elles permettaient de contenir les orcs les plus massifs hors de portée des hommes. Les gobelins, cependant, arrivaient à se faufiler au sein des lignes. En conséquence, certains piquiers dégainaient alors leurs épées pour les éliminer.

La bataille se déroulait pour le mieux, en cette première demi-heure de combat. Jean affichait un large sourire sur son visage. Les deux régiments tenaient la ligne. La cavalerie légère tournait autour des combats en harcelant les flancs et les arrières des créatures. Certains orcs, furieux de ce style de combat, quittaient le combat principal pour poursuivre les cavaliers, mais cette course ne durait juste le temps nécessaire pour qu’un autre cavalier vienne terrasser le monstre. Le troisième régiment venait d’être engagé. Il avait pris le flanc droit de la ligne et par cette manœuvre enfoncer les unités adverses. Suite à un son de cor, les spadassins surgirent de leur cachette, avec une détonation assez faible, due à la fureur des combats, signe que ceux qui en disposaient, venaient de décharger leurs pistolets.

Cette joie fut de courte durée. Un cavalier parti en reconnaissance approchait à bride abattue, se rapprochant de l’état-major :
- « Excellence, excellence !! »
- « Qui y-a-t-il encore », soupira Jean, à la vue de ce cavalier exténué.
- « Nous sommes en danger ! »
- « Et bien parlez donc. La course vous aurait-elle rendu muet?»
- « Sur notre flanc droit, un important groupe de cavaliers peaux-vertes se rassemble pour frapper nos arrières ».
- « Et combien sont-ils ? »
- « Près d’une cinquantaine, des orques et des gobelins ».

En entendant ce chiffre, le visage de Jean se métamorphosa, passant de la satisfaction à l’angoisse. Les tireurs postés aux alentours et qui avaient fait halte au feu, pour ne pas blesser des camarades avaient entendu le messager. En moins de temps qu’il n’eût fallu pour le dire, un grand nombre d’entre eux laissèrent tomber leurs arbalètes et se sauvèrent dans la forêt.

- « Cela fera des brigands en moins à payer », se consola Jean. « L’ennemi est-il prêt à charger ? »
- « Non excellence, ils se rassemblent et une fois que cela sera fait, il ne leur faudra qu’une dizaine de minutes pour être sur nous ».

Jean se tourna vers Francesco, ignorant totalement Andrea, de qui il n’avait aucune envie de recevoir de conseil.

- « Je vais chevaucher à leur rencontre en espérant les disperser avant qu’ils ne soient près à nous prendre de flanc. En attendant, je vous confie le commandement du reste de l’armée, Francesco ».
- « Mais Sir, ne croyez-vous pas qu’Andrea… »
- « Ne discutez pas mes ordres ».

Francesco regarda Andrea comme s’il implorait son pardon. Bien qu’il soit vétéran de nombreuses batailles, Francesco se savait diminué physiquement, et aurait espéré passer le flambeau des responsabilités à quelqu’un d’autre et notamment à Andrea qui était toujours désireux de faire ses preuves. Ce dernier, bien que se sentant humilié ne broncha pas et se replongea dans la bataille qu’il observait, bien que sa seule envie était de se joindre à la mêlée.
Jean éperonna sa monture et se dirigea au petit trot vers ses chevaliers. L’un d’eux s’avança pour prendre les ordres. Malgré le heaume recouvrant la totalité de sa tête, il ne faisait aucun doute qu’il s’agissait de Boris. Andrea n’entendit pas ce qu’ils se disaient. Puis les chevaliers partirent à la rencontre de la cavalerie ennemie.

Malgré le fait qu’Andrea ne portait pas Jean dans son cœur, il savait que celui-ci était un cavalier émérite et un combattant hors pair. De ce fait, même s’il n’avait qu’une trentaine de cavaliers à sa disposition, ils étaient mieux armés, mieux protégés et mieux entraînés que leurs homologues peaux-vertes. En conséquence, il ne doutait pas que son général allait régler la situation avant que celle-ci ne devienne critique. C’est pour cela qu’il décida de retourner auprès de Francesco pour observer le combat central qui commençait à durer un peu trop longtemps à son goût.

- « Puis-je me joindre au combat, sir ? »
- « Ne soyez pas stupide et ne mettez pas votre vie en péril à cause d’un amour propre piqué au vif. Le combat se déroule très bien et nous les aurons à l’usure ».

Soudain, des cris vinrent du flanc droit. Ce n’était pas des cris de joie, ni même de peur, mais de désespoir. Andrea regarda sur sa droite. Un arbalétrier pointait du doigt les silhouettes devenues lointaines de la cavalerie de Rémas. Celle-ci ne se dirigeait plus vers l’ennemi mais quittait tout bonnement le champ de bataille, et il y avait fort à parier qu’elle rentrait à la cité.

- « Le comte ! Le comte nous abandonne !!!»

Ce fut un véritable vent de panique qui souffla sur les lignes arrière de l’armée et une bonne partie des hommes se sauva dans la forêt.

- « Ainsi notre cher commandant nous confirme pourquoi on le surnomme Jean-sans-gloire, qu’il aille au diable » constata Francesco.
- « Hélas, j’ai bien peur que l’heure ne soit pas à la satire mon ami. Quels sont les ordres ? »
- « Il est hors de question de reformer la ligne centrale. Si celle-ci venait à être désorganisée, cela signifierait sa destruction. »
- « Alors ? »
- « J’avoue que je n’ai aucune idée à ce moment. Il est fort probable que l’ennemi surgira dans la zone franche située entre nous-mêmes et nos premières lignes pour les prendre à revers. Mais je ne vois aucune solution pour les en empêcher ».

Francesco paraissait totalement abattu et ne savait plus quoi faire. Andrea décida alors de montrer qu’il était capable d’être lui aussi un grand stratège et un meneur d’homme de talent. Il regarda les effectifs dont il disposait. Hormis lui et Francesco, il y avait exactement encore trente-quatre arbalétriers, tous soldats professionnels de Rémas, hormis sept mercenaires, ce qui reflétait bien la fiabilité que l’on pouvait attendre de ces personnes. Cependant, il pouvait compter sur la garde personnelle de Francesco qui était un petit régiment de soldats vétérans et fidèles qui n’étaient pas destinés à combattre mais à protéger l’or amené sur le champ de bataille pour payer les combattants qui désiraient se retirer directement une fois la bataille terminée.

- « Soldats ! Rassemblez toutes les arbalètes à votre disposition. Dès que la cavalerie s’approchera, faites tirer chacune d’elles. Ensuite ceux qui le souhaitent chargeront avec moi, Francesco et ses hommes. Les autres vous vous replierez dans les bois, rechargerez, tirerez une nouvelle fois, et rentrerez à Rémas donner l’alerte ».
- « Bon plan cher ami » dit Francesco.
- « Vous plaisantez ? Il nous condamne probablement à une mort certaine, mais j’espère les ralentir suffisamment jusqu’à ce que les piquiers viennent nous aider dès qu’ils le pourront ».

Une fois que les arbalètes furent mises en position, les hommes entendirent rapidement les cris de guerre des cavaliers en approche. Andrea disposait de deux arbalètes, une qu’il serrait fort dans ses mains, la seconde, à ses pieds. D’un point de vue personnel, il espérait abattre le meneur des nouveaux venus dans le but de les désorganiser.
Une fois les renforts adverses en vue, la tension redoubla d’intensité. Ils étaient en fait plus d’une cinquantaine ce qui expliquait sûrement pourquoi Jean et ses hommes avaient pris la fuite. Ils étaient arrivés rapidement, montant d’énormes sangliers aux défenses acérées, ou alors des loups géants avec une étincelle de vice dans leurs yeux. Andrea ne donna pas l’ordre de tirer tout de suite. Il préférait attendre de voir où l’ennemi allait frapper. Mais, il comprit rapidement que les chevaucheurs se dirigeaient vers l’arrière de la ligne principale et il fallait les en détourner.

- « Feu à volonté !! » hurla Andrea.

A ce moment près d’une cinquantaine de carreaux d’arbalètes furent tirés. Seul Andrea ne fit pas feu. Il cherchait lequel, parmi les cavaliers, faisait office de chef. Il vit alors un orc particulièrement massif, engoncer dans une armure rudimentaire mais très renforcée et menant la charge de ses cris. Les traits d’arbalètes firent beaucoup de pertes chez l’ennemi qui fut pris de court, n’ayant pas vu les troupes d’Andrea sur leur gauche. Le chef voyant ces troupes faiblement protégées vit là l’occasion de faire un massacre. Andrea tira sa première flèche, mais celle-ci rata sa cible, tuant tout de même un gobelin qui se tenait à ses côtés. A ce moment, les restes de la cavalerie venaient de converger vers eux et les premiers tirs des arbalètes avaient tous été effectués. La totalité des arbalétriers se replièrent alors dans la forêt. Andrea tira alors sa dernière flèche et toucha le sanglier de sa cible, celui-ci tomba et se retrouva alors à terre et esseulé ayant progressé trop vite, par rapport à ses compagnons, dans sa soif destructrice. Andrea laissa tomber son arme de tir et dégaina son épée. Il s’élança à la rencontre de son ennemi suivi par Francesco et ses hommes.

Au fur et à mesure de sa course il se rapprochait de son destin. L’orc paraissait de plus en plus gros et Andrea n’avait jamais affronté seul de créature si grosse. Il se savait épaulé, mais d’autres cavaliers se rapprochaient d’eux. C’est à ce moment que les tireurs postés dans les sous-bois tirèrent encore une salve. L’une des flèches toucha l’orc au genou, le faisant tomber une nouvelle fois. Andrea saisit cette occasion et redoubla sa course. Il sauta alors sur le monstre avant qu’il n’ait eu le temps de se relever, imité dans son geste par les hommes de Francesco. L’orc n’eut pas le temps de comprendre ce qui lui arrivait, il venait d’être transpercé par cinq lames d’un seul coup.

A la mort de leur chef, la confiance changea de camp. Même si les peaux-vertes commençaient à se débander, d’autres continuaient de courir en direction des hommes d’Andrea. Une flèche gobeline toucha à la gorge l’un de ses camarades qui était juste à côté de lui. Il vit un hallebardier planter son arme dans les pattes d’un sanglier, le faisant trébucher. Son monteur avait alors chuté et un autre soldat tiléen l’acheva. A la vue de ce spectacle, Andrea avait été déconcentré et faillit ne pas apercevoir un autre orc sur sa monture monstrueuse qui les chargeait. Un autre homme fut renversé et projeté à plusieurs mètres, telle une vulgaire poupée. Andrea se trouva face à un autre cavalier. Il frappa un peu au hasard l’orc le touchant sur le flanc. La créature fut touchée à mort, mais le choc de l’impact lui causa une douleur dans le bras. Francesco l’avait rejoint. Il était exténué par la course et il était évident qu’il n’était pas apte à combattre. Il para une flèche avec son bouclier.

Un orc à pied courut vers eux. Andrea le fixa et quand ils furent en contact, l’esquiva, puis lui assena un coup dans la foulée. L’orc fut seulement blessé et en se retournant décocha un coup de poing à Andrea, qui tomba à terre. Il se releva tout de suite, et sortit sa dague. Les deux ennemis se faisaient face. L’orc attaqua le premier. L’attaque fut parée, et Andrea lui planta sa dague dans le bras. L’orc cessa d’appuyer son épée contre celle de son adversaire, et profitant de cette faiblesse dans sa garde, Andrea le frappa dans la foulée au cou, faisant gicler un sang noir et puant.

Il regarda autour de lui pour voir où en était la bataille. Francesco et ses hommes s’étaient regroupés et faisaient face à un groupe de quelques orcs. Le vieux soldat semblait mal en point, mais continuait de se battre. Il regardait le combat principal et vit que les piquiers s’en étaient tirés honorablement et avaient repoussé l’ennemi. Les cavaliers légers venaient à leur secours et les arbalétriers n’avaient pas fui et continuaient de faire feu. La bataille était gagnée.
Dans un dernier effort, il chargea les derniers orcs qui assaillaient ses compagnons. Il les élimina sans difficulté, mais se sentit en sécurité seulement lorsque les piquiers l’eurent rejoint. Il se retourna et chercha Alberto. Celui-ci arrivait exténué, mais souriant. C’était sa première véritable bataille et il s’en était sorti avec mérite. Il avait une entaille sur son armure signe qu’elle avait arrêté un violent coup de hache. Il avait également une légère balafre sur la joue gauche, voilà qui lui vaudrait surement une distinction particulière.

* * * * *

Andrea s’en retourna quérir des nouvelles de Francesco. Cependant, il craignit le pire voyant ses hommes réunis autour de lui. Le vieil homme était effectivement mort. Il avait une trace de morsure sur la gorge, probablement le signe d’une attaque de loup. S’en était trop.
Il rassembla tous les cavaliers qui lui restaient, réquisitionna un cheval pour lui et un autre pour Alberto. Son propre régiment de piquiers n’avait pas souffert de trop nombreuses victimes. Cependant, un des deux autres régiments contenait que peu d’hommes valides. Leur étendard était d’ailleurs déchiré. Mais globalement les hommes n’avaient subi que peu de pertes ce qui était heureux.

- « Chers frères, nous avons été victimes de la traitrise de notre général. Que tous les cavaliers viennent avec moi à Rémas pour obtenir réparation auprès de Jean Landelieux, Jean-sans-gloire ».

A ce moment tous les hommes hurlèrent leur détermination réclamant vengeance contre cette trahison. Tous seraient d’ailleurs venus, mais Andrea ajouta :

- « Que seuls les cavaliers viennent avec moi, les autres s’occuperont des blessés, les conduisant à la cité à leur rythme ».

Aux cris des hommes, Alberto observa son mentor. Ce n’était plus le soldat qui l’avait pris sous son aile à ses débuts dans l’armée. C’était devenu un meneur d’homme, un véritable chef, un commandant. Et pour cela, il avait fallut seulement qu’il prenne le contrôle d’une armée. Il était indéniable qu’Andrea était un meneur né.

Il éperonna sa monture et parti au triple galop suivit d’Alberto et d’une dizaine de cavaliers, bien décidé à demander et obtenir vengeance de la part de ceux qui les avaient lâchement abandonnés.
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Arahael
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MessageSujet: Re: Histoires de Rémas   Histoires de Rémas Icon_minitimeLun 27 Sep 2010 - 23:26

Un texte splendide, bravo à toi ! Histoires de Rémas 865122 Autant dire que j'attends avec impatience les autres chapitres. Histoires de Rémas 60311
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Gogor Bey
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MessageSujet: Re: Histoires de Rémas   Histoires de Rémas Icon_minitimeVen 1 Oct 2010 - 22:07

Beau travail,
Tu devrais le poster aussi sur le fil dédié à Remas

https://tilee.forumgaming.fr/la-republique-rebelle-de-remas-f29/
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welling
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MessageSujet: Re: Histoires de Rémas   Histoires de Rémas Icon_minitimeLun 4 Oct 2010 - 23:20

Merci pour ces encouragemment. Voilà la suite, en espérant que ça vous plaise...



Révolte à Rémas


Alors qu’il remontait le champ de bataille avec ses hommes, Andrea vit que les arbalétriers qui n’avaient pas fui, formaient un carré autour du coffre, afin que celui-ci ne soit pas dérobé dans la confusion.

- « Ne vous en faites pas mes amis. Les hommes de Francesco vont venir vous relever, et je vous enverrai les renforts nécessaires une fois de retour à Rémas ».

Coupant par les bois, il espérait pouvoir gagner du temps et faire part à la cité de la traitrise dont, lui et ses hommes, avaient été victimes, de la part de l’un des hommes qui étaient chargés de hautes fonctions à la ville, comme à la guerre.

* * * * *

Après plusieurs heures de galop ininterrompu, la petite troupe était en vue de la flamboyante cité-état. Andrea ne l’avait jamais trouvée aussi belle. Cet état de fait était sûrement dû au fait que, désormais, il se sentait investi de nouvelles responsabilités à l’égard de sa patrie.

La ville de Rémas était ancienne. Personne ne se souvient comment celle-ci était agencée à son origine. Cependant, la zone la plus ancienne de la ville donnait des indications indiscutables. Rémas était adossée à une montagne qui bordait la mer tiléenne. Et dans cette montagne avaient été creusées des galeries séculaires. Cette partie était dénommée la « citadelle des sages ». Ce nom venait du fait, tout d’abord, que l’aménagement des grottes avait été si habile qu’elle formait désormais une véritable forteresse qui n’avait jamais été prise depuis la fondation de Rémas. Elle disposait de nombreuses meurtrières permettant aux arbalétriers de faire leur office, mais il y avait également de petites terrasses aménagées où avaient été installées quelques pièces d’artillerie. Des passages secrets permettaient également de pouvoir quitter la ville par ce côté, en accédant au port. Compte tenu de l’architecture ambiante, il ne faisait aucun doute que cela était le travail des nains. Lorsque les premiers habitants s’y installèrent, ils n’y trouvèrent aucune créature vivante, ni aucun objet de la vie quotidienne. La forteresse d’antan avait sûrement était pillée avant la venue des premiers colons, étant donné que celle-ci était dans un état de délabrement fort avancé.

Cependant, le nom donné à la citadelle venait également du fait que les seules personnes qui avaient le droit d’y résider quotidiennement étaient les membres du conseil de Rémas. S’y trouvait également la grande salle où les décisions, quant à la gestion de la ville, étaient prises. Cette salle très vaste contrastait par son austérité avec l’opulence du reste de la ville. On y trouvait, certes une grande table, entourée de six sièges, où le conseil se réunissait, mais le reste n’était que désordre. Des cartes de la région, des comptes sur les réserves de la cité, des rapports d’activités des cités voisines, voilà ce que l’on pouvait y trouver.
En contrebas de la citadelle s’étendait la ville à proprement parlée. Elle foisonnait de vie, telle un bassin où vivait une multitude de créatures aussi diverses que variées. Humains, bien sûr, mais aussi nains, halflings, quelques elfes venus faire commerce, et parfois des ogres qui ne dénotaient absolument pas avec la couleur locale. Elle avait du grossir trop vite car les maisons étaient incroyablement resserrées les unes sur les autres, créant ainsi un dédale de rues étroites, et il n’était pas rare de s’y perdre. Cependant, le passage, qui allait de la porte donnant sur l’extérieur de la cité à la citadelle, formait un large boulevard facilitant la circulation des commerçants mais surtout des troupes. Un rempart faisait le tour de la ville et s’arrêtait aux bords de la mer. Celui-ci était long de deux kilomètres et était particulièrement renforcé, ses architectes avaient conscience que s’il venait à céder trop facilement, la ville serait à la merci des assaillants. Bordant la montagne, il s’était développé un port marchand, situé entre cette dernière et le rempart, extrêmement prospère permettant, également, de bénéficier d’un avantage stratégique indéniable.

De l’autre côté de ce rempart, on était encore dans la ville. Mais l’atmosphère était toute autre. On le nommait tout simplement le cantonnement. Il y avait encore des habitations, mais surtout, c’était ici que se trouvaient les principales garnisons. Les troupes stationnées dans cette zone avaient pour but de se rendre rapidement sur le rempart principal. Le grand mur de la ville de Rémas était, somme toute, assez récent. Cela ne faisait qu’une quarantaine d’années qu’il était achevé, et de par sa construction habile, aucun ennemi n’avait réussi depuis lors à pénétrer dans la ville. Celui-ci faisait une dizaine de mètres de haut, et avait une construction assez singulière.

En effet, sur le mur, tous les vingt mètres, il y avait comme une petite maison de pierre qui servait en réalité à protéger les escaliers reliant le cantonnement aux chemins de ronde. Elles étaient au nombre de huit, quatre de chaque côté de la grande porte. La maisonnette s’ouvrait par une porte sur les deux cotés des remparts, permettant ainsi de freiner la prise de la muraille, forçant à chaque fois qu’une partie du mur était tombée aux mains de l’ennemi, à prendre par la suite une de ces maisons pour continuer sa progression dans la conquête du rempart. De plus, à leur sommet se trouvait un canon.
La grande porte était elle-aussi très imposante et il ne fallait pas moins d’une dizaine d’hommes pour la manœuvrer. Elle ne portait aucun nom, et était appelée sommairement la « grande porte ». Deux autres portes plus petites étaient à dénombrer dans les remparts. La porte sud se nommait la porte « San Lorenzo », et celle du nord, la porte « Di Santo ». Ce mur était donc une véritable montagne de pierre et de feu.

Cependant, Andrea n’avait avec lui qu’une dizaine de cavaliers, et même s’il venait obtenir réparation pour le préjudice subi par la cité, il avait une certaine appréhension. Jean avait une certaine autorité dans la ville, et de ce fait il serait difficile de faire avaler qu’un général ait pu fuir volontairement le champ de bataille, abandonnant ses hommes à une mort certaine. C’était pour cela qu’il avait confié à l’un de ses hommes l’une des bannières des piquiers pour prouver ses dires, celle-ci portant les stigmates de la bataille.

En se rapprochant de la cité, il se rendit compte que la ville était en émoi et qu’une armée commençait à se rassembler au pied de la grande porte. Parmi les soldats en préparation, il remarqua que s’y trouvait Guiseppe Galliani en personne. C’était le général en chef de la ville, commandant des armées de Rémas, et membre du conseil. A ce titre, il était le seul à avoir le grade de maréchal. C’était un homme d’âge mûr, mais un combattant accompli et sa barbe blanche et son cheveu rare ne le présentaient pas comme un vieillard. Il était engoncé dans son armure de bronze, ce qui ne laissait aucun doute au fait qu’il allait lui-même mener l’armée en partance. Il leva la tête, et en voyant Andrea revenir il fut stupéfait. Il frotta sa barbe et marcha quelques pas pour aller à la rencontre des cavaliers.

- « Oh là messieurs. Andrea ? »
- « Oui seigneur, c’est bien moi. Je viens vous faire mon rapport de la bataille que je viens de livrer, et d’un second évènement d’une importance extrême ».
- « Je suppose que cela a trait au seigneur Landelieux ? »
- « Vous supposez bien excellence. Ce lâche a abandonné ses hommes durant la bataille alors que nous nous faisions prendre de flancs, par un ennemi supérieur en tout point. Malgré tout, la bataille a été remportée ».
- « Je vois. Evidemment, vous vous doutez qu’il ne m’a absolument pas tenu le même discours ».
- « Et quel est-il, excellence ? »
- « Que la bataille avait été perdue. Que vous étiez tombés dans un piège, et que seul lui et ses hommes en avaient réchappé ».
- « Et un tel récit ne vous a pas paru étrange ? »
- « N’oubliez pas à qui vous avez à faire, Andrea. Evidemment que cela m’a semblé suspect, mais l’urgence a fait que j’ai levé à la hâte un maximum d’hommes pour vous venir en aide ».
- « Sage décision, sire. Je vous en conjure, envoyez ces hommes aux lieux de la bataille. J’y ai laissé le gros de mes troupes pour veiller sur les blessés. Beaucoup ne peuvent rentrer seuls dans leur état ».
- « Je vais faire le nécessaire pour nos soldats ».
- « Hélas sire, j’ai également une nouvelle des plus terribles. La couardise de notre général a coûté la vie à l’un de nos plus valeureux guerriers. Francesco ! Francesco n’est plus ».
- « C’est assurément une terrible perte pour notre ville, et je perds par l’occasion un ami de longue date. Mais restez là avec vos hommes, nous pleurerons plus tard, d’autres peuvent encore être sauvés».

Guiseppe partit vers ses propres hommes et fit affréter quelques charrettes pour le transport des blessés et du matériel. Puis, il revint vers Andrea qui n’appréciait que très modérément d’être obligé de rester aux portes de la ville.

- « Venez avec moi Andrea ».

Andrea et ses hommes s’avancèrent à la suite du maréchal, mais à cette vue celui-ci les interrompit.

- « Seulement vous officier ».
- « Et pourquoi cela ? Je suppose que nous nous rendons à la commanderie de Jean Landelieux pour obtenir des comptes. Pour cela, je veux avec moi les témoins directs de cette bataille, et je suis sûr que le témoignage du fils de l’un des officiers supérieurs de cette ville est indispensable », dit-il en désignant du doigt Alberto.
- « Soit, venez tous. Mais ma garde va vous escorter. Et à la moindre incartade des sanctions seront prises. Peu importe qui sera dans son tort ».

* * * * *

C’est ainsi qu’Andrea et ses hommes entrèrent en ville, encadrés par la garde personnelle de Guiseppe Galliani, composée des meilleurs combattants de tout Rémas. La commanderie de Jean se situait dans la ville de Rémas. Il fallut donc pour s’y rendre, traverser les cantonnements, où de nombreux guerriers avaient répondu à l’appel aux armes, croyant à tort qu’Andrea avait failli, se préparant à partir en campagne. La stupéfaction se lisait sur leur visage, mais aucun membre de la petite colonne ne prêtait attention aux chuchotements qui accompagnaient leur traversée.

Une fois la porte de la ville passée, ils se retrouvèrent dans la grande rue, véritable artère de la cité. La commanderie était toute proche. Jean s’était installé dans une ancienne église en hommage à Myrmidia, qui avait été abandonnée depuis longtemps, suite au désintéressement de la religion qui avait gagné les habitants du fait du brassage trop important des ethnies. De l’extérieur, l’église semblait en très bon état. Les grandes portes de chêne étaient excellemment conservées, mais, et surtout, closes. Tout le monde s’arrêta devant ces dernières, et tous regardèrent Galliani. Celui-ci semblait hésiter à pénétrer dans le repère de Jean et de ses chevaliers. Bien qu’il y soit entré quelques fois, il n’avait que de très faibles souvenirs de l’architecture intérieure, et une embuscade pourrait se produire si les choses venaient à s’envenimer. De plus, Jean avait remporté de nombreuses batailles pour le compte de Rémas, ce qui lui valait une popularité non négligeable auprès des petites gens, et un risque de guerre civile était à redouter, surtout avec une partie de l’armée régulière en dehors de la ville.
Finalement, il frappa à la porte.

* * * * *

Comme personne ne venait ouvrir la grande porte de la commanderie, Galliani se décida à rentrer. Il la poussa et constata qu’elle n’était pas fermée. Il y pénétra en premier, suivit de quelques soldats, d’Andrea et ses hommes, puis du reste de sa garde. Le hall était vide, mais, au loin, on entendait les bruits d’une certaine agitation, et quelques voix qui semblaient se disputer, ou du moins, étaient-elles employées avec véhémence.

Galliani reprit sa marche en direction des bruits suivi par sa troupe. Ils entrèrent alors dans ce qui devait servir, à une autre époque, de temple. Et là ils virent tous un spectacle incommensurable. L’intérieur du temple était dans un état pitoyable, faute d’un véritable entretien. Voilà ce qui restait de l’architecture de l’un des anciens fleurons de la ville. Les hommes de Jean avaient cessé de parler avec l’entrée du chef de l’armée de la cité. Une atmosphère pesante venait de s’installer tout à coup. La vue d’Andrea aux cotés du général en chef des armées avait jeté la stupeur parmi les pensionnaires de la commanderie. Dans la salle régnait un véritable bazar, comme on ne le voyait que les jours de marché dans les faubourgs de Rémas. Il semblait qu’après avoir déserté le champ de bataille, les chevaliers s’apprêtaient à quitter la ville également, et ils venaient d’être pris sur le fait.

Alors les chevaliers, qui étaient encore en armure, se rapprochèrent les uns des autres, sans tirer leur épée, mais se tinrent prêts au combat si cela était nécessaire. Andrea n’avait pas souvenir d’avoir vu ces chevaliers sans leur heaume. Et là quelle ne fut pas sa surprise. Ces chevaliers qui, au combat paraissaient glorieux, n’étaient en fait qu’un ramassis de brigands. Ils avaient le visage couturé, n’étaient pas rasés et avaient les traits grossiers. Ils n’étaient qu’une véritable bande de mercenaires et venaient de le prouver en fuyant le combat. Alors Galliani parla :

- « Je souhaiterais m’entretenir avec le seigneur Landelieux. Où se trouve-t-il ? »
- « Dans ses appartements. Si vous voulez lui parler, vous seul pourrez y entrer, donc sans votre escorte », dit l’un des chevaliers.
- « N’entrez pas excellence, c’est un piège. Ils n’ont plus rien à perdre depuis que leur trahison est avérée », conseilla Andrea
- « Leur trahison n’est pas encore avérée Andrea, pas tant que je n’aurai pas eu une confrontation entre les différents protagonistes de cette fâcheuse affaire. Quant à Jean je suis sûre que c’est une personne raisonnable et qu’il sera possible de discuter calmement avec lui, j’en suis certain ».
- « Hélas mon seigneur, je ne crains que vous ayez tort cette fois », dit Jean en pénétrant dans le temple par une porte dérobée.

La tension avait atteint son paroxysme. Andrea, à la vue de son ancien général, ne put s’empêcher de tirer son épée. Les hommes de Jean firent de même en réponse. Jean s’approcha du centre de la pièce.

- « Je crois, sire, qu’il n’y a aucune explication à donner. Si Andrea a survécu, il vous aura raconté le véritable déroulement de la bataille. La question qu’il convient de se poser est : que fait-on maintenant. Je vous ferai remarquer que tous mes hommes sont présents, soit une soixantaine de chevaliers en armure. Vous, vous n’êtes qu’une trentaine. Même si vous êtes tous de bon combattants, j’émets des doutes sur vos chances de sortir indemnes de cette escarmouche ».

Jean venait de démontrer, si cela était encore nécessaire de le faire, qu’il était un grand général. Parmi ses hommes, il dénotait, cela était indéniable. Derrière lui se tenait Boris. Dans ses yeux il était possible d’y voir toute la détermination qui l’animait, et s’il le fallait, il se jetterait le premier dans la mêlée, armé de sa paire de hachettes. Andrea comprit que la situation était inextricable, et que justice ne pourrait pas être obtenue. Il fallait transiger. Galliani l’avait compris lui aussi.

- « Pour les services que vous avez rendus à la ville de Rémas, seigneur Landelieux, je vous accorde le droit de la quitter et vous pourrez emmener avec vous tous vos hommes. Cette solution vous satisfait-elle ? »
- « Je pense que je vais accepter. Laissez-nous le temps de rassembler nos biens et nous quitterons la ville en quête d’un nouvel employeur, qui lui saura apprécier la chance d’avoir de son côté la meilleure cavalerie lourde de toute la Tilée ».
- « Prenez garde à vos parole, si vous osez remettre en doute mon sens de la guerre, que j’ai acquis au cours de ma très longue carrière au service de Rémas, il se peut que je revienne sur mon engagement. Et pour vous montrer à quel point vos propos m’ont déplu, vous laisserez derrière vous, tous les biens matériels que vous avez acquis en vous enrichissant sur le dos de cette glorieuse cité. Vous ne garderez que vos armes, armures, montures et bannières ».
- « Soit » fit Jean.

Son regard venait de changer. Au lieu d’y voir sa traditionnelle arrogance, on pouvait maintenant y trouver de la colère, de la rage.

* * * * *

Dix minutes s’étaient écoulées depuis l’altercation. Les chevaliers étaient désormais dans les rues et se dirigeaient vers la grande porte. Il n’y avait plus aucune prestance dans leur défilé. La foule s’était massée pour les voir partir, la rumeur de leur défection s’était répandue comme une traînée de poudre. Aucune haine ne venait de la populace. Elle ne faisait que regarder leurs anciens protecteurs quitter la ville, dans le silence le plus total. Galliani et Andrea s’étaient rendus à la porte pour superviser le départ des chevaliers, et veiller à ce que tout se passe bien. Quand Jean passa à leur hauteur, il les fixa du regard. Il ne dit mot car cela aurait été superflu. Il n’en resterait pas là.

Les cavaliers étaient partis en direction des monts Appucini, et une fois que ceux-ci avaient disparu de la vue de la cité, Galliani se tourna vers Andrea :

- « Je pense que vous avez démontré, aujourd’hui, toute votre loyauté envers Rémas, mon ami ».
- « Vous en doutiez ? je n’ai fait que mon devoir. Voir mes hommes se faire massacrer m’aurait été insupportable. Il pèse sur moi des responsabilités, et en tant que capitaine de ces hommes je me dois de les assumer ».
- « Capitaine dites-vous ? vous savez qu’à Rémas après moi, il se doit d’y avoir trois généraux. Landelieux faisant désormais partie de l’histoire ancienne, une place est libre ».
- « Et vous songez à quelqu’un en particulier je suppose mon seigneur ? ».
- « Bien entendu que nul autre que vous ne mérite cette promotion. Mais il faut encore que vous obteniez l’accord du conseil. Je vais faire mon possible pour que celui-ci se réunisse le plus vite possible, dans deux ou trois jours probablement ».
- « Mon seigneur, le fait que vous ayez pensé à moi est, en tant que tel, un très grand honneur. Et si je suis élevé au rang de général de Rémas, j’accomplirai mon devoir avec une très grande ferveur ».
- « Ce n’est pas à moi qu’il faudra tenir ce discours, mais au conseil, et il sera beaucoup plus difficile à convaincre que moi, et je pense à l’un de ses membres en particulier ».
- « Je pense savoir de qui vous voulez parler, excellence ».

* * * * *

En remontant à ses appartements, Andrea remarqua dans la foule qu’il croisait un visage connu.

- « Oh là l’ami. Votre visage m’est familier. N’étiez-vous pas avec moi aujourd’hui ? »
- « Oui mon seigneur. J’étais l’un des arbalétriers engagés sur le tas pour la bataille. Je suis resté jusqu’au bout avec vous durant la bataille, et c’est également moi qui ait rallié les arbalétriers qui commençaient à fuir ».
- « Voilà que je vous remets. J’ai été surpris par votre courage, surtout que je pensais que vous n’étiez qu’un simple mercenaire. En tout cas je vous remercie également de m’avoir suivi ensuite pour obtenir des comptes auprès de ce chien de Jean. Et quel est votre nom ? »
- « Vous n’avez qu’à me nommer Hristo mon seigneur ».
- « Soit. Allez-vous rester en ville ? »
- « En effet, je pense m’installer ici quelque temps. Il me semble possible de pouvoir y trouver ma place ».

* * * * *

Le conseil de Rémas réunissait un représentant de chaque corporation que l’on pouvait trouver dans cette ville. Et même s’il était composé de membres éminents et éclairés, il en était un qui n’affectionnait pas particulièrement le pouvoir militaire. Il s’agissait de Brigato Quercio, le représentant de la guilde des commerçants de la ville. Il était âgé seulement d’une quarantaine d’année, mais par sa fortune, il avait acquis un immense pouvoir. Cependant, Quercio avait dans l’idée qu’il fallait réduire l’influence de l’armée dans la ville afin que le commerce se développe plus, en permettant d’ouvrir ce dernier à tous types de demande, sans aucune restriction possible. Ainsi, il augmenterait considérablement les flux commerciaux vers la ville, accroissant alors sa propre fortune. C’était donc lui le principal adversaire d’Andrea en ce jour, il était sûrement le seul qui pourrait s’opposer à son élévation.

La chaîne de commandement militaire était clairement établie à Rémas. Il y avait Guiseppe Galliani qui était le chef suprême de l’armée et qui siégeait au conseil. Puis, il y avait trois généraux qui étaient nommés par le Conseil sur proposition de Galliani. Parmi ces généraux on y trouvait notamment le père d’Alberto, Rodrigo Camacho.

Etait enfin venu le jour où Andrea allait être présenté devant le conseil. Il n’avait jamais eu le droit d’y pénétrer par le passé. Il attendait devant la grande porte, dans une tenue d’apparat qu’on lui avait procurée pour l’occasion.

- « Tendu à ce que je vois ».

Andrea se retourna, et vit Rodrigo qui venait à sa rencontre.

- « Effectivement, mon ami. J’espère être nommé à vos côté afin de servir au mieux notre ville ».
- « Je connais votre parcours. Je ne me fais pas de soucis pour vous. Sinon, je tenais à vous remercier pour vous être occupé de mon fils et d’avoir fait de lui l’homme qu’il est aujourd’hui. Je suis sûr qu’il deviendra un grand défenseur de Rémas ».
- « Vous n’avez pas à me remercier. Alberto est un grand soldat, et lorsqu’il sera un véritable guerrier, il atteindra votre rang. J’en ai la certitude ».

La porte de la salle du conseil s’ouvrit. Galliani en sortit.

- « Ah ! Andrea. Nous n’attendions plus que vous. Veuillez rentrer. Rodrigo, venez vous aussi ».

Andrea regarda la table, avec l’assistance qui le dévisageait. Rodrigo alla se placer sur un petit banc, un peu à l’écart. Galliani, lui, regagna son siège. Andrea avait donc face à lui la totalité du grand conseil de Rémas. Il y avait bien entendu Quercio et Galliani. Mais, on trouvait aussi In-Dûr, l’oracle, qui représentait les praticiens de la magie. Peu bavard, il était réputé pour sa sagesse et son sens de la mesure, mais également pour sa ferveur au combat, son sens de la stratégie et sa haine des créatures du mal.

Il y avait ensuite Horst Van Schleigen. Ancien grand propriétaire terrien du Winssenland. Il fournissait en chevaux l’armée de la comtesse Emmanuelle Von Liebwitz. Cela avait fait sa fortune dans l’empire, mais excédé par les abus dont il était victime de la part de la comtesse qui, notamment ne lui payait pas certaines livraisons de chevaux, il avait décidé d’emmener ses hommes et son bétail dans un pays où ses talents seraient appréciés à sa juste valeur. Il arriva donc en Tilée, où les chevaux y sont toujours très recherchés, et plus particulièrement à Rémas. Il devint alors le plus riche de toute la ville, et il l’est encore à ce jour. Pour représenter son statut, il s’était fait fabriquer une armure toute en or qu’il portait au combat, et une réplique du marteau de Karl Franz, la puissance magique en moins. Comme l’argent n’était pas un problème pour lui, il avait été décidé de lui confier la gestion des comptes de la ville. Il était devenu le grand trésorier de la ville. C’était de lui dont dépendait le vieux Francesco. Il était, cependant, un homme sage, et il avait lui aussi une dévotion inaltérable, à l’égard de Rémas, reconnaissant qu’il était, envers elle, de l’accueil qu’elle lui avait accordé.

Le dernier membre, autour de la table, était un peu différent. Il s’agissait d’un nain. Il représentait Grundak hache de fer, le chef de la population naine dans la ville. Ce représentant se nommait Gundaf. Il était le bras droit de Grundak et bien qu’il fût assez jeune pour un nain, il avait les cheveux et la barbe entièrement blancs. Probablement le poids des responsabilités.

Il restait un siège vide, mais celui-ci l’était toujours et était réservé au plus illustre des habitants de Rémas, qui avait quitté la ville, poussé par un besoin d’aventure. Andrea fut invité à s’approcher. Horst se leva et s’adressa à lui :

- « Andrea Leoni, par délibération du conseil, et sur les avis du seigneur Galliani, nous avons décidé de vous élever au rang de général de la ville de Rémas. En espérant que vous nous donniez raison de vous accorder cette place ».
- « J’en serais digne, excellence ».
- « Soit. Votre première décision sera de nommer un nouveau capitaine qui occupera le poste que vous venez de quitter. Peut-être le jeune Alberto, si son père n’y voit pas d’objection ».
- « Aucune excellence ».
- « J’en ai une moi, fit Andrea. Je pense qu’Alberto n’a pas encore fini sa formation et j’ai des projets pour lui ».
- « Très bien et avez-vous un autre nom à nous proposer ? »
- « Oui excellence, Hristo ».
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MessageSujet: Re: Histoires de Rémas   Histoires de Rémas Icon_minitimeLun 11 Oct 2010 - 23:41

Baptême du feu

Le soleil venait à peine de se lever sur Rémas. Andrea avait décidé de faire une petite promenade matinale le long des grands remparts. Il donnait quelques encouragements aux sentinelles qui avaient passé la nuit à veiller. En tant que nouveau général de la cité, il se devait de se faire aimer de ses hommes et notamment par l’armée régulière.

- « Mon seigneur ! mon seigneur ! »
- « Qu’ y-a-t-il soldat ? »
- « Regardez là-bas. Un cavalier, et il chevauche au triple galop. Il sera là dans une dizaine de minutes, je pense ».
- « Une longue vue, tout de suite ».

Andrea venait à son tour de localiser le cavalier. Il semblait être humain. Cela le rassura dans un premier temps. A en croire son uniforme, il semblait qu’il était soldat dans l’armée de Pavona. Andrea était responsable de la grande porte en ce matin. Il se devait de prendre une décision. Il descendit les escaliers, et s’adressa aux soldats qui manœuvraient la porte.

- « Ouvrez la porte. Vous là-bas, accompagnez moi ».

Il quitta l’abri des remparts pour aller à la rencontre du cavalier, escorté par cinq soldats. Celui-ci était arrivé aux remparts et il stoppa à la vue du comité d’accueil. Il paraissait exténué.

- « Oh là mes seigneurs. Pouvez-vous me conduire à votre commandant. Je suis porteur de graves nouvelles ».
- « Bien le bonjour, oiseau de mauvaise augure. Je me nomme Andrea Leoni, et je suis général de la ville de Rémas. Si de graves nouvelles vous êtes détenteur, je vous sauraisgré de me les faire partager. Allons, parlez ».
- « Soit. Je m’en reviens de Pavona. Une grande bataille vient d’y être livrée, cette nuit. Une armée orc est descendue des monts Appucini. La plus grande que je n’aie jamais vue. La mobilisation générale a été proclamée. Tout ce que la ville comptait de soldats valides et aisément mobilisables a été engagé dans la bataille. Hélas, nous étions en bien trop petit nombre, et nous avons été balayés ».
- « Ne vous inquiétez pas. Une armée pourra rapidement être levée et venir briser le siège ».
- « Mon seigneur, vous faites erreur. Alors que notre ville était, pour ainsi dire, sans défense, la tribu orc s’en est allée sans rien piller. Il y a tout lieu de croire que nous n’étions pas leur objectif, et l’armée ennemie s’est dispersée dans toute la Tilée ».
- « Et savez-vous où est l’ennemi maintenant ? »
- « Oui mon seigneur. Et c’est la raison de ma venue. Elle se dirige ici ».
- « Ici ? à Rémas vous voulez dire ? »
- « Exactement, excellence. L’armée s’est dispersée pour pouvoir se ravitailler, mais elle sera ici, dans une semaine au maximum. Et le gros de l’armée se dirige rapidement chez vous ».
- « Venez avec moi ».

* * * * *

Andrea alla trouver Galliani. Celui-ci était en train de prendre son petit déjeuner. Quelle ne fut pas sa surprise d’être cueilli de si bon matin, par une nouvelle aussi terrible.

- « Je vais faire quérir des cavaliers pour repérer toutes les armées ennemies, espérant qu’elles n’essaient pas de nous encercler. Mais racontez nous quels étaient les effectifs orcs ».
- « Il y avait à peu près tout ce que l’on trouve habituellement chez les orcs. Cependant, c’est leur nombre ahurissant qui nous a frappés. Près de un homme pour vingt orcs. En terrain découvert, ils nous ont écrasés ».
- « Profitons du fait que leur armée se soit dispersée le temps de se ravitailler pour les éliminer petit à petit » dit Galliani. « Andrea venez avec moi » et se tournant vers l’un de ses serviteurs « occupez vous de notre ami et faite prévenir le reste du Conseil ».
Andrea et Galliani se retirèrent dans une salle qui servait de Conseil de guerre. Rodrigo les y avait rejoints. Il convenait de réprimer cette attaque dans l’œuf. Galliani y voyait là l’occasion de tester le sens du commandement d’Andrea, qui, depuis son ascension n’avait pas eu l’occasion de livrer une nouvelle fois bataille.
- « Andrea, je vous rappelle que la ville de Rémas entretient pour vous une garde personnelle de cinquante hommes. Or jusqu’à aujourd’hui, le seul homme qui compose cette garde n’est autre que le jeune Alberto. Je veux que vous recrutiez ces soldats puis que vous alliez combattre. Cela fera pour vous un très bon baptême du feu ».
- « Très bien mon seigneur. Qu’il en soit ainsi ».

* * * * *

Alberto avait rejoint Andrea, et tous deux marchaient dans les ruelles de Rémas. Andrea était en quête de soldats pour venir composer sa garde personnelle. Cependant, il ne souhaitait pas avoir pour gardes du corps des mercenaires en armures d’or. Il y en avait suffisamment à la cité. Lui, voulait une troupe légèrement protégée, et capable de se battre avec rapidité et avec une habileté exceptionnelle.
Ils étaient arrivés à destination. C’était une taverne qui, vue de l’extérieur, ne donnait pas envie d’y rentrer, et se nommait « la taverne du sanglier rieur ».

- « Nous y sommes » dit Andrea.
- « Tu es sûr de vouloir y rentrer? » interrogea Alberto qui ne semblait pas enthousiaste à l’idée de pénétrer dans ce coupe-gorge.
- « Assurément. Il y a là un homme que je souhaite rencontrer, lui et ses compagnons ».
- « Et bien allons-y, alors ».

Il n’était que 9 heures du matin mais la taverne était déjà ouverte. Cependant, il y avait très peu de clients. Quelques ivrognes au bar semblaient être là depuis la veille au soir, et étaient semblables à de véritables épaves. Les deux hommes se dirigèrent vers un petit renfoncement. Là, se tenait un petit groupe de cinq comparses. Les hommes avaient les traits tirés par la fatigue, mais ne semblaient pas ivres. L’un d’eux se leva à la vue du général et de son apprenti. Andrea reconnut alors l’homme qu’il était venu chercher.

- « Bien le bonjour, Reinhardt ».
- « Que voulez-vous. Je parie que vous allez encore essayer de nous mettre sur le dos un cambriolage. On commence à en avoir assez de ce délit de sale gueule. Vous n’avez aucune preuve comme à chaque fois. On va finir par perdre patience, mon seigneur ».

Reinhardt était un homme d’une quarantaine d’année, d’une carrure assez imposante, ce qui fait qu’Andrea eut un mouvement de recul, en voyant l’attitude de son interlocuteur.

- « Ne vous en faites pas, je ne viens pas pour une sombre affaire judiciaire. Je suis général, et ces affaires ne m’intéressent pas ».
- « Et qu’est-ce qui vous intéresse alors ? »
- « La guerre. Je cherche des hommes pour rejoindre ma garde personnelle, et cela fait plusieurs années que vous et vos compagnons vous vous battez pour Rémas en tant que mercenaires. Souhaitez-vous entendre ma proposition ».
- « Non. La guerre c’est devenu bien trop peu rémunérateur, et moins intéressant que nos activités habituelles ».
- « Des vols au préjudice de bonnes personnes ».
- « Dois-je vous refaire remarquer que vous n’ avez aucune preuve ? »
- « C’est précisément cet état de fait qui me pousse vers vous. Je sais que vous êtes tous des combattants très discrets, qui savent agir dans l’ombre. Je pars bientôt pour une mission avec mon apprenti. Et je voulais savoir si vous vouliez vous joindre à notre équipée nocturne qui se dessine ».
- « C’est payé combien ? »
- « Bien assez pour que cela vaille le coup. »
- « Pourquoi pas et cette bataille ça consiste en quoi? »
- « Venez tous les cinq, à 19 heures, devant les portes, si cela vous intéresse toujours. Le seigneur Galliani nous donnera l’ordre de mission. Venez habillés en tenue sombre, équipés légèrement ».

* * * * *

Lorsque Reinhardt et ses compagnons arrivèrent devant la grande porte, le soleil commençait à faiblir. Il vit qu’Andrea était déjà là. Il était en grande conversation avec Galliani et Alberto.

- « Ah vous voilà, nous allons pourvoir prendre connaissance de notre ordre de mission ».
- « Comment Andrea !! » s’écria Galliani. « Je vous demande de vous constituer une garde personnelle de cinquante soldats, et vous ne trouvez rien de mieux que de recruter cinq ivrognes ».

Avant que Reinhardt ne s’emporte, Andrea intervint.

- « Ne vous en faite pas mon seigneur. J’essaie une nouvelle approche de la guerre. Si les orcs ont décidé de se battre en nombre bien supérieur au nôtre, nous nous devons d’imaginer de nouvelles tactiques de guerre ».
- « Alors, faites comme bon vous semble. Je vais vous confier comme charge de détruire la menace la plus pressante. Dans le sud de Rémas des orcs se sont infiltrés dans les terres et profitent de l’absence de soldats dans ces zones pour piller les fermes et les petits villages qui sont sous notre dépendance ».
- « Et bien nous allons nous en occuper. Leurs effectifs, quels sont-ils ».
- « D’après les éclaireurs près de cinq cents orcs. Mais la principale menace vient du fait qu’ils ont avec eux pas moins de cinq géants ».
- « Cinq !! je n’ose imaginer les dégâts qu’ils ont pu accomplir jusqu’à ce jour. Une bataille rangée est donc à exclure. J’ai bien une idée que je compte mettre à profit dès ce soir. Mais pour cela, il faudra quelques matériels ».
- « Bien entendu, vous aurez à votre disposition les meilleurs armes de la ville, ainsi que les meilleures armures ».
- « Gardez vos cuirasses, nous n’en aurons nul besoin ce soir. Il nous faut un cheval pour chacun de nous. De bonnes lames, et des arcs précis ».

* * * * *

Cela faisait maintenant deux heures que la petite troupe chevauchait vers le sud. Ils venaient de repérer les orcs. Ou plutôt venaient-ils de les entendre, car les orcs festoyaient probablement à la suite d’une journée de pillage. Ils firent halte. Leurs ennemis avaient établi leur campement à la lisière d’une forêt et un grand feu signalait leur position. L’un des hommes de Reinhardt fut laissé en retrait dans le but de garder les chevaux. Les six autres progressèrent alors à pied.
Ils avancèrent tous d’un pas léger en faisant le moins de bruit possible. Les quelques sons émis n’étaient pas de nature à donner l’alerte, tellement les orcs étaient bruyant. Ils s’infiltrèrent alors dans le campement.

- « Je ne vois aucun géant » chuchota l’un des hommes de Reinhardt.
- « C’est exact. Ne nous sommes pas trompés d’armée ? Tous ces orcs se ressemblent » suggéra un autre.
- « Non je suis sûr que nous sommes au bon endroit. Cela coïncide avec les dires des éclaireurs » affirma alors Andrea. Progressons silencieusement. Si vous repérez des peaux-vertes isolées, vous savez ce que vous avez à faire, du moment que cela soit fait en silence ».

Les soldats passèrent entre les tentes de fortune qui n’étaient pas très fournies en occupants. Le gros des troupes ennemies était rassemblé autour d’un grand feu. Ils éliminèrent quelques orcs qui dormaient dans leurs couchettes, ou qui étaient trop ivres pour avoir détecté leur présence. Reinhardt et ses hommes montraient qu’ils étaient de véritables professionnels dans le domaine de l’assassinat et confortaient Andrea dans son choix. Ils tuaient les soldats adverses de façon nette. Une épée dans la gorge, une flèche dans la tête, ils tuaient toujours en un coup et instantanément . Alberto s’en sortait également honorablement.
Mais compte tenu de l’effectif peau-verte de départ, et de la vitesse à laquelle ils étaient éliminés cela n’allait pas du tout. A ce rythme il faudrait près d’une semaine pour en finir. Il fallait trouver une façon de les éliminer de manière plus massive, tout en évitant une confrontation frontale. Soudain, ils repérèrent les géants et en retour ceux-ci les regardaient.

Cependant, quelque chose semblait étrange. Les géants étaient assis en cercle et ne bougeaient pas à l’approche des humains. Ils ne faisaient que se balancer d’avant en arrière et ils émettaient de petits bruits, sourds et saccadés, comme s’ils étaient dans une espèce de transe.

- « De la magie est à l’œuvre ici », dit Reinhardt.
- « Cela expliquerait comment une bande d’orcs ait pu mener jusqu’ ici autant de géants avec autant de facilité », constata Andrea. Regardez là-bas.

Derrière les géants il y avait une tente assez étrange, qui se trouvait à une quinzaine de mètres de la petite bande. C’était une tente elfe, mais qui était dans un état d’entretien pitoyable. Devant l’entrée, il n’y avait pas de simples orcs ivres et stupides. Ceux-ci étaient bien plus massifs, en armure complète et étaient aux aguets. Il y en avait deux devant la porte et un autre qui faisait une ronde autour de la tente.

- « Dès que la sentinelle s’est éloignée, nous tirerons sur les deux autres », ordonna Andrea. « Allez ».

A peine avait-il donné l’ordre que les deux cibles étaient à terre. Quand la sentinelle revint à son point de départ, elle ne put même pas prendre conscience de ce qui se passait, avant qu’une flèche ne lui traverse la gorge. La voie était libre jusqu’à la tente. Une petite lueur s’échappait de l’entrée. Lorsque l’équipe arriva à l’entrée, Andrea souleva le drap qui servait de porte, ne sachant ce qu’il allait trouver à l’intérieur.

Dans la tente, il n’y avait qu’un seul orc. Il était de petite taille, et surtout il tournait le dos aux humains, ne semblant pas les avoir entendus entrer. Andrea donna des ordres à ses hommes par de simples gestes. Ils se déployèrent en silence dans l’antre de l’orc, l’encerclant progressivement. Celui-ci lisait un livre énorme, au coin d’un feu, et murmurait des incantations dans une langue qu’Andrea ne pouvait comprendre. Quand il comprit qu’il n’était plus seul, l’orc leva la tête de son livre et comprit que quelque chose n’allait pas. Mais avant de trouver des réponses à ses questions, et alors qu’il faisait volte face, le chaman fut transpercé, presque instantanément, par six lames.

Une fois la zone sécurisée, la petite équipe prit conscience de son environnement, de manière plus précise. En dépit du fait que l’ancienne tente elfe dégageait une certaine beauté, il régnait en son sein un véritable capharnaüm. Dans un coin, il y avait une montagne de marmites et de pots en fer, mais on notait aussi la présence de restes humains ou venant d’autres créatures. Andrea prit le livre des mains de l’orc.

- « Voilà qui risque fort d’intéresser notre ami In-Dûr ».
- « Pourquoi ne pas brûler cette saleté » suggéra un homme de Reinhardt.
- « In-Dûr est sage. Il ne sera pas perverti par ces mauvaises incantations. Et il est important, à la guerre, de connaitre les plans de son adversaire. Il y a, là-dedans, de précieuses informations, j’en suis sûr. Mais, qu’est-ce que ceci ? »

Le regard d’Andrea venait de se porter sur une zone de la tente qui était plongée dans la pénombre mais d’où s’échappait un petit reflet bleuté. Il s’en approcha et fouilla du regard avec attention la source de cette lumière. Il s’agissait d’une épée. Elle était de taille normale mais quand Andrea la prit dans sa main droite, elle lui sembla plus légère qu’une épée plus commune. Une sensation s’empara de lui, remontant le long de son bras. Il n’avait jamais vécu cela auparavant.

- « La magie est à l’œuvre dans cette épée, mon seigneur ».
- « Cela m’en a tout l’air ».

Andrea fit quelques mouvements avec l’épée. Elle était agréable à manier. Un des hommes de Reinhardt s’approcha.

- « Puis-je mon seigneur ? » Il prit l’épée entre ses mains et l’examina. « C’est de la magie elfe qu’il y a dans cette épée. Et de la bonne magie qui plus est. Elle est dévouée envers son possesseur et ne cherchera pas à le corrompre. Vous avez fait là une excellente acquisition messire ».

Andrea reprit son épée et la mit à sa ceinture. Il était satisfait de sa trouvaille. Soudain, ils prêtèrent attention à leur environnement, après s’être relâchés un temps. Ils se rendirent compte que, à l’extérieur, le silence régnait. Ils n’entendaient plus les grognements des géants. Cela signifiait une seule chose. En tuant le chamane, le charme les maîtrisant venait d’être rompu.

- « Nous n’avons que trop traîné ici. Mettons le feu au campement et fuyons ».

En sortant de la tente ils observèrent les géants qui se tenaient toujours à une quinzaine de mètres d’eux. Ils ne bougeaient ni ne parlaient mais se regardaient les uns les autres se demandant probablement ce qu’ils faisaient ici. Lorsqu’un petit groupe d’orcs passa à proximité d’eux, ils se mirent alors à gémir. Les orcs paniquèrent, voyant cinq créatures d’une dizaine de mètres qui commençaient à s’énerver. Alors qu’ils fuyaient, l’un d’eux fut saisi par un géant et projeté à travers le campement.

- « Fuyons maintenant. La colère des géants va s’occuper d’eux. Vite allumons des torches et brûlons cette zone ».

Alors que le feu prenait parmi les tentes, les géants s’étaient dirigés vers le grand feu, où s’étaient regroupés les orcs qui festoyaient. Ils écrasaient leurs anciens maîtres avec leurs poings dès que l’un d’eux passait à leur portée. Une bataille venait d’éclater. Les orcs étaient pris au dépourvu, et il ne faisait aucun doute, qu’ils allaient être détruits en grande partie et les autres seraient dispersés.

En rejoignant les chevaux, ils remarquèrent que les bruits de la révolte des géants se faisaient plus ténus. Les orcs étaient probablement déjà vaincus. Ils montèrent tous en selle et partirent au galop vers Rémas. Ils arriveraient à destination à l’aube.

* * * * *

Alors qu’ils arrivaient devant la grande porte, ils virent qu’une armée rentrait également à Rémas.

- « Regarde Alberto. N’est-ce pas ton père qui est là-bas ? Va le rejoindre, si tu veux »
- « Très bien. On se retrouve tout à l’heure ».

Le reste de la troupe se rendit à l’arrière de la colonne et Andrea y reconnut Hristo.

- « Ho là mon ami, d’où revenez-vous tous de si bon matin ? »
- « Bien le bonjour mon général. L’appel aux armes a été sonné peu de temps après votre départ. Le seigneur Galliani a ordonné à la 2ème armée du général Camacho de détruire une armée d’orcs qui s’était approchée un peu trop près de notre cité. Sûrement un groupe d’éclaireurs ».
- « Où les avez-vous stoppés ? »
- « Pas loin de l’endroit où nous avions livré bataille il y a quelques jours. Ils étaient en bon nombre, mais nous avons pu les vaincre aisément ».
- « C’était donc votre baptême du feu pour vous aussi, dans vos nouvelles fonctions ».
- « Exactement mon seigneur. Et pour vous ? Si peu sont de retour, la bataille a été perdue ? »
- « Bien sûr que non. Nous n’avons eu aucune perte. Et nous avons détruit un campement et une armée entière de ces saletés de peaux-vertes. En tout cas, ce qui est sûr, c’est que les orcs resserrent la pression sur nous. Bientôt, ils seront là. Il y a tout lieu de croire que l’armée que vous venez d’anéantir faisait office d’éclaireuse ».

Il repéra dans la foule Galliani et Camacho qui étaient en grande discussion. Ils le virent à leur tour et Galliani lui fit signe de venir vers eux.

- « Alors Leoni, comment s’est déroulée cette escarmouche ? »
- « Vous avez désormais cinq cents orcs en moins à affronter. Cependant, il y a toujours cinq géants en maraude dans le sud du pays ».
- « Chaque chose en son temps. Par cet acte de bravoure, vous venez de confirmer toute la confiance que j’ai placée en vous ».
- « Merci excellence ».
- « Malgré ces temps de troubles, je pense que vous avez mérité une récompense ».
- « Une récompense, excellence ? »
- « Oui. Malgré le fait que vous soyez général, vous n’avez à ce jour pas de commanderie. Il se trouve qu’il en existe une qui vient de se libérer, il y a peu ».
- « Pensez-vous à l’ancienne église de Jean Landelieux ? »
- « Exactement. Mais maintenant, c’est la vôtre. Vous pouvez-vous y installer, elle est à vous ».
- « C’est trop d’honneur ».
- « Autre chose Andrea. Les orcs pillent petit à petit les villages et les fermes de nos campagnes, les réfugiés se font de plus en plus nombreux chez nous. Ainsi, ils mettront plus de temps à arriver, mais nous sommes désormais sûrs qu’ils viennent pour nous, et qu’ils ont mis au point un plan très efficace ».
- « Nous saurons les vaincre, excellence ».
- « Puissiez-vous avoir raison ».

En se rendant à sa nouvelle demeure, accompagné d’Alberto, de Reinhardt et de ses hommes, il croisa In-Dûr. Andrea lui remit le grimoire du chaman orc. Tandis que les soldats se reposaient, Andrea ne pouvait s’empêcher de penser que les orcs étaient venus en Tilée dans un seul but. Piller et détruire Rémas. Le plus surprenant était qu’il était difficile pour les éclaireurs de Rémas de détecter la présence des orcs avant que ceux-ci ne prennent l’initiative de lancer une attaque, comme s’ils connaissaient les alentours de Rémas.

Une seule chose était sûre : ils allaient bientôt passer à l’action. Et cela ne se fit pas attendre. A peine prenait-il connaissance des lieux de sa nouvelle demeure, qu’un homme accourut à sa rencontre.

- « Mon seigneur. Les orcs ! Les orcs arrivent !! »
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MessageSujet: Re: Histoires de Rémas   Histoires de Rémas Icon_minitimeLun 18 Oct 2010 - 22:42

La grande mobilisation

La nouvelle venait de tomber dans la ville. Les orcs allaient passer à l’action. L’éclaireur avait repéré une importante armée peaux-vertes qui campait à un jour de marche de la ville. Probablement le gros des troupes orcs. Devant cette nouvelle menace, le grand conseil s’était réuni afin de prendre une décision quant aux mesures à prendre. Tous les membres habitués à siéger étaient présents, ainsi que Camacho et Andrea.

- « Ils sont nombreux, très nombreux d’ailleurs, selon les informations que nous avons reçues », dit Galliani. « La seule solution de remédier à cette attaque est de chevaucher à leur rencontre avec le maximum de soldats que nous pourrons mobiliser et ainsi les écraser ».
- « Et de combien d’hommes pensez-vous avoir besoin pour mener cette mission ? », demanda Van Schleigen.
- « Je manque encore d’informations, mais je pense qu’engager la 1ère armée, commandée par moi-même et la 2ème armée du général Camacho, devrait suffire ».
- « Mobiliser autant d’hommes pour des orcs ? Et pourquoi ne pas envoyer tous les soldats de la Tilée ? », s’insurgea Quercio. « Recrutons tous les malandrins de la ville, envoyons les combattre et n’en parlons plus. Leoni sera tout à fait capable de les commander ».

Andrea fut surpris par cette considération venant de la part d’une personne supposée lui être hostile. Cela ne semblait pas de bon augure et il se fit le plus désintéressé possible, afin d’être oublié du conseil. Galliani se leva.

- « Une armée uniquement constituée de mercenaires ne serait pas fiable et il faudra plus que des mercenaires. De plus, les comptes de la ville risquent de ne pas s’en remettre ».
- « Que le reste du conseil se rassure, notre situation financière se porte pour le mieux », tranquillisa Van Schleigen.
- « La situation me parait délicate. Des mesures draconiennes doivent être entreprises. Disperser les orcs, voilà ce qu’il faut faire », conseilla In-Dûr.
- « Quelle est la position de Grundak ? », demanda Galliani à Gundaf, le conseiller du chef nain.
- « Je ne pense pas que mon maître souhaitera s’engager dans ce conflit, à moins que vous acceptiez de payer la somme qu’il demande pour louer ses services ».
- « Les nains de Rémas sont-ils si avides qu’ils en ont oublié ce qu’ils devaient à cette cité et à ses habitants ? »
- « Calmez-vous Quercio », intervint Galliani. « Je suis sûr que nous allons trouver une solution. En tout cas, ce qui est avéré c’est que la guerre doit être proclamée. Mettons un avis de recrutement dans la ville, et mobilisons les soldats réguliers. Vive Rémas ! »
- « Vive Rémas », reprit le conseil en cœur.
- « Camacho, Leoni suivez moi », dit Galliani.

* * * * *

Les trois hommes se trouvaient désormais dans la ville. La nouvelle de l’approche des orcs avait fait monter la tension et une agitation certaine régnait. Ils allaient dans le sud de la ville, là même où se trouvait le quartier nain.

- « Voilà une occasion à saisir afin de forcer la main à Grundak et à ses guerriers pour qu’ils rejoignent notre armée ».
- « Seigneur Galliani, je ne vous ferai pas l’affront de vous rappeler que Grundak, bien que membre du conseil, et général de la 3ème armée, n’a plus combattu pour nous depuis près de dix ans. Je crains qu’il ne refuse encore de se battre », dit Andrea.
- « Grundak fut quelqu’un de sage. Je suis sûr qu’il entendra raison cette fois devant la menace qui nous guette ».

Ils arrivèrent alors devant une toute petite maison. Celle-ci était gardée par deux nains en armure, armés de la grande hache caractéristique des nains.

- « C’est ici. Mes amis restez ici je vous pris. Grundak est un ami, mais il ne laisse que très peu d’humains pénétrer dans son antre ».

Andrea resta alors seul dans la rue en compagnie de Camacho et des gardes nains. Il regarda autour de lui et se rendit compte qu’il n’avait jamais mis les pieds dans cette partie de la ville. Bien qu’il vive à Rémas depuis de nombreuses années et qu’il connaisse celle-ci dans les moindres recoins, la partie de la ville appartenant aux nains,restait un mystère pour lui.

La venue des nains dans la cité est une véritable saga comme on en trouve dans le folklore nain. Grundak vint en Tilée à la recherche d’un trésor, pour le compte de l’un des rois de la montagne. Mais son expédition se perdit et affamée, fut recueillie par des éclaireurs de Rémas. Déshonoré mais bien décidé à payer sa dette envers la ville qui l’avait sauvé, il préféra ne pas faire le serment du tueur, ce qui l’aurait conduit à une vie courte et d’errance.

Il décida d’engager ses compagnons qui avaient survécu dans la protection de Rémas. Ce régiment réussit à acquérir une renommée exceptionnelle dans toute la Tilée, se battant avec ardeur et éliminant de nombreuses menaces qu’aucun mercenaire n’aurait voulu affronter. Ce fut le cas notamment lorsqu’il affronta et élimina le dragon Grashik. Plus leur renommée grimpait et plus leur instinct de nain prenait le dessus. Les nains commencèrent à demander une solde, qui s’avéra de plus en plus élevée, jusqu’à ce que le conseil décide de ne plus recourir à eux, préférant ne pas payer une somme exorbitante pour une poignée de combattants, certes de grande valeur.
Cela faisait maintenant presque dix ans que les nains n’avaient pas pris les armes. Au lieu de cela, ils achetèrent des maisons, des échoppes, devenant de puissants commerçants et des artisans de grand talent. De nouveaux nains attirés par le succès de leurs cousins vinrent à Rémas. La population de cette race devint alors très importante et est à ce jour la deuxième la plus importante, après celle des humains, ce qui justifiait leur siège au conseil. Grundak avait lui aussi été nommé général de Rémas et complétait le triumvirat composé d’Andrea, Camacho et de lui-même et qui avait à son sommet Galliani.

Andrea regardait autour de lui. L’architecture n’avait rien à voir avec celle du reste de la ville. Les rues étaient très étroites et sombres. Il se serait cru dans une forteresse naine. Les nains avaient acheté tout un quartier et l’avait façonné à la manière de leur culture. Ils régnaient en maître sur une bonne partie du sud de la ville. Il se sentait mal à l’aise, et il arrivait même à se demander s’il était réellement à Rémas.

Galliani revint après trente minutes de silence dans les rues du quartier nain. Aucune émotion ne transparaissait sur son visage.

- « Excellence ? Les nains se battront-ils à nos côtés ? », demanda Andrea.
- « Je crois que notre plus grande force restera notre courage. Je crains qu’il ne faille que compter sur la force des hommes pour que Rémas puisse continuer à exister ».

Camacho ne paru pas surpris de cette réponse. Cependant pour Andrea cette nouvelle fut comme un véritable coup de poignard. Etant encore très jeune, il était encore bercé de quelques illusions, mais en bon général, lui non plus ne laissa aucun sentiment s’inscrire sur son visage.

* * * * *

Andrea était en haut de la grande porte. Il regardait les soldats qui se rassemblaient devant la cité. Cela faisait longtemps que Rémas n’avait pas réuni pour une bataille deux armées. Une armée représente un total de mille piquiers et arbalétriers, et de cinquante cavaliers légers. Il y avait donc près de deux mille fantassins réguliers, auxquels venaient s’ajouter près d’une centaine de mercenaires. On pouvait voir parmi eux Camacho en pleine conversation avec Hristo, qui semblaient très bien s’entendre, ce qui était une bonne nouvelle pour la protection de Rémas, car posséder deux défenseurs de cette valeur n’avait pas de prix. Galliani ne paraissait pas être au milieu de ses hommes.

- « Ah Andrea vous étiez là. Allons mon ami, je vous cherchais partout ».
- « Vous me cherchiez excellence ? »
- « L’armée est prête à partir. La bataille semble loin d’être gagnée. Si malheur devait nous arriver, je souhaite que vous me succédiez ».
- « Et que faites vous de Grundak. Il est plus expérimenté que moi. Et beaucoup plus puissant. En cas de tragédie, un coup d’état est à craindre ».
- « En ce cas, fiez-vous à Van Schleigen et In-Dûr. Ils vous estiment. Et méfiez vous de Quercio, cette vipère représente votre plus gros danger. Mais n’oubliez jamais ceci : si le besoin s’en fait sentir, sachez que vous pouvez compter sur le plus illustre des citoyens de Rémas ».
- « Ce sera un honneur de vous succéder, bien que je souhaite au fond de moi que cela n’arrive jamais ».
- « Ce sont là des choses qui dépassent notre pouvoir, mon ami ».

Galliani redescendit rejoindre ses hommes qui achevaient leurs préparatifs. Il monta sur son cheval, Argo, un pur sang à la robe blanche, l’un des blancs les plus purs qui soient, cadeau de Van Schleigen. Du haut du rempart, Andrea le regarda motiver ses hommes, espérant en apprendre le plus possible de la part d’un tel meneur d’homme. Puis, Galliani alla à la tête de ses hommes et fit un signe. Un cor retentit et l’armée se mit en marche vers l’ennemi.

* * * * *

Cela faisait deux jours que l’armée était partie. Les cavaliers avaient rapporté quelques nouvelles, notamment la dernière qui avait informé Andrea que le combat allait être engagé. Ce dernier commençait à en avoir assez de gérer la vie quotidienne des soldats restés à la ville. Il n’avait jamais pensé au fait qu’être le chef suprême de l’armée avait autant d’obligations. Il en regrettait même de n’être pas parti à la bataille.

Au petit matin, un son de trompette retentit de la grande porte, signe que quelqu’un approchait.

- « Préparez quelques cavaliers pour aller à leur rencontre ».
- « Ce sera fait excellence ».
- « Et scellez mon cheval ».

Andrea partit à la rencontre d’un petit groupe qui s’approchait très lentement de la ville. Les visiteurs étaient en fait des soldats de Rémas. Andrea demanda à l’un de ses compagnons d’aller prévenir les médecins et de faire venir des charrettes pour amener les blessés à la ville.
Mais en arrivant à bonne distance, il reconnut un signe qui lui fit craindre le pire : Argo. Si le cheval de Galliani revenait de la bataille, quelque chose se tramait. Galliani était bien sur son cheval, mais il était voûté, signe qu’il était blessé. Andrea accéléra la cadence. Il arriva à hauteur du chef militaire.

- « Excellence êtes-vous gravement touché ? »
- « Ne vous occupez pas de moi, cela ira. Aidez plutôt ces valeureux guerriers plus gravement touchés que moi ».
- « Quelles nouvelles de la bataille ? »
- « Hélas, elles ne sont pas bonnes. Je crains même qu’elle ne soit perdue. Camacho replie l’armée. Les orcs étaient en trop grand nombre. Je n’avais jamais vu une armée aussi grande de toute ma vie. Il apparait aussi qu’ils avaient une grande connaissance du terrain, déjouant tous nos plans ».

Andrea regarda le cou de Galliani. Il avait un bandage rougi par le sang. Mais la peau autour de la blessure était violacée. La stupéfaction se lisait dans les yeux d’Andrea.

- « C’est bien ce que vous pensez. Du poison. Je vais demander à In-Dûr s’il cela peut être guéri ou non ».

Petit à petit, les restes de l’armée revenaient à Rémas. Elle n’était plus aussi fière et aussi glorieuse qu’à son départ. Elle était en haillons et son moral était au plus bas. Mais elle était surtout bien moins conséquente, signe que les soldats avaient payé un lourd tribut lors des combats.
Tout au long de la journée, un flot continu de soldats arriva. Sur près de trois mille guerriers partis à la guerre, il n’y avait pour l’instant que huit cents d’entre eux qui étaient revenus. Pour la plupart, ils étaient blessés plus ou moins gravement, mais nombre d’entre eux n’étaient pas aptes à reprendre les armes.
Andrea était au pied des portes. Il vit alors Hristo, menant un groupe de piquiers, franchir celle-ci.

- « Si peu d’entre vous êtes de retour, mon ami ».
- « J’en ai bien peur sir. Des nouvelles du seigneur Galliani ? il a été touché rapidement dans la bataille ».
- « Oui, il est parti recevoir les soins de In-Dûr. Et Camacho où est-il, j’aimerais m’entretenir avec lui ».
- « Je ne crains que ce jour soit un jour de malheur. Alors qu’il organisait la retraite de notre armée, il fut défié par le chef de guerre orc. Son honneur étant en jeu, il a accepté espérant que le reste de ses hommes puisse s’échapper ».
- « Continuez, même si j’entraperçois l’issue funeste de ce combat ».
- « Hélas oui. Le combat était joué d’avance. Le chef orc était le plus gros que je n’aie jamais vu. Camacho, bien que vaillant, n’a tenu que cinq minutes, son corps étant réduit en charpie ».
- « C’est assurément une perte terrible pour nous tous. Espérons que le seigneur Galliani récupérera à temps de ses blessures ».

Cependant, le souhait d’Andrea et de tous les habitants de Rémas ne fut pas exhaussé. Non seulement In-Dûr ne parvint pas à le soigner des effets du poison, mais celui-ci se propageait dans le reste de son corps. Lorsqu’Andrea fut appelé au chevet de son maître, l’oracle était déjà là, accompagné de Van Schleigen. La blessure de Guiseppe Galliani ne laissait que peu d’espoir quant à son issue. A l’endroit de l’entaille, il y avait désormais des bubons gros comme des œufs de cailles, et la tache violacée s’était étendue atteignant ainsi son visage.

- « Mon seigneur, c’est pour moi une grande douleur de vous voir touché ainsi ».
- « Et pour rajouter à votre chagrin, je crains que cela ne soit les dernières images que vous aurez de moi. Le temps m’est compté. Je sens la vie me quitter peu à peu. Bientôt je ne serai qu’un souvenir. Un nom que l’on se remémorera le soir au coin du feu. Mais pour cela, il faut que la cité survive ».
- « Et c’est bien ce qui m’inquiète, mon seigneur. Une importante partie de notre armée est hors de combat, le général Camacho n’est plus, et il semble que vous partagerez son sort d’ici peu. Les orcs se font, chaque jour, plus hardi et plus nombreux. Que faire ? »
- « C’est pour répondre à ces questions que je vous ai tous fait venir ce soir. Je propose à ma propre succession Andrea Leoni. Les autres membres du conseil n’ayant pas daigné venir, il appartiendra à vous d’avaliser cette proposition ».
- « J’émets un vote favorable », affirma Van Schleigen.
- « Bien que le seigneur Leoni soit fort jeune, je ne vois, à mon grand regret, aucune autre personne qui puisse s’acquitter de cette tâche que lui. J’y suis également favorable », dit In-Dûr.
- « Très bien. Andrea, il semble que vous me succéderez. Mais cela ne sera effectif qu’une fois ma mort arrivée. Maintenant, j’aimerais rester seul, veuillez disposer ».

* * ** *

Galliani mourut deux jours plus tard. Toute la ville fut en deuil. A cela s’ajoutaient les rapports d’activités relatant l’avancée des orcs, qui semblaient prendre leur temps pour attaquer Rémas. Tous ces évènements firent que l’intronisation d’Andrea, en tant que maréchal et général en chef des armées de Rémas, passa presque inaperçue . Pourtant cela n’était pas anodin. La force des choses avait fait qu’il était désormais le commandant suprême des armées de la ville de Rémas le plus jeune de son histoire que le conseil ait eu à élire.

Le corps de Galliani fut inhumé le lendemain matin. Il fut conduit, depuis la citadelle des sages, dans une crypte où étaient conservés les corps des habitants les plus illustres de Rémas. Une grande majorité de la ville était présente dans les rues afin de rendre un dernier hommage à un homme qui avait consacré une grande partie de sa vie à défendre cette cité sans jamais compter ses efforts, ni ménager sa peine.

Cependant, la situation était plus que jamais préoccupante. Les orcs, à ce rythme, seraient prêts à assiéger la ville d’ici deux à trois jours. Ils ne se jetaient pas à l’assaut de la ville de manière irréfléchie, comme cela était leur habitude. Ils se préparaient méticuleusement, laissant présager un grand danger pour les humains. Et ce qu’Andrea n’arrivait pas à comprendre était la détermination que mettaient les orcs à s’en prendre à sa ville en particulier. D’autres villes semblaient faire de meilleures cibles comme Trantio ou encore Pavona, étant bien moins protégées. Au lieu de cela, les orcs se faisaient un malin plaisir à détruire une par une les fermes qui servaient à alimenter la ville, afin de l’affamer. Ces dernières étaient très peu nombreuses à être encore debout, signe que l’attaque allait être imminente.

* * * * *

Le conseil s’était exceptionnellement réuni afin de délibérer sur la suite des évènements. Tous les membres habituels étaient présents, Grundak étant resté comme d’habitude dans son palais, accablé, à en croire la rumeur, par la mort de Galliani.

- « Notre armée est beaucoup trop faible et bien mal commandée pour faire face à cette menace », dit Quercio. « Il faut envoyer des émissaires pour négocier, cela sera notre seule chance de salut ».
- « Ayons foi dans notre nouveau chef militaire. Il n’a pas encore eu l’occasion de démontrer l’ampleur de ses talents », répondit In-Dûr.
- « Il est trop jeune. Jamais l’armée ne le respectera, et je n’ose imaginer son impact sur le moral des mercenaires ».

Andrea n’osa pas intervenir, estomaqué par l’animosité que lui manifestait le représentant de la guilde des marchands. Van Schleigen vit que le nouveau membre du conseil était en difficulté, et se décida donc à intervenir.

- « Je crois comme In-Dûr qu’il faut faire confiance à notre armée. Il a démontré sa vaillance en prouvant lui et six de ses compagnons qu’ils étaient capables de grandes choses. Les orcs préparent l’assaut avec trop de méticulosité pour accepter de négocier. Ils sont menés d’une poigne de fer, signe qu’ils ne nous feront pas de quartier. La guerre est la seule voie qui s’ouvre à nous ».

Alors Andrea, devant la menace de ce grand danger prit ses responsabilités.

- « Hélas, je partage l’avis du seigneur Van Schleigen. La guerre est inévitable. La seule question, qui se pose désormais, est de savoir si nous subirons la barbarie des orcs, où si nous y ferons face, vaillamment, comme nos ancêtres l’ont fait en leur temps. Comment est l’état de nos caisses ? »
- « Je dois admettre qu’elles se portent pour le mieux, grâce aux efforts du seigneur Quercio », dit Van Schleigen.
- « Votons alors pour réunir les sommes afin d’engager un maximum de mercenaires. Plus notre armée sera grande, plus de chance nous aurons de remporter la bataille. Pour savoir cela, il n’est nullement nécessaire d’être un chef accompli », déclara Andrea, assénant une pique à l’adresse de Quercio.
- « Mettre notre avenir dans les mains d’une bande de brigands ! Ils se sauveront à la première occasion après avoir touché leur paye. Ils pourraient même rejoindre les orcs ».
- « Le nombre de nos ennemis fait sa force. Nous, nous n’avons que l’avantage de nos remparts. Cependant, pour les tenir, il faut des guerriers. Il nous faut recruter ».
- « Et quelle est la teneur de notre armée régulière ? », questionna Van Schleigen.
- « Nous disposons encore de ma propre armée et de ma garde personnelle », répondit Andrea. « Nous avons aussi l’armée qui est sous les ordres du général Grundak, et la garnison permanente de la ville. A cela, il faut y ajouter les hommes aptes au combat des armées de Galliani et de Camacho. Soit quatre mille soldats et deux cents cavaliers. Je préconise la conscription et le recrutement d’un maximum de mercenaires ».
- « Soit, nous voterons sur ce sujet », concéda Van Schleigen. « Je souhaiterais préalablement connaître la position qu’adoptera la population naine ».

A ce moment Gundaf sursauta, surpris qu’il fût que l’on s’adressât à lui. Durant toute l’assemblée il n’avait pas dit un mot, mais maintenant il ne pouvait plus rester à l’écart des débats.

- « Je ne pense pas que mon maître souhaitera partir au combat. Il m’a demandé de vous faire part du fait qu’il est très affecté par la mort de son ami, le seigneur Galliani. Il n’engagera aucun guerrier nain dans ce combat, nous respectons actuellement une période de deuil. Cependant, nous sommes disposés à mettre à votre disposition l’armée de soldats réguliers humains que mon maître a sous ses ordres ».

A ces mots, Andrea fut pris de colère. Il se leva et quitta l’assemblée. Dans sa fureur, il n’entendit pas les appels au calme de Van Schleigen. Il quitta la citadelle des sages, bien décidé à rencontrer Grundak en personne.
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MessageSujet: Re: Histoires de Rémas   Histoires de Rémas Icon_minitimeLun 25 Oct 2010 - 22:16

Retrouvailles

Devant la citadelle, Andrea retrouva Hristo et Alberto en pleine conversation. Il leur fit signe de s’approcher.

- « Vous deux ! venez ici ».
- « Oui excellence, nous voilà ».
- « La traitrise des nains s’est une nouvelle fois manifestée. Hristo tu vas aller enrôler tous les hommes valides que tu trouveras en ville. La conscription a été proclamée, tout citoyen de Rémas âgé de quinze à cinquante-cinq ans devra passer à l’armurerie et se préparer à combattre. Et par la même occasion tu as la permission de recruter autant de mercenaires que tu pourras trouver. Von Schleigen a déjà approuvé cette décision. Envoie des cavaliers quérir des renforts et fais revenir toutes les troupes en extérieur ».
- « Très bien excellence, il en sera ainsi ».

Hristo partit dans la citadelle, afin de satisfaire la volonté de son seigneur.

- « Alberto, viens avec moi. Nous allons rendre visite à nos amis nains », dit-il avec ironie.

Andrea et Alberto se retrouvèrent devant la petite maison où Galliani l’avait conduit quelques jours plus tôt. Les deux mêmes gardes étaient toujours là. Andrea se planta devant eux, mais les sentinelles ne lui prêtèrent pas attention.

- « Veuillez m’annoncer à votre général ! », ordonna Andrea.
- « Il ne reçoit aucune visite venue de l’extérieur aujourd’hui. Ordre de sa majesté Grundak ».
- « Annoncez lui, au moins ma présence, je suis sûr qu’il se montrera raisonnable et me recevra ».
- « Je crois, seigneur Leoni, que vous avez oublié qu’aucun humain n’est autorisé à pénétrer dans le palais nain. Votre ami Galliani faisait ici figure d’exception et aucun autre humain n’avait eu cet honneur avant lui ».
- « Ma patience est épuisée. Ma ville est menacée, et je veux m’entretenir avec le seigneur Grundak sur le champ. Si vous refusez de m’annoncer à lui je pénétrerai dans ce lieu par les armes ».

A ces mots Andrea porta la main à son épée. Les deux guerriers nains ne sourcillèrent pas, mais fixèrent intensément Andrea dans les yeux. Alberto se sentait complètement perdu. Il ne s’attendait pas à se retrouver dans une telle situation, et de ce fait ne portait pas la moindre lame sur lui.

- « Il suffit. Veuillez cesser cette folie, seigneur Leoni ! »

Tous se retournèrent pour voir qui était l’auteur de ces paroles. Il s’agissait de Gundaf qui s’en retournait du conseil.

- « Ne croyez pas que le seigneur Grundak est aveugle et sourd aux maux de cette cité ».
- « Alors pourquoi refuserait-il de m’accorder une entrevue ? »
- « Contrairement à ce que vous pensez, il est réellement affecté par la mort de Guiseppe Galliani ».
- « Peut-être est-ce le remord qui vient peser sur sa conscience. Mais la situation est grave et s’il refuse de m’entendre, il se pourrait qu’il ait à pleurer la mort de tout un peuple, y compris parmi vos semblables ».
- « L’on parle souvent de l’obstination des nains, mais la vôtre n’a rien à nous envier. Soit, vous pourrez le rencontrer, et vous seulement », dit Gundaf en désignant de la tête le jeune Alberto, dont la présence semblait inappropriée. « Mais je connais mon maître, et il y a peu de chance qu’il revienne sur la décision que je vous ai exposée au conseil ».
- « Laissez -moi en être le seul juge, conduisez moi à Grundak ».

* * * * *


La petite porte gardée par les deux nains s’ouvrit et Andrea fut invité à entrer par Gundaf. La pièce qui se présentait à lui était pour le moins singulière. Elle était très petite et entièrement vide.

- « Le seigneur Grundak va arriver », dit Gundaf.

Andrea fut étonné par cette déclaration, car hormis la porte qu’ils venaient d’emprunter, la pièce ne possédait aucune ouverture, ou du moins aucune visible. Son regard fit le tour de la pièce et quand celui-ci revint à son point de départ, il était face à un vieux nain. Surpris, Andrea tira son épée.

- « Calmez-vous seigneur Leoni », fit une voix dans la pièce et qui n’était pas celle de Gundaf. Vous n’êtes pas ici en territoire hostile. Rangez cette épée ».

La lumière revint. Et en plus de Gundaf se tenait un autre nain dans la pièce, Grundak.

- « De toute façon, cette épée serait bien insuffisante à percer mon armure ».

Andrea regarda son épée avec étonnement, se demandant ce qui pouvait clocher chez elle. Elle ne lui avait jamais fait défaut par le passé, pourtant.

- « Seigneur Grundak : Voilà que je vous rencontre enfin. Cela n’a pas été chose facile ».
- « He bien, maintenant que je suis là, que voulez-vous ? »
- « La ville sera assiégée d’ici quelques jours, toutes les forces ont été mobilisées. Mais Gundaf m’a dit que vous refusiez de combattre ? »
- « Je vous laisse disposer de mon armée à votre guise. Cependant, les guerriers nains ne se battront pas. J’ose penser que mon émissaire vous a annoncé que nous étions dans une période de deuil ».
- « Certes, j’en ai été informé. Mais, avec tout le respect qui est dû à votre rang la situation est bien plus critique que vous ne le pensez. Une fois les quelques hameaux de la campagne voisine détruits, l’ennemi pourra nous encercler et commencer son siège avec la plus grande armée d’orcs que nous n’ayons jamais vue par ici ».
- « J’ai eu vent de cette menace. J’ai toute confiance en vous, et cinq cents guerriers nains en plus ou en moins ne feront pas la différence. Je connais la taille de vos effectifs et je suis sûr qu’ils sont tout à fait suffisants ».
- « Derrière cette porte attend le jeune Alberto Camacho, fils de Rodrigo Camacho. Son père, grand serviteur de Rémas est mort pour cette ville, car, en tant que général, il se sentait investi de l’obligation de la défendre jusqu’à la mort. Vous aussi êtes général, et c’est pour cette raison que je ne comprends pas votre refus obstiné de vous joindre à nous ».
- « Vous pouvez faire défiler tous les orphelins de Rémas devant ma porte, ma décision ne changera pas. Maintenant, je commence à être las de votre insolence, veuillez quitter ma demeure. La patience naine a ses limites qu’il convient de ne pas franchir ».

A ces mots, Andrea quitta la maisonnette et passa devant Alberto sans lui accorder le moindre regard. Ce dernier courut derrière son maître.

- « Andrea quelles sont les nouvelles ? »
- « J’ai été stupide de croire pouvoir réussir là où Galliani avait échoué. Mais ce problème devra attendre. Nous devons nous occuper des orcs avant toute autre chose. Rentrons ».

* * * * *

Sur le chemin qui le menait à sa résidence, Andrea se tourna vers Alberto.

- « Alberto, mon ami, va au cantonnement et va me faire sceller un cheval, et je veux que tu rassembles quelques hommes pour m’accompagner ».
- « Très bien, ce sera fait. Mais si tu quittes la ville, dois-je t’accompagner ? »
- « Je préfère que tu sois là, en ce moment. En ces temps troublés, je préfère avoir un homme de confiance, là où les ennemis les plus sournois peuvent se terrer. De toute façon je n’en aurai pas pour longtemps. Si tout se passe bien, je serai là ce soir ».

Alberto le quitta et disparut dans les ruelles de Rémas. Andrea pénétra dans la chapelle qui lui servait de maison. Dans le hall se trouvait Reinhardt qui l’attendait.

- « Ah Andrea ! Vous voilà enfin ».
- « Quelles sont les nouvelles ? Bonnes j’espère. Je ne vous cacherai pas que de mon côté, elles ne le sont pas. Maudits soient les nains ».
- « Eh bien je peux me réjouir de vous apporter un peu de réconfort. Votre garde personnelle compte déjà plus de trente membres. Je sélectionne les derniers qui me feront le compte de cinquante. Il y a de nombreux postulants ».
- « Prenez les tous. Nous aurons besoin d’un maximum d’hommes pour mener cette guerre ».
- « Très bien, mais les finances nous le permettent-elles ? »
- « Hélas mon ami, les finances ne sont pas mon principal souci en ces jours sombres. Recrutez les meilleurs dans ma garde. Il importe peu que nous dépassions les cinquante. Maintenant, excusez-moi mais je dois m’absenter de la ville quelques heures. Pour toute question voyez avec Alberto ».

* * * * *

Lorsqu’Andrea arriva devant la grande porte, il y avait une petite dizaine de cavaliers prêts à suivre leur chef. Alberto était un peu à l’écart avec dans sa main gauche les rênes d’un cheval à la robe blanche. Il était avec un homme qui lui fit signe d’approcher.

- « Ah, Andrea ! J’ai appris vos mésaventures avec les nains », dit Van Schleigen.
- « Hélas, au fond de moi je savais pertinemment que ma démarche était vaine. Mais vous, que faites-vous là ? »
- « Et bien, je vous attendais. Maintenant que vous êtes maréchal, il vous faut tous les attributs qui vont avec. C’est pour cela que je vous offre cette monture ».

Andrea regarda le cadeau que l’on venait de lui faire, et la quelle ne fut pas sa surprise, lorsqu’il reconnut le cheval qui lui était présenté.

- « Mais c’est… Argo? »
- « Oui, toute notre région ne comporte pas de meilleur cheval que lui. Ainsi je vous le donne espérant que la destinée de son premier détenteur ne soit pas la même pour vous ».
- « Ce cadeau m’honore, seigneur, et je suis heureux de dire à cet instant, que je vous compte désormais parmi mes amis les plus fidèles, et que je suis heureux que Rémas soit gouvernée par un tel homme ».
- « Vos compliments me vont droit au cœur, mais il me semblait que vous nous quittiez ? »
- « Oui, j’ai quelques personnes vivant dans la campagne à voir ».
- « Mais la populace vivant en dehors des murs est revenue se mettre à l’abri déjà ».
- « Pas tous, mon ami, pas tous ».

Et à ces mots, il monta sur Argo et se dirigea vers les cavaliers qui l’attendaient à la grande porte. Il quitta la ville chevauchant au galop, au travers des pâturages.

* * * * *

Cela faisait quelques heures que la petite troupe avait quitté la ville. Ils n’avaient pas trouvé âme qui vive depuis qu’ils étaient partis, pas même un animal. Jusqu’ici les seules habitations qu’ils avaient aperçues étaient toutes désertées, leurs habitants ayant préféré fuir à l’abri des murs de Rémas. La tension était à son comble et les hommes n’osaient pas même parler, de peur de relâcher leur attention. Les orcs étaient proches, cela ne faisait aucun doute.
Un jeune soldat fit accélérer son cheval pour arriver à hauteur d’Andrea.

- « Mon seigneur, je crois que nous sommes suivis ».
- « Je l’ai vu, Giovanni, mais nous n’avons rien à craindre de lui. Je dirais même que c’est notre ange gardien pour la journée ».
- « Là-bas excellence ! De la fumée », dit un autre soldat.
- « Du nerf compagnons, c’est à cet endroit que nous nous rendons », annonça Andrea.

La troupe accéléra de plus belle, ne se concentrant que sur leur objectif. Ce dernier était une ferme. C’était en réalité plus que cela. La propriété était très grande avec de multiples dépendances. Le bétail était encore là. La colonne de fumée n’était pas due à un incendie, comme l’avait craint Andrea, mais à un feu de cheminée des plus classiques.

Cette ferme n’était pas étrangère à Andrea bien que cela fasse maintenant, plusieurs années qu’il n’y était pas retourné. Plus il s’approchait et plus il entendait une petite musique. Un chant de flûte qui lui était familier. Il était de retour à la ferme familiale, et celle-ci était encore en pleine activité. Ils pénétrèrent tous dans le corps de ferme. Il y avait une fontaine d’eau claire en son sein. Les arbres étaient en fleurs, le printemps ayant été particulièrement précoce cette année. Andrea stoppa Argo. Il prit une grande respiration afin de s’imprégner de l’environnement.

Des souvenirs lui revinrent. Des souvenirs de son enfance, avant qu’il ne parte pour Rémas et son école militaire. Des souvenirs de la dernière fois où il était venu ici, pour l’enterrement de sa mère. Le chant de la flûte le tira de sa rêverie. Il était joué par un homme qui était assis devant la fontaine. Andrea se dirigea vers lui.

- « Bonjour Lalin. Cela faisait longtemps n’est-ce pas ? », dit Andrea pour briser la glace.
- « Tiens le retour de l’enfant prodige. Je me demandais quand est-ce que tu viendrais », dit Lalin en ne lui prêtant pas le moindre regard.
- « C’est comme ça que tu accueilles ton petit frère ? »
- « Descends de ton cheval que je te serre dans mes bras, mon frère ».

Andrea s’exécuta. Cela faisait donc trois ans qu’il n’avait pas revu son frère. Et bien que Lalin soit plus âgé que lui de seulement une année, on ne pouvait pas faire deux frères plus différents. Andrea était de grande taille, avec de larges épaules. Lalin était plus petit et assez frêle, malgré son travail à la ferme. Ils s’étreignirent.

- « Alors qu’est-ce qui t’amènes ici ? » interrogea Lalin.
- « Mais c’est la guerre ,quelle question. Tu n’es donc au courant de rien ? »
- « Tu fais sûrement allusion à l’émissaire qui nous a visités il y a une quinzaine de jours ? Nous l’avons congédié ».
- « La menace est sérieuse, pourtant. Ce n’est pas souvent que la mobilisation générale est proclamée ».
- « Père n’a pas voulu quitter la ferme, alors je suis resté moi aussi. Si tu le cherche je crois qu’il est à l’étable ».
- « Très bien, je m’y rends de ce pas ».

Il se tourna vers ses hommes :

- « Restez là, on pourrait avoir à partir rapidement ».

Andrea se dirigea vers la grande étable. Son père était là, donnant des ordres à ses employés. Contrairement à Lalin, celui-ci était d’une stature imposante. Il portait un imposant ballot de paille. Il se retourna et vit Andrea sur le pas de la porte. A cette vision, il cessa de s’adresser à ses employés pour s’installer dans la stupéfaction.

- « Que, que fais-tu là, mon fils ».
- « Bonjour père ».
- « Tu viens pour me faire regagner la ville peut-être ? »
- « Je vois qu’on ne peut rien te cacher. Les orcs arrivent, il te faut fuir tant qu’il est temps ».
- « Et bien si les orcs prêtent attention à nous, nous les repousserons Nous l’avons fait par le passé et nous recommencerons ».
- « Père, tu ne sembles pas te rendre compte du danger. Les orcs ont écrasé deux de nos armées. Ce n’est pas avec Lalin et ta trentaine de garçons de ferme que tu leur résisteras ».
- « Oui j’ai entendu dire que tu étais monté en grade et que tu dirigeais toute l’armée de Rémas maintenant. Mais malgré cela, tu ne comprends décidément rien ».
- « Je sais très bien que tu veux rester ici, car c’est là que maman est enterrée. Mais crois-tu qu’elle voudrait que tu sacrifies ta vie pour elle. Et par là même tu mets en danger Lalin, ton propre fils, qui t’a toujours été fidèle. Et tes employés, leur famille, y as-tu pensé? »
Suite à ces mots, le rude propriétaire terrien vacilla. Dans ses yeux, il était possible de voir que les paroles d’Andrea l’avaient touché. Il fit tomber son ballot de paille par terre. Il s’approcha de l’un de ses hommes, lui murmura quelques paroles, et à ces mots, celui-ci partit en courant.
- « Je viens de dire à mes hommes de préparer leurs affaires. Ils seront prêts d’ici quelques heures ».
- « Le plus tôt sera le mieux, le danger nous guette ».

Andrea était sorti de l’étable et regardait au loin. Il fixait une épaisse forêt qui se trouvait à plusieurs centaines de mètres. Des bruits inquiétants en émanaient. Il se tourna vers son père.

- « Cette forêt me glace le sang ».
- « Il y a de plus en plus d’activité. Je crois que les éclaireurs des orcs sont là, à nous épier. »
- « Raison de plus pour se mettre à l’abri dans la ville ».



* * * * *

Andrea revint avec son père près de ses hommes.

- « Soldats, je vous présente mon père, Giacomo Leoni ».

La petite ferme était en ébullition. On s’activait de toute part, préparant ses affaires, essayant de trouver le juste équilibre entre prendre un maximum d’affaires et voyager rapidement. Andrea vit Lalin revenir du fond de la ferme.

- « Où étais-tu ? Tout le monde s’en va, tes affaires sont-elles prêtes ? »
- « La ville me fournira tout je pense. La conscription étant proclamée, je serai à coup sûr enrôlé de force. Je n’emporte que mon fifre ».
- « Alors que faisais-tu là-bas ? »
- « J’étais parti sur la tombe de notre mère. J’ai fait en sorte qu’on ne la remarque pas, ainsi elle sera préservée du mieux possible de toute profanation.
- « Bonne initiative mon frère. Maintenant allons charger les chevaux ».

* * * * *

Une heure après l’arrivée d’Andrea, tout le monde était déjà prêt à partir. Les chevaux de ses hommes et même Argo étaient chargés comme de véritables mulets. Andrea s’en voulait de faire subir une tâche aussi avilissante à cette noble monture. Les hommes de ferme et leurs familles étaient dans des chariots, tirés par des bœufs, et représentaient presque une centaine de personnes à escorter.

Le convoi était en route et se déplaçait assez lentement. Andrea n’était absolument pas rassuré. Il se sentait très vulnérable. Il n’avait que très peu de soldats de métier avec lui. Des femmes et des enfants les accompagnaient et, pire que tout, il devait veiller sur les derniers membres de sa famille. Cependant, son père et son frère étaient ses seules raisons de se réjouir en ces heures sombres.

Après avoir marché quelques centaines de mètres, l’un des soldats appela Andrea. Celui-ci se dirigea rapidement à l’avant de la colonne.

- « Qu’ y a-t-il soldat ? »

Le soldat de Rémas montra de son doigt droit devant lui. Il y avait un homme encapuchonné qui se tenait à une dizaine de mètres d’eux.

- « Ah, je me demandais quand est-ce qu’il allait se montrer celui-là. Nous n’avons rien à craindre, continuez d’avancer ».

Andrea s’approcha du nouveau venu. Il était heureux de revoir celui-ci.

- « Elyos, mon ami, comment vas-tu ? Je me demandais quand tu allais te montrer ».
- « Cela fait un moment que je vous observe, j’ai remarqué que les éclaireurs des orcs sont partout ».

A ces mots, Elyos ouvrit son manteau et ôta sa capuche. C’était un elfe. Il venait à Rémas de façon régulière même s’il n’était pas un résident officiel de la cité. Il était une vraie légende dans cette ville, tous le voyaient tous les jours, mais personne ne pouvait dire autre chose à propos de lui que son prénom, ou du moins celui qu’il avait donné.

Elyos était un elfe à la longue chevelure blonde. Il était très fin, comme la très grande majorité de ses congénères. Il était vêtu légèrement. Andrea regarda ce qu’il portait à sa ceinture. Hormis un fourreau, il y avait, attachées à celle-ci ,deux têtes de gobelins.

- « Vous pouvez rentrer sereinement à Rémas. Personne n’ira avertir les armées orcs de l’existence d’une caravane vulnérable sur les routes ».
- « Je te remercie mon ami. Mais ne traînons pas. Sur ces routes, on ne peut qu’espérer une sécurité relative. Une fois à Rémas, je t’offrirai un verre du meilleur vin de tout Rémas ».
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MessageSujet: Re: Histoires de Rémas   Histoires de Rémas Icon_minitimeMar 2 Nov 2010 - 13:17

L’épée brisée

Cela faisait trois jours qu’Andrea était revenu de ses terres natales. Les peaux-vertes ne s’étaient pas manifestées une seule fois, et il n’y avait plus de citoyens qui s’en revenaient des terres extérieures. De ce fait, il n’y avait plus aucun obstacle entre les orcs et Rémas. Sachant que le pire était à venir, Andrea avait décidé de profiter au maximum du moindre petit plaisir, et c’était pourquoi il était encore au lit à huit heures du matin.

Il ne dormait pas, mais il aimait regarder le contenu de sa chambre. Il n’avait rien changé à la décoration depuis qu’il avait repris les quartiers de Landelieux. Malgré l’austérité de l’église, il y régnait une certaine extravagance. Ce qui attirait l’attention d’Andrea, chaque matin, était une statue, de près de deux mètres de haut, représentant Landelieux lui-même. Cependant, des coups à la porte de sa chambre vinrent le tirer de se rêverie. Il se leva.

- « Excellence ! La patrouille de ce matin est revenue ! »
- « Oh là, soldat, que se passe-t-il ? pourquoi une telle agitation, » questionna Andrea alors qu’il était encore un peu endormi.
- « Vous devriez venir voir tout de suite ».

Andrea attrapa son pantalon, sa chemise et son fourreau. Puis il sortit hors de la chapelle en compagnie du soldat qui venait de le réveiller. Ce dernier le conduisit vers la grande porte. Celle-ci était grande ouverte et il y avait un petit attroupement devant. Andrea vit Hristo et s’approcha de lui.

- « Hristo que se passe-t-il ? »
- « Regardez », dit-il en pointant du doigt un homme blessé autour duquel s’afféraient plusieurs hommes. « C’est le seul survivant de la patrouille de six heures ».
- « Et que s’est-il passé ce matin ? »
- « Ils sont tombés dans une embuscade tendue par des gobelins. Ils étaient en très grand nombre, sur des loups ».
- « Où est-ce que cela s’est-il passé ? »
- « A moins de deux kilomètres d’ici. Ils n’ont jamais été aussi proches ».
- « Il va falloir agir et traquer ces vermines dans les plaines. Faites seller une cinquantaine de chevaux, ainsi qu’ Argo. Et referme cette porte, par Myrmidia ».

Andrea monta le plus vite possible les escaliers qui le menaient au sommet des remparts. De là, il pouvait voir à plusieurs kilomètres à la ronde, et ses craintes étaient en train de se confirmer. Partout où il posait son regard, il voyait de petites ombres allant de ci ,de là, parcourant les terres verdoyantes de Rémas. Les gobelins et leurs montures étaient partout.

C’en était trop. Il avait décidé d’agir et ne doutait pas que c’était la bonne décision. Cette attaque qu’il allait mener n’allait sûrement pas briser le moral des orcs, leur nombre étant considérable, mais une victoire regonflerait assurément celui de ses hommes.

* * * * *

Il retourna chez lui afin de s’équiper pour le combat. En arrivant dans sa chambre, il posa son épée sur le lit. Il enfila directement sa cotte de maille. Puis il passa sa chemise blanche qu’il enfila dans son pantalon noir. En tant que maréchal, il n’avait plus l’obligation de porter le gilet rouge, troisième pièce composant l’uniforme traditionnel de Rémas, au profit d’une armure d’or. Il les laissa tous les deux sur une chaise. Il passa ses brassards et fixa son épée à sa ceinture.

La tension commença à monter. Il venait de réaliser qu’il allait mener sa première bataille depuis qu’il était devenu chef des armées de Rémas. Avant il n’avait jamais eu à prendre l’initiative de mener une attaque. Il quitta sa chambre et vit le jeune Alberto dans le hall de l’église, là même où il avait affronté Landelieux et ses hommes, quelques semaines auparavant.

- « Ah ! mon second, approche, veux-tu ».
- « Qu’ y a-t-il, Andrea ? »
- « Je pars mener une sortie contre les orcs. L’attaque sera rapide et précise et ne devrait pas être trop coûteuse pour nous. Mais on ne sait jamais. Mon testament est sur mon bureau. Et comme me l’avait dit Galliani avant son dernier combat, si je ne reviens pas, je veux que tu te fies à Van Schleigen, c’est un homme de parole ».
- « Dois-je comprendre que je ne viendrai pas avec toi ? »
- « Non. Reste ici avec Hristo. Je partirai avec Reinhardt et ses hommes, nous serons assez ,ne t’en fais pas pour nous ».

A ces mots, il sortit de l’église et retourna vers le cantonnement et la grande porte. Là, les chevaux étaient prêts avec chacun un cavalier équipé légèrement. Mais il régnait un certain malaise parmi les soldats qu’Andrea n’arrivait pas à saisir. Il vit Reinhardt qui était sur un cheval entièrement noir. Il avait lui aussi une mine sombre.

- « Alors mon ami que se passe-t-il ?», demanda Andrea. « Ce changement d’humeur parmi les hommes me laisse croire que j’ai manqué quelque chose ».
- « Je pense que vous avez raison, mon seigneur. Mais allez voir vous-même, là haut », lui répondit le vétéran.

Andrea reprit les escaliers étroits qui menaient au sommet des remparts. Arrivé à destination, il vit Hristo qui était de faction. Celui-ci regardait au loin et à la venue d’Andrea, il tourna brièvement le regard pour voir qui venait, puis continua à scruter l’horizon, droit devant lui. Alors Andrea regarda dans la même direction que celle de son capitaine.

Là, au lieu de revoir les prairies parcourues par quelques dizaines de gobelins en maraude, comme cela était encore le cas il y a moins d’une heure, il vit au loin l’armée peau-verte entièrement déployée. Celle-ci était considérable. Un bref instant, Andrea se demanda comment il allait pouvoir vaincre un tel ennemi, qui lui était nettement supérieur en nombre. Le désespoir commençait à le gagner à mesure où il prenait connaissance des effectifs ennemis. Il y avait peut -être un soldat de Rémas pour près de dix peaux-vertes, toutes races confondues.

Andrea restait là, sans réaction. Hristo était lui aussi plongé dans la même torpeur. Cependant, un petit claquement métallique et répété vint le tirer de sa rêverie. Il regarda autour de lui et vit ce qui provoquait ce bruit. Il s’agissait de l’un des gardes qui étaient sur les remparts. Il tremblait. C’était un homme d’âge mûr avec une barbe grisonnante. Andrea savait que cet homme était rompu aux combats, mais son bras, qui était posé sur le pommeau de son épée tremblait si fortement que cette dernière émettait des cliquetis dans son fourreau.

A côté se trouvait un jeune soldat qui lui se contentait de pleurer en silence. Le moral des hommes était au plus bas. Les soldats se massaient petit à petit sur la grande muraille pour regarder leur futur adversaire. L’armée orc se tenait à bonne distance de la ville. A tel point qu’on ne pouvait voir que des silhouettes au loin qui se tenaient hors de portée des canons de la cité.

La troupe orc se tenait en silence, immobile. Soudainement, ils se mirent tous à entamer un cri de guerre qui, malgré la distance, était parfaitement audible par toute la cité. La panique continuait à s’insinuer dans l’esprit des hommes. Puis le chant s’arrêta. Alors, un petit groupe de peaux-vertes se détacha du reste de l’armée et commença à courir vers Rémas. L’attaque allait débuter.

* * * * *

En voyant les quelques dizaines d’orcs se ruant sur la ville, bon nombre des hommes d’Andrea furent envahis par la peur. C’est à ce spectacle que son courage se raffermit et il décida d’agir.

- « Hristo ? »

Le capitaine ne répondit pas. Il avait le regarde plongé dans le vide, comme s’il rêvait éveillé.

- « HRISTO !! »
- « Oui excellence ? »
- « Rassemble tous les tireurs que tu peux et dès qu’ils sont à portée, tirez une salve et une seule ».
- « Et vous, qu’allez-vous faire, excellence ? »
- « Et que les canons ne tirent pas. Le moindre boulet sera très précieux dans cette bataille. Quant à moi, je sors ».

Il descendit le plus vite possible les escaliers pour se retrouver dans le cantonnement. Là, les cavaliers patientaient toujours et leur courage n’était guerre meilleur que celui des hommes sur les remparts.

- « Mes amis, les orcs arrivent ! Il faut sortir et les éliminer. Nous serons couverts depuis les murs, puis nous les éliminerons au corps à corps ».
- « Combien sont-ils mon seigneur ? »
- « Moins d’une centaine. Avec nos tireurs et l’impact de la charge, ils n’auront aucune chance. Etes-vous avec moi ? »

A cette question Andrea eut pour réponse des hurlements de joie. Les hommes venaient en un instant de reprendre courage et ils partaient à l’assaut avec le sourire aux lèvres. Andrea fit signe aux gardes chargés de manœuvrer la porte et celle-ci commença à s’ouvrir lentement.

Andrea monta sur Argo et commença à se diriger vers l’extérieur de Rémas au petit trot. Il était suivi par tous ses hommes. La grande porte resta ouverte et un régiment de piquier vint se mettre devant elle pour la garder. Les orcs avaient bien progressé mais ils étaient encore hors de portée de tirs. Les cavaliers sortirent et se mirent aux côtés d’Andrea qui attendait que tous soient rassemblés avant de charger.

- « Andrea, prends ceci. Tu pourrais en avoir besoin », dit Alberto en lui donnant un javelot.
- « Merci mon ami et ne t’inquiète pas. Nous serons de retour dans quelques minutes ».

A ces mots, Andrea éperonna Argo et partit au galop à la rencontre des orcs, suivi de près par ses hommes. C’était donc la première fois qu’Andrea partait en guerre sur Argo mais cela ne l’effrayait pas. Il avait toute confiance en sa monture. Van Schleigen lui en avait assez vanté les mérites et il avait eu l’occasion de le monter suffisamment dans d’autres circonstances, somme toute beaucoup plus calmes.

Andrea était au grand galop et il se rapprochait de plus en plus de sa cible. Il pouvait maintenant distinguer quelques orcs massifs et recherchait lequel menait l’assaut. De tous ses combats contre les peaux-vertes, il en avait tiré la conclusion suivante. S’il tuait le chef, le reste de l’armée battrait en retraite. Et c’était le meneur de l’assaut qu’il recherchait parmi tous les assaillants. Il en repéra un qui faisait un candidat tout à fait crédible. Il savait qu’une fois à portée il n’aurait que deux occasions d’en finir avec lui. D’abord avec son javelot, puis avec son épée.

Et dans sa hâte et à cause de son inexpérience du combat à cheval, Andrea s’était trop éloigné de la cité et il se retrouvait désormais hors de la couverture des arbalètes de ses camarades. Il se rendit alors compte que le combat se déroulerait entre lui et ses 50 cavaliers contre la centaine d’orcs qui n’était plus qu’à quelques dizaines de mètres. La bataille n’avait pas encore commencé et le plan d’Andrea était déjà obsolète.

* * * * *

Gurdul Ramasse-miettes était un orc heureux. Il venait d’être choisi par son maître pour mener ses guerriers dans le premier assaut contre la cité. Cet honneur était, pour lui, inespéré. Et il était encore plus inespéré pour lui d’être tout simplement encore en vie.

En effet, il y a encore quelques jours, il était le capitaine favori de son maître, son second. Mais, il était tombé en disgrâce après avoir échoué lamentablement dans la dernière mission qui lui avait été confiée. Il avait pour objectif d’escorter Kalshik Dent-creuse, le grand chaman de la tribu, dans le sud de Rémas et de s’attaquer aux terres méridionales, ainsi qu’à toute trace de civilisation.

Par la même, il devait empêcher l’acheminement de tout renfort vers la cité. Pour cette grande tache, Kalshik avait réussi à ensorceler 5 géants qu’il avait joints aux 500 orcs et gobelins qui étaient déjà sous le commandement de Gurdul.

Et tout se passait pour le mieux, jusqu’à cette fameuse nuit. Alors que l’armée avait passé toute la journée à piller comme elle en avait l’habitude, Gurdul avait décidé de bivouaquer à l’abri des frondaisons d’une forêt.

A la nuit tombée, toute l’armée s’était mise à festoyer. Et dans l’euphorie ambiante, les gardes avaient relâché leur surveillance. C’est à ce moment là que les orcs furent attaqués par surprise. Mais ils n’en prirent conscience qu’une fois le charme, contrôlant les géants, rompu. Ces derniers attaquèrent leur maître de jadis, détruisant tout sur leur passage. Le camp fut ravagé par les flammes, brûlant vif les orcs prisonniers dans leurs huttes.

Sur les 500 guerriers que Gurdul avait emmenés en campagne, seulement 84 en revinrent vivants. Mais c’était plus particulièrement la mort de Kalshik et la perte des géants qui risquaient de provoquer la colère du chef de guerre orc. Quand Gurdul revint auprès de son maître, il s’attendait à être promptement abattu. Alors, quand il se présenta devant lui, de façon penaude, implorant le pardon de ce dernier, Gurdul ne s’attendait pas à ce qu’il lui soit accordé.

Il tomba, néanmoins, ces derniers jours, en disgrâce et lui et ses hommes n’étaient désormais bons qu’à porter les bagages de l’armée. Aussi, quand l’occasion lui fut donnée de mener la première offensive contre la cité, ce fut avec une grande joie qu’il accepta. Les orcs sont par nature des créatures fières, mais la façon dont Gurdul se vantait auprès de ses compères s’apparentait plutôt à de l’arrogance.

Gurdul avait attendu ce jour avec impatience. Il allait pouvoir prouver aux autres lieutenants de son maître et en particulier à Raschik, le nouveau second, qu’il n’avait rien perdu de sa rage au combat et qu’il pouvait reconquérir sa place au sein de la hiérarchie de l’armée.

Le matin où les orcs arrivèrent devant Rémas, Gurdul et ses hommes avaient été placés au centre de la première ligne. Le commandement de celle-ci avait été confié à Raschik, ce qui n’était pas pour plaire à son plus grand rival. Un hurlement de guerre commença à monter au sein de ses camarades et le cri fut repris par l’armée entière.

Puis Raschik regarda Gurdul avec un air amusé et lui donna le signal. Alors le chef orc, accompagné des 84 guerriers qui lui restaient, partit à l’assaut. La ville était encore loin. Les orcs avaient préféré assiéger la cité à bonne distance, afin d’être hors de porter de ses canons. La course serait longue, mais Gurdul et ses soldats étaient tous de solides combattants, entraînés à mener de telles attaques. On pouvait lire dans ses yeux la joie qui l’animait et il était prêt à en découdre avec n’importe lequel de ces humains.

Mais ce n’est qu’après avoir parcouru une centaine de mètres, qu’il prit conscience d’une chose. Aucun de ses hommes n’avait été équipé d’échelle et les murs étaient bien trop hauts pour pouvoir être escaladés à l’aide de cordes ou à mains nues. Et là, peut -être grâce à ses instincts guerriers qui se réveillaient en lui, il prit conscience de la véritable nature de sa mission. Elle n’était pas de prendre les remparts, d’ailleurs il n’avait pas assez de troupes avec lui, mais de tester les défenses adverses.

Son maître avait bien décidé de lui faire payer son échec passé et il allait être sacrifié dans quelques minutes. Gurdul réfléchissait du mieux qu’il pouvait. Il n’en avait pas arrêté sa course pour autant. Il s’attendait à être criblé de flèches, d’un instant à l’autre. S’il revenait au camp tout de suite, il serait exécuté et déshonoré. Il décida alors de continuer à attaquer et à faire son possible pour emporter avec lui un maximum d’ennemis.

Et c’est alors qu’il vit la porte de la cité s’ouvrir. C’était là l’occasion à ne pas manquer pour accomplir son objectif. De nombreux cavaliers en sortirent et ils se mirent en position aux fins de les charger. Gurdul n’était nullement effrayé par ce spectacle. Il avait déjà affronté maintes fois des charges de cavaleries et il s’en était toujours sorti indemne et il se dit qu’aujourd’hui ne ferait pas exception.

Gurdul chercha celui qui menait les cavaliers. Et il le repéra. Il s’agissait d’un homme aux cheveux noirs comme l’ébène qui haranguait ses hommes. Il montait un cheval à la robe blanche, dont la noblesse tranchait avec celle des autres chevaux. Son choix était fait. S’il devait mourir aujourd’hui, ce ne serait pas avant d’avoir ouvert le ventre de son adversaire.

Il poursuivit sa course tenant fermement dans sa main gauche son bouclier, fait en bois et recouvert d’une peau de félin. Dans sa main droite, il tenait une épée à la lame crasseuse mais extrêmement affûtée. Son destin allait se jouer sur la manière dont il allait appréhender la charge ennemie. Gurdul vit que ses adversaires venaient de commencer leur contre-attaque et se dirigeaient à toute vitesse vers lui et ses compagnons. La tension était telle pour l’orc qu’il n’avait pas encore remarqué qu’aucune flèche n’avait été tirée depuis les remparts. Il ne voulait pas perdre de vue son objectif, sa cible.

Le chef des humains était maintenant à quelques mètres de lui. Il le distingua mieux et vit au regard de son adversaire, qu’il l’avait également prit pour cible. Alors le cavalier arriva à portée et il lança son javelot qui manqua Gurdul. Cependant, il alla, par malchance, se planter dans le ventre d’un orc situé juste derrière lui. L’humain tira alors son épée et une fois à bonne distance de Gurdul, il lui asséna un coup puissant. Mais l’orc était un vétéran et il avait anticipé une telle attaque. Il la para avec sa propre épée. Le choc fut tel que la lame du cavalier vola en morceaux, tandis que celui-ci continuait sa course. Frustré de voir son adversaire lui échapper, Gurdul fit demi-tour, voulant le poursuivre.

Cette décision fut sa dernière. Alors qu’il faisait volte-face pour continuer son duel, une lance vint se planter dans son dos si violemment qu’elle le traversa de part en part. Ainsi périt Gurdul Ramasse-miette.

* * * * *

Andrea se trouvait dans une situation délicate. Il se trouvait au milieu d’une vague verte et il était désarmé. Argo n’avait pas stoppé sa course renversant orcs et piétinant gobelins. Il n’avait plus qu’une dague et un bouclier pour seules armes.

A ce moment, un gobelin s’agrippa à la croupe d’Argo. Le cheval se cabra alors que la créature enfonçait la pointe de sa lame dans sa chair. Andrea pivota comme il put sur sa scelle et planta son poignard dans le crâne de l’agresseur. Ce dernier lâcha prise et tomba au sol emportant avec lui la dernière arme du général de Rémas.

Alors Andrea fit se calmer Argo et regarda autour de lui. Il avait dépassé la mêlée et se retrouvait en dehors de tout combat. La charge avait eu des effets inespérés. Plus de la moitié des orcs et gobelins avait été éliminée. Les cavaliers se rallièrent autour d’Andrea pour le protéger. Reinhardt avait vu que son chef était en mauvaise posture et lui donna son épée de réserve

- « Alors votre seigneurie, voudriez-vous tuer de l’orc à main nue ? », lui dit-il en lui tendant l’épée.
- « Je te remercie, camarade. Soldats ! Demi-tour, allons éliminer le reste de ces immondices ».

Les humains firent alors volte face. Les orcs revenaient également sur eux. La cavalerie n’aurait plus le temps pour prendre assez d’élan et de leur asséner un coup fatal. Le combat allait se jouer au corps à corps. Il y avait désormais, plus d’hommes que de peaux-vertes, sur le champ de bataille. Andrea regard sa nouvelle épée. Elle avait une forme étrange et ne venait assurément pas du vieux monde. Mais ce n’était ni le lieu ni le moment pour s’attarder sur de tels détails.

Et les cavaliers rechargèrent. Mais les orcs avaient réussi à stopper la contre-attaque des hommes d’Andrea. Beaucoup de chevaux se cabrèrent, effrayés par leurs agresseurs et en particulier par leur odeur. Leurs maîtres furent désarçonnés se retrouvant au sol et désorientés. Reinhardt frappa un orc en plein visage, puis asséna un coup de bouclier à un autre. Les cavaliers se mettaient côte à côte et adoptaient une formation circulaire pour protéger leurs camarades à terre.

Andrea vit un orc qui se jetait sur l’un des cavaliers au sol. Il lui avait asséné un terrible coup de tête qui assomma l’homme. Andrea se dirigea vers ce combat et au moment où l’orc levait son bras pour achever sa victime, Andrea lui coupa le bras tenant son arme. Puis il acheva la créature en lui transperçant le torse.

Après seulement quelques minutes, les peaux-vertes étaient décimées. Les quelques fuyards se faisaient rattraper et exterminer. Pas un seul ne put rejoindre son campement. Les hommes d’Andrea s’en sortirent honorablement. Sur les 50 soldats partis au combat seulement 5 périrent. Beaucoup étaient blessés, mais pour la plupart sans gravité. Andrea descendit d’Argo, lui aussi touché. Il demanda à ce qu’il soit ramené à son écurie pour y être soigné.

- « Alors votre altesse, comment était mon épée », demanda Reinhardt.
- « Fantastique, j’ai pu éliminer trois orcs avec, mais d’où vient-elle ?»
- « Je sais pas trop, c’est une prise de guerre. Il y quatre ans, on a tendu une embuscade à un groupe d’elfes entièrement vêtus de noirs. Ils avaient ce genre d’armes ».

Andrea lui rendit son arme. Il savait qu’il allait devoir en retrouver une autre. Sa propre épée qu’il entretenait depuis des années n’avait pas survécu au combat et cela avait bien failli lui coûter la vie.

La première bataille venait de se terminer et elle se soldait par une victoire éclatante de Rémas. Mais Andrea savait qu’il ne devait pas se contenter de ce résultat. Il regardait à l’horizon et savait que les orcs étaient bien supérieurs en nombre et bien plus forts. Il regarda ensuite les murs de Rémas. Il était temps de rentrer.

Les murs. Voilà quelle était la grande force de Rémas. Le plus sage était de se réfugier derrière eux et d’attendre l’ennemi. La ville pouvait supporter un siège et le port permettrait d’être ravitaillé. Andrea se jura alors qu’il ne ferait pas courir de risque inutile à ses hommes. Se battre à découvert n’était que pure folie. Attendre l’ennemi en haut des remparts n’était peut être pas la chose la plus glorieuse, mais elle était de loin la plus sensée.

* * * * *

Andrea était retourné dans ses appartements. Alors qu’il retirait son équipement, il remarqua quelque chose dans un coin de sa chambre. Une épée adossée à un mur. C’était celle qu’il avait trouvée dans la tente de ce sorcier orc. Il la prit et commença à lui faire décrire certains arcs de cercle. Elle était effectivement très légère, très maniable et bien qu’elle ait été la propriété d’un orc, elle était toujours finement aiguisée. Il se tourna vers la statue de Landelieux. Son regard suffisant insupportait Andrea et il lui trancha la tête d’un simple revers. La pierre fut fendue avec une aisance qu’il n’aurait pu soupçonner.

Puisque sa propre arme avait été détruite, prendre une épée regorgeant de magie était probablement une excellente alternative. Il regarda le pommeau de celle-ci et y regarda l’inscription. C’était un langage qui lui était inconnu. Et bien que l’un des compagnons de Reinhardt lui ait affirmé que l’épée était l’œuvre d’un elfe, il n’en reconnaissait pas les symboles. Andrea possédait quelques notions d’elfique que lui avait prodiguées Elyos, mais rien de ce qu’il avait appris ne put l’aider à ce moment.

On frappa à la porte. Andrea alla ouvrir. Il y avait là Marco, son serviteur.

- « Qu’ y a-t-il ? »
- « Mon seigneur, vous avez de la visite. Le seigneur Grundak est là ».
- « Grundak ? Faites -le venir alors, s’il vous plaît ».

Quelques instants après, le vénérable nain entra dans la pièce. Il regardait tout autour de lui, stupéfait. Nul doute qu’en arrivant devant l’ancienne église délabrée de Landelieux, il ne s’attendait pas à découvrir un tel luxe.

- « Bonjour, seigneur Grundak. Que puis-je pour vous ? »
- « Seigneur Leoni, je ne viens pas ici pour quémander de l’aide ou un service. Je crois que moi-même et ma communauté avons assez abusé de l’hospitalité de Rémas ».
- « Dois-je comprendre que vous nous quittez ? »
- « Pas du tout, mon seigneur. Cela faisait sept ans que je n’avais pas quitté mes quartiers. Et quand j’ai eu vent de la sortie que vous avez menée ce matin, je n’ai pu m’empêcher de venir vous admirer. Vous avez l’âme d’un chef. Mais d’un chef qui s’ignore encore. C’est pourquoi je viens vous apporter mon aide. Sachez désormais que tout nain vivant à Rémas se battra à vos côtés ».
- « Général Grundak, je ne pouvais entendre meilleure nouvelle. De quels effectifs disposez-vous ? Votre peuple ne sortant que rarement, il est difficile de le recenser ».
- « Hormis les effectifs humains de l’armée régulière que j’ai sous mes ordres, je possède près de 600 guerriers nains aptes à se battre ».
- « Excellent. Au vu du nombre d’adversaires, je pense qu’il est plus sage de rester à l’abri des murs et d’attendre ».
- « Sage décision qui sera économe en vies humaines et coûteuse pour celles de l’ennemi. Mais avec votre permission puis-je assurer la défense de la porte San Lorenzo ? »
- « Je crois que je ne trouverai pas meilleur commandant que vous ».

Grundak aperçut alors l’épée qu’Andrea avait laissée sur son lit.

- « Mon seigneur, quelle est cette épée ? »
- « Oh je l’ai trouvée dans les affaires d’un sorcier orc juste après lui avoir enfoncé ma propre lame dans son cou ».
- « Puis-je la regarder ? »
- « Bien sûr, faites ? Mes compagnons m’ont assuré qu’elle était d’origine elfe, mais j’en doute, je ne reconnais pas les symboles sur le pommeau et la lame ».

Alors le nain examina l’épée sous toutes ses formes. Il semblait troublé par l’objet qu’il avait en main.

- « Seigneur Leoni, cette épée n’est pas, assurément, l’œuvre des elfes ».
- « Et qu’est-ce qui vous fait dire cela, mon ami ? »
- « Regardez. Ce symbole. Il s’agit en réalité d’une rune. Celle d’Alaric le Fou, le grand maître des runes. Cette épée est ancienne, très ancienne ».
- « Connaissez-vous cette épée ? »
- « Non. Je n’en ai même jamais entendu parler. Peut être a-t-elle été forgée avant que cet excentrique d’Alaric n’accède à la notoriété. Quoiqu’il en soit, elle est la propriété du peuple nain et elle lui revient de droit ».
- « Et je suppose que vous souhaitez la récupérer ».
- « En d’autres temps, c’est ce que je ferais. Mais ayant une grande dette envers vous et cette ville, je vous la laisse en signe de bonne volonté et en témoignage d’une amitié retrouvée ».
- « J’accepte votre présent avec grand plaisir ».
- « Cette lame vous servira bien. Je sens qu’elle est avide de sang orc ».
- « Et bien si tel est le cas, c’est ce que je lui offrirai ».
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Arahael
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MessageSujet: Re: Histoires de Rémas   Histoires de Rémas Icon_minitimeDim 7 Nov 2010 - 1:36

Toujours aussi bien, je t'encourage pour la suite. Histoires de Rémas 865122
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welling
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MessageSujet: Re: Histoires de Rémas   Histoires de Rémas Icon_minitimeLun 8 Nov 2010 - 22:57

Merci à toi Arahael
Même si presque personne ne commente j'ose espéré que quelques anonymes me suivent.
Pour la peine un nouvel épisode:

Le siège

L’orc était complètement déchaîné, ivre de rage. En prenant pied sur le rempart, il faisait décrire à sa hache de larges mouvements aux fins de toucher un maximum d’ennemis. Les soldats de Rémas n’osaient pas s’approcher de lui. Ceux qui avaient été trop proches de lui furent précipités du haut des murs. Andrea se dirigea sur lui et se baissa pour esquiver une première attaque. Il profita du fait qu’il était sous l’orc pour lui asséner un coup au ventre. La créature cessa de gesticuler et Andrea se releva pour l’achever. C’était le premier orc qui arrivait à escalader les défenses depuis que le siège avait débuté. Une première attaque à l’échelle avait été tentée deux jours avant, mais aucun de ces monstres n’avait réussi à la franchir.

Andrea vit que ses hommes avaient repoussé l’échelle qui avait amené le monstre. Puis, il regarda au loin et vit des gobelins qui tentaient d’avancer leurs machines de guerre à portée de tir. Le maréchal fit signe aux canonniers d’ouvrir le feu sur eux. Les frêles constructions de bois volèrent en éclats sous l’impact des boulets.
A présent, plus une échelle n’arrivait à se poser sur la grande muraille sans être repoussée aussitôt. Les orcs manquaient d’allant et cela se confirma lorsque le cor annonçant la retraite retentit au loin. Les assaillants fuyaient et cela concluait encore une fois cette bataille par une victoire pour Andrea.

Il commençait à être persuadé que sa stratégie était la bonne. Plusieurs centaines d’orcs venaient d’être éliminés, contre seulement quelques dizaines de fils de Rémas. Cela faisait deux véritables assauts qui venaient d’être essuyés sans grande difficulté, mais il ne faisait pas de doute que le gros de l’attaque était encore à venir. Andrea le savait et à cause de cela, il s’acharnait à garder ses hommes en alerte. Et pour garder un maximum d’influence dans tous les points névralgiques de Rémas, il avait placé dans chacun d’entre eux, une personne en qui il avait toute confiance.

Andrea avait conservé la direction de la 4ème armée, dans laquelle il avait toujours servi, malgré sa promotion au rang de maréchal. Il s’était posé à la grande porte et avait en charge de la défendre. Pour le moment, les quelques assauts qui avaient eu lieu avaient été concentrés ici.

La porte San Lorenzo avait été confiée à la garde de Grundak, qui bénéficiait de l’armée la plus importante, car il pouvait compter sur les membres de la 3ème armée, mais aussi sur ses fidèles guerriers nains. La garde de la porte Di Santo était celle qui posait le plus de problèmes. Elle était à la charge de Hristo, simple capitaine, ô combien valeureux, mais il ne disposait que des survivants de la 1ère et 2ème armées, renforcés par quelques mercenaires. Cette porte était peut -être le point le plus faible des défenses, mais encore fallait-il que les orcs le sachent .

Le reste des troupes, les réservistes et les autres mercenaires étaient dans le cantonnement. Celui-ci était sous la surveillance de Van Schleigen, qui s’était posté sur les remparts intérieurs de la ville, avec sa garde personnelle. Andrea descendit des remparts. Il était près de midi et il se dirigeait vers ses quartiers lorsqu’il fut rejoint par Marco.

- « Excellence, je viens vous avertir que le conseil souhaite se réunir de toute urgence ».
- « Maintenant ? »
- « Oui excellence, maintenant ».
- « Et bien soit ».

Et à ce moment, Andrea prit conscience que si le conseil allait se réunir, ni lui, ni Grundak, ni Van Schleigen ne seraient présents au front pour assurer le commandement des défenses. Il ne voyait que Hristo comme personne capable d’assurer un minimum d’autorité le temps qu’il revienne.

- « Marco ? »
- « Excellence ? »
- « Va dire à Hristo d’assurer le commandement en mon absence. Je ferai au plus vite. Et informe Reinhardt qu’il doit assurer la protection de la grande porte. Son quart vient de commencer ».
- « Ce sera fait excellence ».

* * * * *

La présence de Grundak au conseil ne passa pas inaperçue. Cela faisait près de 10 ans qu’il avait cessé de siéger en personne et pour la première fois depuis fort longtemps, le conseil était au complet, hormis la traditionnelle chaise vide. En l’absence de Galliani pour mener les débats, ce fut Van Schleigen qui hérita de la tâche.

- « Chers amis, si nous nous sommes réunis aujourd’hui, c’est dans le but de pallier à un manque qui perdure depuis trop longtemps. Depuis la mort des seigneurs Galliani et Camacho, paix à leurs âmes, l’armée ne dispose plus que d’un seul général, en la personne de Grundak. Or la tradition veut que Rémas soit pourvue de trois généraux ».
- « Et bien un peu d’aide ne sera pas de refus, dit Andrea. Je commence à avoir du mal à transmettre mes ordres sans véritables relais entre moi et les hommes ».
- « Encore faudrait-il avoir l’autorité nécessaire », marmonna Quercio.

Cette phrase fut indubitablement entendue par Andrea, mais compte tenu de la situation, il décida de ne pas relever l’affront afin de conserver l’unité de la ville. Cependant, les deux hommes se regardèrent intensément, ne laissant présager rien de bon.

- « Et qui proposez-vous, mon ami », interrogea In-Dûr.
- « Je pensais à Laszlo Flocchi, répondit Van Schleigen. C’était le second de Rodrigo Camacho, il connaît donc bien les hommes de la 2ème armée. De plus, c’est lui qui a organisé la retraite lors de cette désastreuse bataille qui nous a coûté tant de vies ».
- « Et bien votons, dit Grundak. Pour moi c’est oui ».

Les autres membres du conseil approuvèrent tous à l’unanimité. Ainsi Andrea pouvait désormais confier la défense de la porte Di Santo à Flocchi et garder Hristo et Reinhardt auprès de lui. L’animosité de Quercio à son égard ne le rassurait guère et en des temps troublés, cela était un luxe de compter sur des hommes de confiance. Peu importe leur nombre.

Flocchi entra alors dans la chambre du conseil comme l’avait fait Andrea quelques semaines auparavant. Il était grand avec le crâne rasé. Il portait un bandeau sur l’œil, héritage d’une ultime tentative aux fins de sauver Camacho avant que celui-ci ne soit tué. Van Schleigen se leva.

- « Laszlo Flocchi, au nom du haut conseil de Rémas, je vous élève au grade de général. Vous aurez la charge de diriger les 1ère et 2ème armées ».
- « Ce sera un honneur, mon seigneur, répondit Flocchi avec une voix des plus solennelles. Vive Rémas ! »

Malgré le fait qu’ils aient occupé des postes similaires pendant quelques années, Andrea et Laszlo Flocchi ne se connaissaient que très peu. Cependant, Andrea ne voyait pas meilleurs choix à l’heure actuelle. Il s’approcha de son nouveau général.

- « Seigneur Flocchi, venez je vous prie, nous avons à nous entretenir ».
- « Altesse, tout le monde m’appelle Laszlo ».
- « Soit. Vous allez vous occuper des défenses de la porte Di Santo. Mais prenez garde. Comme j’ai pu le constater, leur morale est au plus bas depuis la mort de Galliani et de Camacho ».
- « Oui excellence, j’ai pu m’en rendre compte ».
- « Donc veillez bien à les garer en alerte. Le moindre relâchement pourrait nous être fatal. De plus, c’est dans votre contingent que l’on compte le plus de mercenaires. Tant que nous les paierons bien il n’y aura pas le moindre risque à craindre d’eux. Mais si le conflit venait à durer trop longtemps et les caisses à se vider, la donne pourrait changer ».
- « Pourquoi ne pas les mettre en première ligne. Un linceul n’a pas de poche, cela fera des économies ».
- « Je crains que les exposer trop ouvertement à la mort ne les retourne contre nous. Nous les payons pour se battre pour nous, pas pour qu’ils se fassent massacrer. Et puis nous sommes assistés de quelques ogres et je n’aimerais pas les voir subitement changer de camp ».
- « Comme il vous plaira excellence ».
- « Laszlo, n’oubliez pas. La ville financera pour votre compte l’entretien d’une garde personnelle de 50 hommes. Donc choisissez des hommes valeureux capables de donner leurs vies pour vous ».
- « Je vous ai devancé, mon seigneur. J’ai effectué mon choix dans la quasi-totalité ».

Cela faisait désormais une semaine que la ville était assiégée. Les orcs n’avaient, à ce jour, fait qu’attaquer sporadiquement les murs, toujours avec des effectifs bien insuffisants. Andrea ne doutait pas du but de cette manœuvre. Les orcs souhaitaient endormir la vigilance des défenseurs et leur faire gaspiller leurs projectiles. Cette guerre larvée était une source de frustration pour beaucoup d’hommes qui, galvanisés par les succès sur les remparts, croyaient la ville imprenable. Désormais, il n’était pas rare d’entendre de jeunes hommes souhaiter aller attaquer le camp orc.

Andrea ne doutait pas que sa stratégie était la bonne. Quelque chose lui paraissait étrange. Ayant déjà eu affaire aux peaux-vertes, il savait que des orcs ordinaires auraient attaqué en masse dès le premier jour. Or, le fait de les voir attendre et de faire preuve d’une telle patience, semblait être contre nature pour eux. C’est pour cela qu’il souhaitait éviter le plus possible le combat, préférant vaincre les orcs à l’usure.

A ce jour, de toutes les attaques, seulement deux avaient vu les orcs atteindre le sommet des remparts dont la dernière où ils avaient été repoussés après quelques efforts ,ce qui laissait à craindre que sans la protection des murs de la ville, la bataille serait loin d’être acquise.

* * * * *

Andrea était de faction en cette fin d’après-midi. Il regardait au loin l’armée qui assiégeait sa ville depuis une semaine et il se demandait quand tout se terminerait et quelle serait l’issue de cette bataille. Les défenseurs continuaient inexorablement à se relâcher et Andrea et ses officiers avaient toutes les peines du monde à garder ces derniers mobilisés. Il en venait presque à regretter que les orcs ne lancent pas une attaque d’ampleur afin d’être sûr que tous ses hommes soient concentrés sur le danger.

Quelque chose n’allait pas. Les orcs avaient mis beaucoup trop de temps à venir devant les murs de Rémas. Alors qu’il n’aurait fallu que trois jours à une armée, même si celle-ci était particulièrement impressionnante, pour parcourir la distance séparant Pavona de Rémas, les orcs avaient mis plusieurs semaines pour arriver. Les rapports avaient permis à Andrea de conclure que les peaux-vertes avaient préparé avec soin ce siège. Ils avaient éliminé les petits hameaux, détruit les ponts, ravagé les cultures. Rémas était désormais isolée de tout. C’était une île perdue au milieu d’un océan vert.

Plus curieux encore, les orcs avaient réussi à dissimuler leur nombre exact aux éclaireurs jusqu’à ce que le siège commence réellement. Comment cela était possible de la part d’une race dépourvue de toute intelligence. Cela n’était pas naturel et inquiétait au plus au point Andrea. Il frissonna en énumérant dans sa tête toutes ces incohérences. Mais une chose était sûre, ils étaient tous en sécurité pour le moment.

Mais soudain une clameur monta dans toute la ville. Andrea se retourna pour voir de quoi il s’agissait. Les hommes autour de lui étaient également confus. Alors Andrea entendit qu’on l’appelait. Cela venait du cantonnement et plus particulièrement de la porte du rempart intérieur. Alors il vit un homme lui faire signe de venir et de le suivre. Il descendit le rejoindre.

- « Alors, quelle est la cause de cette agitation ?», interrogea Andrea.
- « Venez excellence, c’est un miracle ».
- « Mais venir où et de quoi me parlez vous ? »
- « Au port excellence, au port », dit le garde en repartant en courant au port.

La ville de Rémas bordait la mer tiléenne. Les remparts intérieurs et extérieurs de la ville décrivaient des arcs de cercle, qui ne s’arrêtaient qu’une fois le bord de mer atteint. De chaque côte de la citadelle s’étendait le port. En réalité, il y en avait deux. Le premier au nord était réservé exclusivement aux bateaux civils et plus particulièrement à ceux des marchands venus faire commerce à Rémas.

Le second port était réservé exclusivement aux navires de guerre. Rémas bénéficiait d’une importante flotte, ce qui avait été l’une des causes de sa puissance. Andrea savait que si les choses tournaient à son désavantage, il avait la possibilité de faire embarquer une grande partie de la population et de la faire échapper à la mort. Et c’était dans ce port que tout le monde s’était rassemblé.

En s’y rendant, il comprit tout de suite la source de toute cette agitation. Il y avait là un bateau qui n’était pas aux couleurs de Rémas. La voile arborait fièrement un léopard sur toute sa surface. A la vue de l’emblème, Andrea devina d’où venait la puissante galère. Elle venait effectivement de Luccini et elle déversait sur les quais un flot d’hommes en armes ce qui lui apporta un grand soulagement. Au bas du bateau, il y avait un homme en armure d’or. Andrea n’avait aucun doute, il s’agissait de leur commandant.

- « Soyez le bienvenu. Je me présente. Maréchal Andrea Leoni. Commandant en chef des armées de Rémas ».
- « Vous me paraissez bien jeune pour être Maréchal. Mais comme le dit l’adage, la valeur n’attend point le nombre des années. Je suis Lorenzo Da Lucci.,neveu du prince de Luccini et commandant en troisième de ses armées. Je suis ici suite à la venue de l’un de vos messagers qui est arrivé chez nous la semaine passée ».
Da Lucci désigna d’un geste de tête un homme qui descendait du bateau. Il portait la livrée de Rémas.
- « C’est un miracle auquel nous assistons aujourd’hui. Je croyais qu’aucun des cavaliers partis quérir de l’aide n’avait pu mener à bien cette mission ».
- « Et bien je vous informe que la ville de Luccini n’a pas hésité à courir à votre secours. Il m’a été confié le commandement de cinq régiments. Je suis à la tête de cinq cents hommes, tous rompus au combat, prêts à se battre pour vous ».
- « Votre aide est inespérée ». il se tourna vers Marco qui l’avait rejoint. « Trouve un endroit où les loger, j’ai à m’entretenir avec le conseil. Seigneur Da Lucci voulez-vous me suivre. Je crois que le conseil est impatient de faire votre rencontre ».

* * * * *

Le conseil de Rémas s’était réuni dans la demi-heure qui avait suivi l’arrivée des renforts. Tous étaient là, y compris Grundak. Da Lucci se présenta devant le conseil.

- « La ville de Luccini met à votre disposition cinq cents de ses hommes. Il s’agit là du maximum que nous pouvons fournir sans dégarnir exagérément nos propres défenses ».
- « C’est déjà beaucoup, seigneur Da Lucci, di Van Schleigen. Les autres cités de Tilée, si elles ont eu notre appel à l’aide, n’ont pas pris la peine de venir à notre secours, ni de nous répondre ».
- « Maudit soit Miragliano, pesta Grundak. Elle est trop contente de nous voir en difficulté afin d’en profiter pour renforcer son influence dans le nord ».
- « Ne soyons pas trop catégorique. Rien ne permet d’affirmer que nos messagers aient atteint leur objectif », intervint In-Dûr.
- « En tout état de cause, seul le présent importe. Et je suis ravi de pouvoir affirmer que je suis fier de pouvoir compter sur le soutien de nos frères de Luccini, dit Andrea. Les anciennes alliances sont toujours vivaces et c’est là l’important ».
- « Bien sûr, seigneur Leoni, j’espère que nous pouvons compter sur votre hospitalité. Mes hommes et moi-même allons nous battre pour vous, mais je compte en retour que vous assuriez à vos frais les charges d’entretien que nous pourrions avoir ».
- « Je constate une nouvelle fois que les habitants de Luccini ne perdent pas une occasion aux fins de rançonner notre cité », s’exclama Quercio.

Andrea sentit au fond de lui qu’il devait intervenir. Il manquait cruellement de soldats et il ne pouvait se permettre de voir Da Lucci et ses hommes réembarquer à cause d’une pique pleine de malice de Brigato Quercio.

- « Il va de soi que Luccini offre ses fils pour soutenir notre cité, en conséquence ce serait être un bien mauvais hôte que de leur demander de nous payer pour l’honneur qu’ils nous accordent ».
- « D’autant plus que nos finances nous le permettent aisément, confirma Van Schleigen. Seigneur Da Lucci, votre venue est une bénédiction et vous en serez récompensé. Mais je pense que vous avez à parler avec le seigneur Leoni. C’est pour cela que le conseil vous congédie. Vive Rémas, vive Luccini ».
Van Schleigen était peut être un comptable et un financier avant tout, il venait de démontrer qu’il était également un brillant diplomate. Il avait également compris que la situation s’était brutalement tendue à cause de Quercio. En abrégeant la séance du conseil, il venait de s’assurer de conserver le soutien de Da Lucci.

Andrea fit signe au général de Luccini de la rejoindre dans le couloir. Dans celui-ci, il vit Grundak qui s’en retournait vers ses quartiers. Il marmonnait quelques insultes typiquement naines à l’encontre de Quercio. Andrea était ravi d’avoir confirmation qu’il faisait bien en n’appréciant que modérément Brigato Quercio. Puis il emmena Da Lucci au cantonnement. Il avait entrepris de lui faire faire une visite des défenses de la ville.

- « Voyez, seigneur Da Lucci, le cantonnement est l’endroit qui sépare les deux séries de remparts. Il y a quelques habitations, mais c’est principalement ici que sont stationnées les troupes mobilisées. Celles-ci ne pénètrent que rarement au sein même de la ville ».
- « Je constate que malgré la défaite qui a coûté la vie au seigneur Galliani, vous disposez de nombreux soldats ».
- « En nombre oui. Les effectifs sont plus que corrects. Mais nous avons dû avoir recours à la conscription. Beaucoup de ces hommes ne sont pas de véritables soldats, mais plutôt de simples paysans, ou des artisans. Nous avons également recruté le plus possible de mercenaires. Mais peut-on leur faire véritablement confiance ? »
- « Tant que vous les paierez oui. Et depuis quand le siège a-t-il commencé ? »
- « le siège, à proprement parlé, a débuté il y a près d’une semaine ».
- « Les attaques sont-elles fréquentes ? »
- « Et bien je les qualifierais de sporadiques. Pour le moment les orcs n’ont fait qu’attaquer en sous -nombre. Ils testent probablement nos défenses. Mais allons sur les remparts. Vous vous rendrez mieux compte de l’étendue de leurs forces ».

Andrea et Da Lucci gravirent les marches menant aux remparts. Là, Hristo était de faction.

- « Ah Hristo, quelles sont les nouvelles ? »
- « Il ne se passe rien pour le moment, les orcs sont calmes ».
- « Hristo, je te présente le seigneur Lorenzo Da Lucci. Et voici Hristo, mon second et capitaine en charge de la défense de la grande porte en mon absence ».

Da Lucci ne prêta pas la moindre attention à Hristo. Son humeur avait changé depuis son arrivée. Il regardait au loin, jaugeant les assaillants. D’ailleurs, il n’avait écouté Andrea que d’une oreille distraite, depuis que ce dernier avait entrepris de lui faire visiter la ville.

- « Seigneur Da Lucci ? »
- « Vous dîtes que les orcs se montrent timides, c’est cela ? »
- « Exactement, ils attaquent à l’échelle, mais nos tirs ont, le plus souvent, raison d’eux ».
- « Et que comptez- vous faire maintenant ? »
- « Attendre. Nous avons largement de quoi soutenir un long siège. Et le port peut nous ravitailler ».
- « Vous apprendrez, maréchal Leoni, qu’à la guerre il faut savoir prendre l’initiative des combats et ne pas les subir ».
- « Excusez-moi, mais je crois savoir comment défendre ma cité ».
- « Excusez-moi, mais que connaît un jeune homme à la guerre ? Un jeune homme qui ne doit son titre de maréchal qu’à un heureux concours de circonstances qui plus est ».

Le ton de Da Lucci venait de changer brusquement. Il venait de perdre toute noblesse au regard d’Andrea et il lui rappelait un autre homme : Quercio. Il montrait désormais son véritable visage. Il était condescendant avec Andrea, ce qui le laissa sans voix. Puis Da Lucci se tourna vers le cantonnement qu’il surplombait pour s’adresser aux hommes en contrebas.

- « Citoyens et soldats de Rémas ! »

Tous les soldats arrêtèrent alors leurs occupations pour écouter la tribune de Da Lucci.

- « Les orcs ont peur de vous. Ils préfèrent vous affamer plutôt que de vous affronter face-à-face, comme tout guerrier digne de ce nom ».

Quelques voix commencèrent à s’élever dans le public de Da Lucci. Bien qu’éparses, elles donnaient cependant raison au général de Luccini.

- « L’armée de Rémas est suffisamment puissante pour anéantir cet ennemi. Si nous sortons, nous les anéantirons et dès ce soir vous pourrez rentrer tranquillement dans vos foyers ».

A ces mensonges, Andrea ne pu rester de marbre et s’éleva.

- « Ne l’écoutez pas. Si nous sortons pour affronter les orcs en terrain découvert, c’est la mort qui nous attend. Pour tous ».
- « Est-ce là le comportement d’un général digne de ce nom ? Il vous commande, mais ne croit pas en vos forces. Il ne croit pas que vous serez capables de vaincre votre adversaire et de défendre votre ville bien-aimée ».
- « Les rapports affirment que les orcs sont près de vingt mille là dehors. Ce ne serait que folie de les affronter en terrain découvert ».
- « Sottise ! Comment une telle armée aurait pu arriver jusqu’à vos portes sans avoir été remarquée au préalable par les villes alentours ? »
- « Mais elle a été vue. Une armée de Pavona a été balayée par les orcs le mois dernier. Et les armées de Galliani et de Camacho aussi ».
- « Et bien elle doit être considérablement affaiblie et il est temps d’en finir. Hommes de Rémas, êtes-vous avec moi ? »

A cette question furent répondus de nombreux cris de la foule. Des cris de joie. Da Lucci s’était montré bien meilleur orateur qu’Andrea et il avait obtenu ce qu’il voulait. Les soldats allaient sortir hors de l’abri des murs et se battraient contre les peaux-vertes dans un corps-à-corps dont l’issue était très incertaine.

Da Lucci avait réussi à exploiter l’impatience et la confiance que l’armée avait accumulées ces derniers temps. Ses hommes partaient à la guerre avec un général qu’ils ne connaissaient pas. Malgré les dires de Da Lucci, Andrea était un chef attentionné et il se sentit dans l’obligation d’agir. Il se rendit dans le cantonnement suivi de Hristo. Là, il vit Grundak et Flocchi. Ceux-ci l’attendaient dans l’espoir d’obtenir quelques explications.

- « Et bien seigneur Leoni, qu’est-ce que cela signifie », s’exclama Grundak. Vous venez de vous faire souffler le commandement de votre armée par un dandy emplumé ».
- « Je sais que je n’ai pas été à la hauteur. Mais je suis toujours général ici. Et même si mes propres hommes ne m’écoutent plus, je dispose encore du pouvoir de les protéger ».
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MessageSujet: Re: Histoires de Rémas   Histoires de Rémas Icon_minitimeMar 16 Nov 2010 - 0:02

La sortie

Andrea voyait les hommes qui garnissaient le cantonnement et les murs d’enceinte sortir petit à petit pour se mettre en position de combat. Les orcs allaient profiter de l’occasion pour se ruer au corps-à-corps et l’avantage procuré par les remparts serait considérablement réduit. Andrea avait réuni autour de lui son état major. Il voulait prendre autant de mesures possibles aux fins de préparer ses hommes aux combats.

Ils étaient tous partis avec une insouciance déconcertante, ne prenant que leur pique et leur épée. Les tireurs voulaient également en découdre et abandonnaient leur poste pour rejoindre leurs camarades sur le champ de bataille. Etaient présents aux côtés d’Andrea : Grundak, Flocchi, Hristo, Reinhardt et Alberto.

- « Mes seigneurs, je viens d’observer la façon dont notre armée est positionnée. Et je vous garantis que nous courons à la catastrophe. Da Lucci semble avoir entrepris d’occuper le flanc droit. En conséquence, je prendrai le centre de la ligne avec mes hommes. Reinhardt se joindra à moi. Flocchi, vous occuperez le flanc gauche ».
- « Bien excellence. Cependant, je pense manquer d’hommes pour tenir avec mes troupes tout un flanc ».
- « Je vous fais transférer immédiatement deux régiments de réservistes. Quant à vous,Hristo,vous aurez la charge de tous nos tireurs, aussi bien les arbalétriers que l’artillerie. Dès que les peaux-vertes seront à portée, je veux un feu nourri, est-ce clair ? »
- « Ce sera fait », répondit Hristo.
- « Grundak, vous vous chargerez de la grande porte. Pas le moindre gobelin ne devra réussir à se faufiler dans la ville par la porte, ni escalader les murs ».
- « Pas la moindre de ces créatures ne passera mes guerriers, je vous en fais le serment ».
- « Et moi Andrea, quel est mon rôle ? », demanda Alberto.
- « Pour toi mon ami, j’ai prévu une mission tout à fait spéciale, qui j’en suis sûr, sera dans tes cordes ».

Andrea prit Alberto par l’épaule et l’emmena à l’écart.

- « Vous autres à vos postes », ordonna-t-il. « Alberto, je veux que tu prennes la tête des cavaliers ».
- « Mais Andrea, je n’ai pratiquement jamais commandé ma propre unité ».
- « A circonstances exceptionnelles, mesures exceptionnelles. Il me faut un capitaine de confiance et tu es le seul qu’il me reste ».
- « Moi… un capitaine ? »
- « Félicitation Alberto. Emmène tous les cavaliers à la porte Di Santo. Dès que nous serons engagés par les orcs, je veux que tu harcèles leur lignes arrières et que tu empêches l’arrivée de leurs remparts ».
- « De combien d’hommes je dispose ? »
- Je pense qu’il est possible de mobiliser trois cents hommes. Mais je te conseille de n’en prendre qu’une partie. Les autres seront tenus en réserve ».
- « Je ne te décevrai pas ».
- « Une dernière chose. Je veux que tu montes Argo. C’est notre meilleur cheval et tu auras besoin de tous les atouts possibles ».
- « Mais n’est-il pas blessé ? »
- « Une simple égratignure pour une telle bête ».
- « Je te remercie de l’honneur que tu m’accordes ».

* * * * *

Andrea sortit par la grande porte pour rejoindre ses hommes. Et là quelle ne fut pas sa surprise. La majeure partie de ses soldats étaient là. Mais au lieu de voir des guerriers en rangs parfaitement alignés, il était face à une bande de voyous indisciplinés. Même les régiments de métier ne montraient pas l’exemple. Ils discutaient avec une inconscience qui laissait présager le pire. Da Lucci avait réussi à les mener dans ce combat, mais ses talents de chef n’égalaient pas ses talents d’orateur. Les troupes étaient bien trop près des murs pour pouvoir manier leurs piques convenablement une fois au corps-à-corps.
Fort heureusement pour les hommes de Rémas, Andrea était un fin tacticien et il savait comment rétablir la situation.

- « Reinhardt, je veux que les troupes s’éloignent d’au moins dix mètres des murs. Je ne veux pas qu’elles se retrouvent coincées entre les orcs et la pierre ».

Alors Reinhardt usa de sa voix rauque pour mettre en place ses soldats. Il utilisa même quelques fois le dos de sa main pour discipliner les jeunes les plus récalcitrants. Puis Andrea fit apporter la totalité des pavois que la ville possédait. Il les donna aux hommes les plus légèrement équipés et ils vinrent se positionner aux avant-postes afin de protéger la ligne d’un assaut frontal.

A ce moment, les sergents avaient ramené une certaine discipline dans les rangs. Flocchi avait disposé ses propres troupes de la même manière qu’Andrea. Seul le flanc droit n’était pas en place. Andrea vit Da Lucci qui plaisantait avec le reste de ses soldats. Il ne se rendait pas compte du danger qui les guettait. Les hommes en place près de lui ne recevaient aucune consigne et tentaient tant bien que mal de s’aligner sur ceux d’Andrea et de Flocchi.

Andrea secoua la tête de désolation. Comment avait-il pu se faire berner par ce général parvenu. Il savait qu’il n’était pas un homme de discours, préférant les actes, mais cela venait de lui jouer un mauvais tour et il était désormais obligé de mener cette bataille.

Les hommes continuaient de discuter entre eux.,quand soudain un cri vint les tirer de leurs commérages. Il venait du camp orc. Les peaux-vertes étaient désormais parfaitement alignées devant eux. Ils paraissaient, paradoxalement, plus disciplinés que les soldats de Rémas. Les orcs étaient prêts à la bataille et ce cri était le signal de départ. Ils marchaient désormais en direction de la cité. Ils étaient un peu plus nombreux que les soldats humains, mais les défenses sur les remparts pouvaient rééquilibrer ce désavantage. Cependant, Andrea savait pertinemment qu’il ne s’agissait pas là de la totalité de leur armée.

Les orcs continuaient à marcher, mais leur allure était de plus en plus rapide. Ils étaient encore loin de la ville, mais les hommes avaient brusquement changé d’attitude. Le cri qu’ils venaient d’entendre, leur avait glacé le sang. Ils étaient nerveux et réalisaient où leur impétuosité les avait conduit. L’armée peaux-vertes s’était mise à courir. Andrea savait que c’était le moment ou jamais d’ordonner sa ligne de défense.

- « Piques en avant », hurla-t-il.

Cet ordre fut repris par ses sergents comme l’écho d’une montagne. Les hommes situés au premier rang mirent un genou à terre et glissèrent leur pique entre les pavois. Les rangs suivants brandirent en avant les piques à leur tour. Cela formait à présent un véritable mur d’acier et de pointes effilées. Andrea s’avança pour rejoindre Reinhardt au milieu de la ligne. Le vétéran se tourna vers lui.

- « Excellence, si vous me permettez ? Cela va faire la troisième fois, en un mois, que je livre bataille ».
- « Et ? »
- « Et à chaque fois, vous êtes à mes côtés. Ce n’est pas que je sois superstitieux, je ne crois même pas en Myrmidia, mais je me demande si vous ne portez pas malheur » dit-il en éclatant d’un rire sonore et en adressant une violente tape dans le dos d’Andrea.
- « Peut être que je porte malheur, ou bien peut être est-ce vous ? »
- « C’est ce que nous verrons ce soir. Le survivant aura porté le mauvais œil au défunt ».

Andrea arrêta de plaisanter avec le capitaine de sa garde personnelle et se retourna pour regarder Hristo. Celui-ci scrutait avec une longue vue l’arrivée des orcs. Puis il fit un signe du bras aux artilleurs. Les orcs étaient à portée de canon. Les 8 pièces d’artillerie de la grande muraille firent feu en même temps sur les agresseurs. Les tirs avaient rompu le silence qui régnait sur la ville, faisant sursauter les hommes les plus nerveux. Andrea regarda les boulets partir. Il avait l’impression que le temps se figeait. Les projectiles allaient en direction des orcs, mais pas assez vite à son goût. Mais déjà les boulets amorçaient leur descente sur leurs objectifs. Les orcs virent ce qui venait du ciel mais ils ne modifièrent aucunement leur cadence.

Puis vint l’impact. Les boulets frappèrent de plein fouet les créatures en s’écrasant au sol puis en roulant parmi eux. Les plus agiles arrivaient à s’écarter à temps mais nombreux furent ceux qui finirent broyés par les projectiles. Les gobelins étaient projetés dans les airs par l’onde de choc. Les orcs, eux, voyaient leurs membres déchiquetés. Les orcs continuaient toujours leur course, comme si les tirs qu’ils venaient d’essuyer n’étaient rien. Une autre salve fut tirée. Andrea se retourna en direction de Hristo.

- « Hristo ! Feu à volonté ».

Les artilleurs s’activaient de plus belle. 8 canons étaient insuffisants pour stopper l’avance des orcs, mais ils leur feraient payer cher leur audace. Puis Hristo ordonna aux arbalétriers de tirer. Des claquements furent entendus et le ciel s’obscurcit brièvement quand les carreaux passèrent au-dessus des troupes stationnées au bas des murs. Les flèches vinrent faucher les premières lignes des peaux-vertes et nombre d’entre elles s’écroulèrent, mortes, faisant trébucher les guerriers qui les suivaient. Maintenant les orcs étaient clairement distinguables. Andrea regarda brièvement autour de lui. Ses hommes étaient, certes, extrêmement nerveux, mais à ce moment, il n’y avait pas de peur en eux. Il était trop tard pour avoir peur désormais. Seul comptait l’instinct de survie.

Les orcs étaient à une vingtaine de mètres des défenseurs. Ces derniers se saisirent de tous leurs projectiles et se préparèrent à les lancer. Les soldats équipés de pavois sortirent une petite épée. Tous étaient prêts. Flèches et boulets continuaient de pleuvoir depuis les remparts. Enfin, les soldats envoyèrent sur les orcs tous ce dont ils disposaient : javelots, couteaux, petites haches, pierres et même quelques décharges de pistolets aux fins d’éliminer quelques assaillants supplémentaires. Puis les orcs arrivèrent au corps-à-corps.

* * * * *

La course des orcs avait provoqué un son terrible qui n’avait fait que s’amplifier à mesure qu’ils approchaient des défenseurs. Cela avait l’effet d’un grondement qui, tel le tonnerre, venait d’éclater sur Rémas. Au moment où les deux armées se rencontrèrent, le bruit assourdissant se transforma en un bruit beaucoup plus sec. On entendit le bois se briser, l’acier cliqueter et la chair se faire transpercer.

Les premiers rangs des orcs vinrent s’empaler sur les piques. Les hommes furent secoués par l’impact. Certains virent leur arme leur échapper des mains ou voler en éclats. Puis les autres peaux-vertes atteignirent la rangée de boucliers. Les hommes avec leurs pavois pouvaient difficilement se défendre à cause de l’encombrement qu’ils devaient supporter. Leur épée courte servait seulement à contre-attaquer. Mais nombre de soldats du premier rang furent projetés au sol par l’impact de la charge. Les plus chanceux pouvaient se rétablir rapidement. Mais la plupart furent tués dans les instants qui suivirent.

La charge avait réussi à percer quelques brèches dans les défenses de la cité. Les gobelins en profitaient pour se faufiler entre les jambes des piquiers pour leur taillader les cuisses et leurs tendons d’Achille. Heureusement, Andrea avait placé dans les rangs de ses piquiers de nombreux spadassins. Equipés légèrement, ils pouvaient traquer les gobelins qui arrivaient à s’infiltrer, pour les éliminer.

Andrea se trouvait au milieu de son régiment à côté de Reinhardt. Ils étaient serrés contre leurs hommes, car la charge avait occasionnée un mouvement de recul de la part des défenseurs, resserrant à outrance les rangs. Andrea tira son épée et Reinhardt fit de même.

- « N’est-ce pas l’épée que vous m’aviez prêtée l’autre jour ? », questionna Andrea.
- « C’est exact. Elle vous a bien servi la dernière fois. J’ose espérer qu’elle
en fera de même pour moi ».
- « Allons voir cela tout de suite. Les orcs vont apprendre à craindre nos deux
lames ».

Alors Andrea et Reinhardt se lancèrent dans la mêlée. Ils virent tout d’abord un jeune soldat caché sous son pavois tandis qu’un orc lui assénait de grands coups de masse pour l’en déloger. Andrea frappa le premier, parant la nouvelle attaque de la créature. Puis il lui enfonça son épée dans le ventre. L’épée magique ne rencontra aucune résistance en pénétrant la chair. Reinhardt releva le soldat et le fit se mettre à l’abri.

Pendant ce temps, Hristo continuait à faire tirer ses hommes depuis les murs. Les carreaux des arbalétriers frappaient les orcs qui étaient les plus proches de la ligne de bataille, si bien qu’ils tombaient assez près d’Andrea et de ses hommes, mais sans danger pour eux.

Le mur de boucliers tenait bon, même si les orcs pesaient de toutes leurs forces dessus pour le faire céder. Les piquiers des rangs arrières faisaient preuve d’une grande habilité. A chaque coup qu’ils portaient, ils touchaient un orc, le blessant plus ou moins gravement. Mais les peaux-vertes n’en étaient pas moins de farouches guerriers et ils répliquaient. Les hommes aux premiers rangs commençaient à faillir. Malgré la protection des pavois, beaucoup avaient été touchés. La pique était une arme puissante, mais au cœur de la mêlée, elle était difficile à manier. Nombreux étaient ceux qui l’avaient abandonnée après la réception de la charge pour prendre leur épée.
Andrea venait d’abattre deux autres peaux-vertes, quand un gobelin vint s’enrouler autour de ses jambes. Il s’écroula au sol, déséquilibré par la malice du gnome. Son épée lui échappa des mains. Le gobelin s’installa sur sa poitrine et brandit un poignard rouillé. Andrea était à sa merci. Puis une gerbe de sang jaillit. La main de la petite créature sournoise tenant l’arme venait d’être tranchée par Reinhardt. Il lui donna un violent coup de pied en plein visage, l’envoyant à plus d’un mètre d’Andrea. Le gobelin s’effondra, le crâne brisé.

- « Je vous en dois une, mon ami », dit Andrea en se relevant.
- « C’est bien à cela que sert un garde-du-corps. On discutera de mon augmentation plus tard, vous voulez bien ? »

La bataille venait à peine de commencer et Andrea venait déjà de frôler la mort. Sans le vétéran à ses côtés, il en était fini de lui. Alors il recula un peu, aux fins de voir où en était la bataille. Sur le flanc gauche, Flocchi tenait tant bien que mal. C’était lui qui comptait le plus de soldats inexpérimentés dans ses rangs. Son mur de boucliers était en place, mais il comptait de nombreux morts parmi ses hommes. Andrea fit signe à un messager. Bientôt Alberto arriverait avec ses cavaliers. Il soulagerait alors Flocchi. En effet, c’était sur le flanc gauche que les orcs étaient les plus nombreux. Sur le flanc droit, Da Lucci s’en sortait mieux. Il avait repoussé les orcs et lui et ses hommes s’étaient enfoncés dans les lignes ennemies. Ils semblaient être tel un navire en or naviguant dans un océan de couleur verte. Les orcs s’enfuyaient sur leur passage. Andrea commençait à douter. Peut être que la décision de Da Lucci était la bonne.

Cependant, avec la victoire que les hommes de Luccini remportaient, la ligne de bataille commençait à être désorganisée. Flocchi continuait de reculer. Seuls les hommes d’Andrea tenaient leur position initiale. Celui-ci espérait qu’Alberto allait rétablir la situation en harcelant les arrières des orcs. Maintenant, avec le recul de la ligne de gauche, le reste de l’armée était en danger et risquait fortement d’être encerclée si le flanc gauche venait à céder en son entier. Il donna ordre à un soldat resté en retrait d’aller prévenir Alberto.

* * * * *

L’attente de l’arrivée d’Alberto paraissait interminable. Mais quelques minutes après, il arriva et fut accueilli par les hourras de la foule. Il avait fière allure sur Argo. Tous les hommes qui l’accompagnaient entamèrent une mesure de contournement des lignes orcs, pour les harceler. Ils tirèrent alors des flèches sur leurs ennemis, tout en restant à bonne distance d’eux. Les orcs furent ensuite frappés de dos par la cavalerie légère de Rémas. Comme Andrea l’avait espéré, les peaux-vertes commençaient à s’agacer de ce harcèlement et tentaient de poursuivre les cavaliers qui s’enfuyaient à chaque fois. Les orcs étaient complètement désorganisés, soulageant le flanc gauche qui arrivait à reprendre le dessus. Hristo avait lui aussi compris que Flocchi et ses hommes étaient en difficulté et faisait concentrer les tirs sur cette partie du champ de bataille.

Andrea commençait à croire que la victoire pouvait être emportée. Peut être Da Lucci avait-il raison. A la guerre, il faut savoir prendre des initiatives. D’ailleurs Andrea cherchait du regard son homologue de Luccini. Mais dans le tumulte de la bataille il ne le vit pas. Puis il regarda, amusé, les orcs tenter de s’en prendre aux cavaliers. Ils couraient en tout sens pour les éliminer, mais à chaque fois, ils se faisaient faucher par un autre cavalier qui arrivait derrière eux.
Mais le sourire d’Andrea disparut bientôt. Une grosse ombre noire vint ternir son moral. Elle venait du campement orc et se déplaçait rapidement. Il comprit rapidement que cette ombre était en fait un groupe de gobelins sur loup. Il n’en avait jamais vu autant. Il y en avait près de cinq cents et ils se dirigeaient droit sur les cavaliers d’Alberto. Andrea se prit la tête à deux mains. Dans ce combat, il avait appliqué les tactiques militaires que l’on enseignait à l’école de Rémas. Peut être ces stratégies étaient-elles désormais éventées et les orcs savaient comment les contrer. Quoiqu’il en soit, le piège tendu par les gobelins allait se refermer sur Alberto et ses hommes et il ne pouvait rien y faire.

En quelques secondes, les gobelins furent sur les cavaliers. Etant beaucoup plus agiles qu’un homme sur un cheval, les gobelins sautaient en tout sens désarçonnant les humains de leurs nobles montures. Les malheureux qui tombaient étaient la proie des orcs ou pire, des loups affamés. Bientôt les cavaliers furent dispersés aux quatre coins du champ de bataille. Andrea repéra Alberto qui avait rallié à lui un groupe d’une cinquantaine de cavaliers.

- « Alberto ! »

Après avoir hurlé son nom plusieurs fois, il fut enfin entendu.

- « Fuis ! Rassemble tes hommes et replie -toi ».

Alberto fit un signe de tête et emmena ses hommes en direction de la porte Di Santo. Mais les gobelins empêchaient toute retraite. Certains avaient formé une ligne dans le but de couper tout accès à la cité. Alberto n’avait d’autre choix. Rejoindre Rémas était impossible. Il devait abandonner Andrea et ses hommes et fuir la cité.
Tous les cavaliers encore en vie le suivirent et ils partirent dans la campagne de Rémas. La fuite de la cavalerie ne passa pas inaperçue sur le champ de bataille. Des cris de désespoir commençaient à se faire entendre. « A moi, les cavaliers nous abandonnent », pouvait-on entendre, ou encore, « que Myrmidia nous aide ». La situation était d’autant plus périlleuse que les loups étaient toujours là et qu’ils se jetaient désormais sur les rangs des hommes de Flocchi. Ce n’était plus qu’une question de minutes avant que le flanc gauche ne cède. Andrea ne bénéficiait que de deux régiments de piquiers en réserve et il hésitait fortement à les lancer dans la bataille. Mais le destin prit la décision pour Andrea. Car soudain, une voix se fit entendre malgré le tumulte de la bataille.

- « Cavalerie lourde sur le flanc droite ».

Andrea regarda alors comme il le put , mais les combats l’empêchaient de voir quoi que soit. Alors il s’en extirpa et recula jusqu’à la grande porte. Mais là au lieu de voir des orcs juchés sur de grotesques sangliers ou de petits gobelins montant des loups sournois, il vit l’inimaginable. Des chevaliers, humains, chevauchant de nobles chevaux caparaçonnés se rapprochaient, à toute vitesse, du flanc de Da Lucci.

Les hommes de Luccini n’eurent pas le temps de manœuvrer pour faire face à cette menace. Et bien que les chevaliers ne fussent qu’une trentaine, ils venaient d’ouvrir une brèche importante dans les défenses de Rémas. Andrea eut tout juste le temps de donner l’ordre à ses hommes de pivoter sur leur droite et ainsi de faire face à cette charge. Il jeta dans la mêlée ses deux derniers régiments de réservistes qui patientaient au pied des murs. Les soldats de Da Lucci, pris de flanc, furent piétinés par les chevaux, transpercés par les lances et assommés par les masses d’arme.

Et puis Andrea comprit tout. C’était pourtant si simple. De nombreux mystères venaient de s’éclaircir. Voilà pourquoi les orcs avaient réussi à se dissimuler dans les campagnes entourant Rémas, voilà pourquoi les troupes de Galliani s’étaient fait balayer et enfin voilà pourquoi la cavalerie d’Alberto avait pu être contrée. En réalité, Rémas n’avait affronté qu’ un ennemi qu’elle ne connaissait que trop bien. Pas les orcs, mais bel et bien un humain : Landelieux.

* * * * *

Landelieux avait juré qu’il se vengerait d’avoir été banni. Il n’avait pas mis longtemps à exécuter sa promesse. Il était allé trouver les orcs et avait pactisé avec eux, l’homme et l’orc marchant sous une même bannière. Les chevaliers avaient été stoppés, mais ils continuaient à faire de lourdes pertes dans les rangs de Rémas. Andrea pris d’une rage incommensurable se rua sur eux. Et alors qu’il courait dans leur direction, un chevalier le repéra. Il ne faisait aucun doute que celui-ci avait compris qu’Andrea dirigeait l’armée et il entreprit de priver Rémas de chef. Le chevalier saisit sa lance de cavalerie et le chargea.

Andrea avait vu le danger qui s’annonçait. Il ramassa alors une pique qui gisait au sol et courut à la rencontre de son adversaire, pour un duel des plus déséquilibrés. Le cavalier revêtait une armure entièrement noire et son heaume masquait son visage. Il pointa sa lance sur Andrea. Puis ce dernier se jeta de côté pour esquiver son adversaire et planta la pique entre les jambes du cheval. La bête étant trop lourde, elle ne put éviter l’arme d’Andrea et buta dessus. Elle s’effondra au sol avec son maître.
Le choc fut tel, qu’Andrea se retrouva lui aussi à terre, sonné. Il se releva comme il le put , puis regarda ce qui était advenu de son adversaire. Le cheval s’était relevé et fuyait du champ de bataille. Son cavalier se releva lui aussi avec difficultés à cause de son armure lourde. Dans sa chute, son heaume lui avait été arraché. Il tournait le dos à Andrea, mais celui-ci l’avait reconnu. Il s’agissait de Boris, le bras armé de Landelieux. Nul doute que ce fut lui qui menât cette charge. Il se retourna pour faire face à Andrea. Il dégaina son épée et saisit son bouclier.

Andrea tira son épée. Il avait réussi à rééquilibrer le duel en faisant chuter Boris de son cheval, mais se retrouvait face à lui sans bouclier. Le kislévite s’approcha de lui très calmement alors que les combats faisaient rage autour d’eux. Les deux hommes étaient enfermés dans leur univers. A ce moment, ne comptait que ce combat, l’avenir de Rémas leur important peu.

Andrea se mit en garde. Boris le fixait. Chacun attendait que l’autre assène le premier coup. De longues secondes s’écoulèrent sans que rien ne se passe. Mais alors que la tension était à son comble, le cadavre d’un soldat de Rémas fut projeté entre les deux combattants. Andrea ne fut déconcentré que durant une fraction de seconde, mais ce fut suffisant pour que Boris profite de cette faille dans la défense d’Andrea. Il leva son épée pour le frapper au niveau du cou. Le maréchal de Rémas eut juste le temps de lever son épée pour parer celle de Boris. Il contre-attaqua aussitôt, mais il se heurta à son bouclier. S’ensuivit alors un échange de coups d’épées. Boris était un chevalier habitué à combattre sur le dos d’un cheval, mais il démontrait qu’il était plus que capable dans le domaine du combat à pied et ce ,en dépit de sa lourde armure.
Andrea avait beau être plus agile que son adversaire, il n’arrivait pas à trouver la faille dans sa défense. A chaque coup qu’il portait, il ne trouvait que le fil de l’épée de Boris ou le bois de son bouclier.

Le combat semblait interminable pour Andrea qui commençait à avoir les bras endoloris. Par contre, le visage de son adversaire ne trahissait pas le moindre signe de fatigue. Et alors qu’il ne voyait quelle pouvait être l’issue de ce duel, les deux hommes entrechoquèrent leurs épées l’une contre l’autre. Boris avait beaucoup plus de force qu’Andrea et il commençait à avoir le dessus. Les deux lames se rapprochaient de plus en plus du cou d’Andrea. Mais soudain, la magie qui était dans son épée se réveilla.
Sa lame se mit à rougir de plus en plus. Le métal chauffait et le pommeau était lui aussi brûlant. Andrea avait les deux mains qui le faisaient souffrir sous la chaleur. C’est à ce moment là que l’épée de Boris vola en éclats. Des morceaux de la lame lui jaillirent en plein visage. Il fit alors un mouvement brusque en arrière, aveuglé. Il relâcha l’étreinte qu’il exerçait sur Andrea par là même libre d’agir. L’explosion lui fit lâcher son épée lui aussi, mais il garda la lucidité pour tirer la dague qu’il avait à sa ceinture et la planta au sommet du crâne de Boris. Le kislévite tomba à genou. Puis doucement, il glissa sur le côté. L’un des plus grands traitres de l’histoire de Rémas venait de disparaitre.

* * * * *

Andrea était à bout de souffle. Il ne savait pas combien de temps avait duré son combat contre Boris, mais celui-ci l’avait épuisé. Il ramassa son épée et regarda où en était la bataille. Le centre de la ligne tenait toujours. Il ne voyait pas Reinhardt dans la foule, mais nul doute qu’en l’absence d’Andrea, il avait assuré le commandement de sa poigne de fer. Le flanc droit reprenait petit à petit le dessus. La charge des chevaliers avait été absorbée et les renforts avaient renforcé les effectifs. On ne pouvait voir que des hommes en rouge, blanc et noir et les soldats en armure d’or de Da Lucci se faisaient rares. Il était plus que probable que la charge des chevaliers avait prélevé un lourd tribut dans leurs rangs.

Sur les murs, les canons se faisaient plus rares, les orcs étaient désormais trop proches, mais les tirs d’arbalètes ne cessaient pas. Sa déception venait du flanc gauche. Celui-ci avait considérablement reculé, si bien que la ligne de bataille n’était plus parfaitement alignée. Andrea ne disposait plus de troupes de réserve pour renforcer sa ligne et une seule solution s’imposait à lui, la retraite.

La retraite ne devait pas être désordonnée. Il fallait contenir encore les orcs, tandis que les troupes arrières rentraient petit à petit à l’abri des murs. L’abri des murs, Andrea était conforté dans l’idée qu’il ne fallait en aucun cas en sortir. Il était trop tard maintenant. Le temps n’était plus au regret. Il vit un jeune soldat avec un cor. Il était pétrifié par les combats. Andrea s’approcha de lui.

- « Petit, viens ici ! ».
- « Excellence ? »
- « Sonne la retraite ».
- « La… la retraite ? »
- « Tu es sourd ? Exécution ? »

Un son de trompette retentit sur le champ de bataille. Un son terrible qu’Andrea ne pourrait jamais oublier. Le son de sa première défaite.

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MessageSujet: Re: Histoires de Rémas   Histoires de Rémas Icon_minitimeLun 22 Nov 2010 - 22:46

La retraite

Petit à petit, les troupes rentraient dans le cantonnement. Le centre de la ligne, moins durement touché, resta en arrière pour assurer la retraite des troupes de flanc. Andrea les menait en personne. Reinhardt était resté à ses côtés. Plus des trois quarts des survivants avaient été mis à l’abri. Les troupes encore au dehors formaient un arc de cercle autour de la porte. Les orcs se pressaient contre eux aux fins de les faire céder sous leur poids et de s’engouffrer à l’intérieur de la ville.

Mais les défenseurs tenaient bon. Les hommes sur les murs pouvaient maintenant lâcher sur les assaillants des rochers. Les carreaux continuaient de pleuvoir. Et Grundak vint en renfort avec tous ses guerriers nains, honorant sa promesse de ne laisser aucune peau-verte pénétrer dans le cantonnement.

Finalement, la grande porte pu être refermée à temps, sans que le moindre orc ne puisse la franchir. Un cor d’orc retentit au loin et les assaillants toujours en vie se replièrent, signe que désormais les orcs économisaient leurs forces. Andrea put rengainer son épée. A force de la manier, il avait les bras lourds et sa main droite était particulièrement douloureuse. Elle était pleine de cloques dues au frottement de sa peau contre le cuir du manche de son épée.

Partout où il posait le regard, il ne voyait que des hommes blessés ou mourants , avec le regard abattu. Il ne savait pas encore combien d’hommes y avaient laissé leur vie là dehors, mais peu importe leur nombre, un seul était déjà beaucoup trop. De plus, Alberto avait disparu emportant avec lui Argo et toute la cavalerie de Rémas. Il n’était plus envisageable de faire une quelconque sortie.

Il était responsable de ce désastre, mais il n’était pas le seul. Il repéra dans un coin les survivants de Luccini et se dirigea vers eux. Sur les cinq cents fiers soldats qui étaient arrivés le matin même, il n’en restait à peine qu’une centaine. Ils n’étaient plus que des ombres parmi la population de Rémas qui s’afférait autour d’eux. Andrea s’approcha de l’un d’eux.

- « Où est Da Lucci, je souhaiterais m’entretenir avec lui ».
- « Hélas mon seigneur, je crains que cela ne soit chose impossible ».
- « Et pourquoi donc ».
- « Regardez par vous-même ».

Alors il regarda par terre et vit que Da Lucci gisait là, mort. Il avait été touché sous le bras, là où l’armure est généralement plus fragile. On voyait encore un morceau de la lance de cavalerie qui l’avait transpercé, avant de se briser sous la force de l’impact. Andrea regarda avec mépris la dépouille du général de Luccini, pensant qu’il aurait préféré ne pas recevoir de renfort de cette piètre qualité.

- « Continuerez-vous à vous battre à nos côtés ? »

Le soldat regarda Andrea, étonné, voir même stupéfait.

- « Euh, oui bien sûr », bégaya-t-il.

Andrea le quitta et alla voir son état-major.

- « Maudit soit ces beaux parleurs de Luccini », dit Grundak. « Ce ne sont que des politiciens à la langue bien pendue, pas des soldats ».
- « Cela ne sert à rien de rejeter la faute de ce désastre sur qui que ce soit », dit Andrea. « J’en assume l’entière responsabilité. Ce qu’il faut faire maintenant, c’est réorganiser nos défenses ».
- « Quelle est l’étendue de nos pertes ? », demanda Van Schleigen.
- « D’après un premier rapport, entre mille et mille cinq cents hommes », répondit Hristo. « Mais ce nombre peut augmenter. Et nous avons beaucoup de blessés. In-Dûr et sa guilde des magiciens leur prodiguent les premiers secours en ce moment même. Le général Laszlo Flocchi a été gravement touché durant les combats. Nous nous retrouvons une nouvelle fois avec seulement deux officiers supérieurs ».
- « Peut-on compter sur eux ? », demanda Reinhardt en désignant les soldats de Da Lucci d’un signe de tête.
- « Je ne crois pas. Je pense même qu’ils s’enfuiront avec leur bateau dès la nuit tombée », répondit Andrea.

Grundak cracha par terre en signe de mépris.

- « Nous devons mettre un maximum d’hommes sur les murs. Grundak, vous reprendrez le commandement des défenses de la porte San Lorenzo. Hristo vous sentez-vous capable d’assurer celles de la porte Di Santo ? »
- « Oui mon général ».
- « Van Schleigen, je souhaite que vous occupiez la défense de la porte du rempart intérieur ».
- « Soit, mais à ce que je vois, vous ne changez rien à notre plan de défense ».
- « Avons-nous d’autres choix ? Avec les morts que nous comptons aujourd’hui, il n’est plus possible de se montrer audacieux. Restons en position de défense et attendons. Quel est l’état de nos réserves de projectiles Hristo ? »
- « Concernant les boulets et la poudre, nous avons encore assez de réserves. Par contre, nos arbalètes vont bientôt être en manque de munitions ».
- « Très bien. Faites abattre quelques arbres pour renouveler les stocks. Et envoyez quelques hommes discrets pour fouiller les corps des orcs, maintenant que la voie est libre, pour récupérer des pointes de flèches. Dites également aux ogres d’apporter sur les remparts tous les projectiles que nous avons en réserve et qu’ils renforcent les trois portes ».

L’état-major commençait à se disperser lorsqu’Andrea se rappela un élément essentiel pour cette bataille.

- « Un instant, messieurs. J’ai également une information de première importance. Une information qui influera sur le reste de cette bataille et qui apportera de nombreuses réponses à vos questions ».
- « Et alors qu’est-ce que c’est Leoni ? Arrêtez tous ces mystères ».
- « Celui qui a conduit les orcs jusqu’ici n’est autre que Jean Landelieux ».
- « Ce chien ! », s’écria Reinhardt.
- « Calmez-vous. Maintenant on sait que l’ennemi connait cette ville aussi bien que nous. Ses forces et ses faiblesses ».
- « J’espère que j’aurai un petit face à face avec lui, histoire de lui montrer l’hospitalité légendaire des nains », dit Grundak.
- « Etes-vous sûr de ce que vous avancez, seigneur Leoni ? », demanda Van Schleigen.
- « Absolument. Je viens de tuer Boris, son lieutenant, il y a moins d’une heure. Et nous savons tous qu’ils étaient inséparables. Landelieux avait juré de se venger et il tient sa promesse».
- « Andrea, je vous félicite d’avoir occis un chien comme Boris. Je n’ai jamais pu lui faire confiance », confia Grundak.

Van Schleigen se prit la tête à deux mains.

- « Alors sa traitrise est encore pire que ce que l’on aurait pu imaginer. Il y a fort à parier qu’aucun renfort ne pourra arriver des terres. Elles sont toutes sous leur contrôle ».
- « Ne nous laissons pas abattre. Landelieux n’est qu’un homme. Son influence dans cette bataille n’en est que plus limitée .. Maintenant, tous à vos postes ».

A Rémas, les ogres étaient très prisés. Par leur grande taille et leur force, ils étaient souvent indispensables à la guerre. Leurs qualités de combattants allaient de soi, mais là où ils révélaient leur parfaite utilité, c’était dans leur fonction de porteurs de bagages. Andrea se servit d’eux pour monter de lourds rochers sur les chemins de ronde, que les soldats se chargeraient plus tard de laisser tomber sur les orcs. Cependant, Rémas ne possédait qu’une faible population d’ogres. Malgré cela, Andrea pouvait compter sur une dizaine d’entre eux.

L’état-major se dispersa, vaquant à ses occupations. Mais Andrea voulut s’entretenir avec Van Schleigen en privé.

- « Seigneur Van Schleigen, j’ai un service à vous demander ».
- « Je vous écoute ».
- « Je vais devoir mettre en première ligne tous les réservistes y compris les plus inexpérimentés. Vos troupes sont les plus éloignées du combat. Je souhaiterais que vous preniez mon frère Lalin dans votre garde personnelle, aux fins de l’éloigner des combats ».
- « Puisse cela être une mesure suffisante pour protéger votre frère ! J’accepte bien évidemment. Il se trouve que j’ai cruellement besoin d’un musicien. Le précédent s’est enfui dès les premières rumeurs de l’arrivée des orcs ».
- « Et bien Lalin sera votre homme. C’est un excellent joueur de flûte ».
- « Au fait. Si j’ai un conseil à vous donner. Ne combattez jamais sans bouclier. Contre le chevalier vous avez eu de la chance, mais ne la tentez pas trop. Et procurez-vous un pistolet, cela peut toujours vous servir ».


* * * * *

Andrea se rendit à l’hôpital de la ville, là où était massé la grande majorité des blessés. Il venait pour regonfler le moral des plus souffrants, encourager les efforts du personnel soignant et vérifier s’il n’y avait pas parmi eux quelques simulateurs qui tentaient d’échapper à leur devoir. In-Dûr s’afférait à prodiguer des soins. Sa connaissance dans la magie curative lui permettait de rétablir rapidement plusieurs hommes et de les renvoyer au combat.

Rémas n’était pas réputée pour sa forte concentration de magiciens . Un adage disait même qu’il était plus facile de trouver un halflings maigre qu’un magicien à Rémas. Cependant, In-Dûr l’oracle valait à lui seul bien des sorciers. Et au sein de sa confrérie, il dénombrait tout de même six autres magiciens. Ils étaient tous des renégats du vieux monde , des oubliés de la civilisation. Parmi eux, il y avait Cromac, un ancien nécromancien, qu’In-Dûr avait su reconduire dans le droit chemin. Il était un expert dans l’art de donner la mort, mais aussi dans celui de redonner vie. D’ailleurs, il était à pied d’œuvre dans l’hôpital. Son corps cadavérique déambulait parmi les blessés. Il semblait être un fantôme flottant sur un champ de morts. Bien qu’il se soit détourné de la magie occulte, Andrea ne pu s’empêcher d’avoir un frisson en le voyant.

- « In-Dûr, je crois qu’à leur prochaine attaque, les orcs attaqueront en masse, maintenant qu’ils nous savent affaiblis. J’aurai besoin de votre soutien et de celui de vos amis ».
- « En ces heures sombres, la solidarité est la première des armes. Vous pouvez compter sur le soutien de la guilde des magiciens ».
- « Vous devriez avoir le dessus sur leur chaman, étant donné que j’ai abattu l’autre soir l’un de leurs plus puissants sorciers, si j’en crois l’escorte dont il bénéficiait ».

Puis Andrea retourna dans ses quartiers. Il s’allongea sur son lit. En face de lui se dressait la statue de Landelieux, décapitée. Il n’arrivait pas à comprendre comment un homme pouvait pactiser avec les orcs pour vaincre d’autres hommes. Le sang brétonien qui coulait dans les veines de Landelieux avait dû se tarir, car il n’avait pas plus d’honneur qu’un habitant de Sartosa. Il venait, en l’espace de deux mois, de trahir deux fois la ville qui l’avait accueilli alors qu’il était apatride. On frappa à sa porte.
- « Seigneur Leoni, c’est moi Marco. Votre père est là, il souhaite s’entretenir avec vous ».
- « Faites entrer ».

Alors Giacomo Leoni pénétra dans la chambre de son fils. Il regarda la décoration avec le même air de surprise qu’Andrea avait eu en entrant ici pour la première fois.

- « Et bien, tu as des goûts des plus… curieux ».
- « N’exagérons rien. Cette œuvre n’est pas, pour la majeure partie, de mon fait. Que veux-tu ? »
- « Je voulais que nous discutions des évènements d’aujourd’hui. Les hommes se sont fait embobiner par un beau parleur. Ils n’ont pas eu le sentiment de te trahir. J’ai discuté avec certains d’entre eux. Ils regrettent tous amèrement ce qui s’est passé et je peux te jurer qu’ils te sont tous encore fidèles, mais il faut que tu sois auprès d’eux. C’est vital si tu souhaites conserver leur soutien ».
- « Peut -être. D’ailleurs, je ne douterai jamais de leur loyauté. Malgré tout je suis pessimiste. Désormais tout a changé. Je n’ai plus assez d’hommes valides pour tenir le rempart extérieur. J’en viens même à me demander si nous ne sommes pas déjà tous condamnés ».

C’est alors que Giacomo donna une grande gifle à son fils.

- « Est-ce comme cela que je t’ai élevé ? Si ta mère te voyait, elle aurait honte de toi. Tant que tu peux te battre, tu ne dois pas désespérer. Tes hommes sont morts pour cette ville, tu dois leur rendre honneur en continuant de la défendre. Ou alors autant embarquer tout le monde sur des bateaux et fuir comme des lâches ».

Il quitta la chambre, furieux. Andrea était sous le choc. Il s’assit sur son lit, hagard. Mais la réprimande faite par son père ainsi que la gifle qu’il avait reçue, avaient eu le mérite de lui remettre les idées en place. Il sortit alors rejoindre ses hommes. Tous s’afféraient dans les rues. Les orcs étaient partis mais ils allaient revenir pour en finir une bonne fois pour toutes. Devant la porte du rempart intérieur, Andrea vit Quercio en pleine conversation avec un homme. Ils se murmurèrent des choses pendant quelques secondes puis l’homme partit dans les méandres des rues de Rémas. Andrea voulut en savoir plus et alla rejoindre Quercio.

- « Bonjour, seigneur Quercio ».
- « Ah ! Mais qui voilà. Le plus illustre des généraux de Rémas ».
- « Puis-je savoir ce que vous maniganciez avec cet homme ? »
- « Dois-je vous rappeler que je suis membre du conseil, élu par mes pairs. Je suis donc un citoyen respectable en tout point et je refuse qu’un petit parvenu se mêle de mes affaires ».
- « Moi un parvenu ? Je ne dois ma place qu’à mon mérite ! »
- « Et aux orcs accessoirement. Je pense même que vous devez être ravi de leur venue».
- « Ne changez pas de conversation et répondez : qui était cet homme et que lui avez-vous dit ».
- « Je maintiens ce que je vous ai dit ».

Alors Andrea attrapa Quercio par le col de sa chemise en soie de Cathay.

- « Il y a trop longtemps que tu conspires pour ton intérêts personnel. Une fois que les orcs seront défaits, nous aurons fort à parler tous les deux ».

Quercio était touché par ce que venait de lui dire Andrea. Il lui fit lâcher son étreinte puis partit rejoindre ses quartiers. Andrea venait de déverser une bonne partie de la colère qu’il avait en lui. Quercio n’était en rien responsable de ce qui venait de se passer, mais les deux hommes n’avaient jamais pu s’entendre et Andrea en avait profité pour régler ses comptes. Mais maintenant il y avait plus urgent. Andrea se rendit à la grande porte pour motiver ses hommes. La bataille avait duré près d’une heure et ils étaient tous fourbus de fatigue et leur vigilance n’en était que plus affaiblie.

Le soir tombait et une garde réduite fut laissée sur les remparts, principalement composée d’observateurs. Alors Andrea en profita pour aller se reposer. Il était à présent plein de courbatures et le moindre geste lui était extrêmement douloureux. Dans le hall de l’église, il y avait Lalin en costume de la garde personnelle de Van Schleigen. Son armure était toute en or, il avait un casque à plumes. Il vit Andrea et s’en approcha.

- « Mon frère, je suppose que c’est à toi que je dois cette promotion ? »
- « Pas du tout, Van Schleigen m’a demandé si je connaissais un bon musicien. Je t’ai recommandé sur le champ voilà tout ».
- « Tu sais je ne suis pas dupe, en conséquence je te remercie de cet honneur que tu me fais ».
- « J’aurais préféré que tu ne connaisse jamais la guerre. Mais comme tel est le cas, puisses-tu n’avoir jamais à te battre ».

* * * * *

Andrea se réveilla en sursaut. Un rayon de soleil traversait l’unique fenêtre de la pièce et venait le frapper en plein visage, signe que la nuit cédait la place au matin. N’arrivant plus à dormir, il se leva et entreprit de faire une petite promenade matinale dans les rues de Rémas profitant des derniers moments de paix, avant que les ors n’attaquent. Sa première destination fut le port, et plus particulièrement, la partie militaire. En arrivant, il ne fut absolument pas surpris de la disparition du bateau de Luccini. Ainsi ces lâches avaient saisi la première occasion pour fuir, abandonnant ceux qu’ils étaient venus secourir. Il vit quelques dockers et leur demanda quand étaient-ils partis. Personne ne sut exactement à quel moment de la nuit ils avaient pris la fuite, mais une chose était sûre, Rémas ne pouvait plus compter que sur elle-même.
Puis, Andrea se rendit de l’autre côté de la ville. Il avait entrepris de visiter la grande muraille, aux fins de regonfler le moral de ses troupes et de conserver leur vigilance intacte. En marchant dans les rues de si bonne heure, il remarqua que la ville était extrêmement calme. Les artisans n’avaient pas encore ouvert leurs échoppes, il n’y avait aucun passant, seulement quelques mendiants et des personnes qui paraissaient peu recommandables. Un chien errant le suivait dans les rues espérant probablement qu’Andrea lui donnerait quelque chose à manger. La ville était décidemment bien différente au petit matin.

En arrivant au pied du rempart, quelque chose parut suspecte à Andrea. Il ne voyait aucun garde sur les murs, pas la moindre sentinelle faisant sa ronde. Il gravit rapidement les longs escaliers menant au chemin de ronde pour y voir tous ses gardes endormis. La bataille avait été éprouvante pour tout le monde et la nuit avait eu raison d’eux. Certains dormaient même debout. Andrea eut un léger sourire de compassion pour ses camarades, car même s’ils manquaient à leur devoir, ils avaient été valeureux la veille. Puis son regard se porta au loin, vers le camp orc. Il resta à contempler le spectacle pendant quelques secondes sans arriver à croire ce qu’il voyait.
Au lieu de voir des huttes de fortune et quelques feux au loin, il voyait une armée en pleins préparatifs pour attaquer la ville. Les orcs et les gobelins couraient en tous sens et en silence pour se mettre en position d’attaque. Ils étaient bien plus nombreux que ce qu’Andrea pensait. La nouvelle de l’attaque de Rémas avait dû se répandre comme une traînée de poudre, si bien que d’autres tribus s’étaient jointes à eux. Certains rassemblaient des échelles, d’autres amenaient des machines de guerre primitives à portée de tir. Andrea n’en croyait pas ses yeux. Machinalement il donna un coup de pied à un soldat endormi à ses pieds. Celui-ci grommela, sans se réveiller pour autant.

Andrea sortit de sa torpeur et attrapa le soldat par l’épaule pour le relever de force. A ce spectacle il se mit à hurler, donnant l’alerte. Toutes les sentinelles se levèrent comme un seul homme. A peine l’alarme avait-elle été déclenchée, que le tocsin résonnait déjà dans toute la ville. Andrea se retourna et regarda dans le cantonnement. Les hommes sortaient petit à petit encore en tenue de nuit. Il alla dans la garnison située au dessus de la grande porte pour y prendre un bouclier. Les hommes à l’intérieur avaient du mal à se réveiller.

- « Ce n’est pas un exercice ! Les orcs arrivent en grand nombre ! Tous en tenue, prêts au combat ! »
Les soldats n’attendirent pas de recevoir d’autres ordres pour se mettre en action. Ils retournèrent tous à leur cantonnement pour prendre leur équipement. A peine dix minutes s’étaient écoulées depuis que l’alerte avait été donnée et la grande majorité des troupes étaient déjà en place sur les murs. Les peaux-vertes étaient en place et avaient pu se mettre en ligne de bataille à moins de trente mètres des murs. Ils attendaient, ce qui soulevait bien des interrogations chez Andrea. Ils étaient à portée de tirs des canons et des arbalètes, cependant, tous n’étaient pas encore prêts à faire feu si bien que les orcs patientaient au pied des murs de la ville sans être inquiétés. Les tireurs déjà en place étaient perplexes. Voir un ennemi s’exposer de la sorte sans démontrer le moindre signe de peur avait de quoi ébranler la sérénité de bien des hommes. Reinhardt arriva à bout de souffle.

- « Mon seigneur, l’armée se met en place. Grundak et ses hommes sont au complet. Hristo a rassemblé la quasi totalité de ses troupes, tout comme nous.

Cependant, si l’une des portes venait à céder, nous sommes trop peu nombreux pour assurer les défenses du cantonnement. Les ogres sont chargés de leur défense avec des réservistes, mais Van Schleigen m’a confirmé qu’ils étaient deux fois moins que nécessaire ».

- « Chaque chose en son temps, Reinhardt. D’abord, il faut les empêcher de prendre pied sur les murs, c’est là le plus important. Ensuite, je suis sûr que nous pouvons compter sur la solidité de nos portes ».

C’est alors qu’un bruit se fit entendre au loin. Comme le bruit d’un drap que l’on aurait mis à sécher et qui claquerait à chaque rafale de vent.

- « Regardez là-bas ! Des dragons, les orcs nous envoient des dragons ! »
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MessageSujet: Re: Histoires de Rémas   Histoires de Rémas Icon_minitimeLun 29 Nov 2010 - 21:50

Le jour de la vouivre

Andrea n’avait fait que fixer l’armée qui s’étalait au bas de sa ville et il n’avait pas vu le danger qui se préparait au loin. Les orcs attendaient des renforts avant de pouvoir se lancer à l’attaque. Andrea plissa les yeux, aveuglés par le lever du soleil, pour voir trois ombres ailées, grossissant de plus en plus à mesure qu’elles approchaient de la ville. Ce n’étaient assurément pas des oiseaux. Et pourtant les créatures étaient trop petites pour être des dragons, ou alors étaient-ce de jeunes dragons, mais étant des créatures extrêmement rares, il était pratiquement impossible de voir réunis trois jeunes dragons. Le constat que put en tirer Andrea était qu’il avait à faire à des vouivres.
C’était donc trois vouivres qui se préparaient à fondre sur les défenseurs de Rémas. Chacune d’elles était montée par un orc d’une carrure impressionnante qui devait avoir une place importante dans la hiérarchie de l’armée. Au fur et à mesure qu’elles se rapprochaient de la cité, la lumière du soleil faiblissait, obscurcie par leurs grandes ailes membraneuses. Les hommes commençaient à avoir peur à la vue de ces monstres que tous voyaient pour la première fois, même pour les soldats les plus expérimentés. Depuis que le soldat avait fait remarquer l’arrivée des vouivres, personne n’avait dit mot. Les orcs, au bas des murs, étaient eux aussi silencieux, laissant la peur s’insinuer lentement mais sûrement dans l’esprit de leurs adversaires. Andrea savait qu’il fallait rompre le silence. Les orcs étaient à portée de tirs et les circonstances avaient fait que l’ordre d’ouvrir le feu n’avait pas été donné.

- « Arbalétriers ! Une salve ! Feu ! », dit Andrea.

Alors tous les tireurs postés sur les murs ouvrirent le feu. Une pluie de flèches s’abattit sur les orcs. Les créatures levèrent leurs boucliers, mais beaucoup d’entre elles furent touchées à mort. Cependant, le nombre de tués n’était pas suffisant. Andrea savait que les carreaux se faisaient rares, et il fallait les économiser le plus possible.

- « Arbalétriers, rechargez ! Canons, feu ! »

Les canons firent feu sur les orcs. Le résultat fut tout autre. Les boucliers n’offrirent aucune protection contre ces projectiles et les peaux-vertes furent fauchées par les tirs. Il était possible de voir distinctement les rangées creusées par les boulets au sein des régiments d’orcs. Quelques gobelins profitèrent de l’occasion pour fuir le champ de bataille, effrayés par le bruit et les dégâts des canons.

La réaction des orcs ne se fit pas attendre. Le chef orc s’avança au devant de son armée et poussa un hurlement, ramenant le calme au sein de ses troupes. L’orc était certes grand, mais il n’était pas pour autant gros comme le sont ordinairement les chefs de guerre qu’Andrea avait pu rencontrer. Mais son influence sur cette armée ne laissait subsister aucun doute. Il était bien le général en chef de cette bande de pillards. Puis un autre cri donna le signal ; les orcs se lancèrent tous à l’assaut des murs. La bataille pour la défense des murs de Rémas venait de commencer.

* * * * *

Les canons tirèrent une nouvelle salve sur les orcs. Comme ce fut le cas la veille, les projectiles n’arrêtaient aucunement la course des orcs. Et déjà les premières échelles étaient posées sur les remparts. Les défenseurs rejetèrent les premières, mais il y en avait de plus en plus. C’est à ce moment que les vouivres arrivèrent sur la ville. Les trois créatures étaient côte à côte.

- « Arbalétriers ! Feu à volonté ! »

Alors un mur de flèches fut tiré sur les vouivres. Celle du milieu reçut le plus de projectiles. Elle eut un sursaut étrange, puis perdit de l’altitude. Elle tombait et allait s’écraser sur Rémas. Dans sa chute elle passa à moins de deux mètres du chemin de ronde, frôlant les arbalétriers qui venaient de l’abattre. Elle alla s’écraser dans le cantonnement détruisant une habitation servant de caserne au 3ème régiment de piquiers de la 2ème armée. Pauvre 2ème armée. En plus d’être l’armée qui comptait le plus de pertes depuis le début du conflit, elle venait de perdre l’une de ses maisons. Le monstre était en train d’agoniser au milieu du cantonnement. Sa chute avait provoqué beaucoup de dégâts et un feu avait même débuté avant d’être prestement éteint par la population. Son maître, lui, avait été tué dans la chute.

Une des deux autres vouivres avait réussi à passer sans dommage. Elle décrivit un arc de cercle au-dessus de la ville, terrifiant les femmes et les enfants. Puis elle se dirigea vers une tour à canon. Elle prit dans ses serres la pièce d’artillerie qu’elle réussit à arracher de son socle. L’objet, tout en bronze, était très lourd et le maître de la vouivre eut du mal à la faire aller jusqu’au milieu du cantonnement pour lui faire lâcher sa prise sur les gens situés juste en dessous. Le canon tomba sur une autre maison, faisant écrouler la toiture. Quant à la troisième, elle se posa également sur une tour à canon, mais dans le but de d’y déposer des gobelins qui étaient accrochés à elle. Les artilleurs furent surpris et ne purent résister à ces petits êtres qui plantèrent leurs couteaux dans leur chair.

L’assaut venait à peine de débuter et les remparts comptaient déjà deux canons de moins, pour seulement une vouivre tuée. Pire encore, les arbalétriers étaient trop occupés à repousser les échelles et ne pouvaient donc pas continuer à tirer sur les monstres ailés. Les orcs continuaient d’essayer d’ escalader la muraille. Les échelles pouvaient être facilement repoussées, mais les grappins posaient plus de problèmes, étant donné qu’il fallait les sectionner. Les machines de guerre orc ne représentaient pour l’heure aucun danger. Leur portée était trop faible et les pierres des catapultes s’écrasaient contre le mur, pour finir par retomber sur les orcs qui tentaient de l’escalader. L’un des canons les prit tout de même pour cible. Le boulet retomba un peu devant elles, mais il roula jusqu’à une catapulte. Celle-ci, faite tout en bois, vola en éclats et s’écroula sur une baliste positionnée juste à côté.

Puis, l’une des deux vouivres encore en vie se posa sur la partie du rempart se trouvant entre la grande porte et la porte Di Santo. Sa queue balaya trois soldats qui furent précipités du haut des murs. La créature n’avait peut -être pas de bras, mais sa gueule et sa queue étaient redoutables. Les défenseurs effrayés, allèrent se réfugier dans les tours. Les orcs venaient de prendre possession d’une partie de la muraille. Alors, des échelles purent se poser sans rencontrer la moindre résistance et les peaux-vertes gravirent les barreaux sans être inquiétés. Ils s’attaquèrent aux portes menant à l’intérieur des tours. Celles-ci étaient protégées par des soldats situés de l’autre côté. Les orcs commençaient à escalader la tour pour faire taire le canon à son sommet. La vouivre repartit dans les airs et tenta d’opérer la même opération sur une autre partie du mur situé entre la grande porte et la San Lorenzo.

C’était à cet endroit que se trouvait Andrea. La vouivre vint se poser à moins de deux mètres de lui. Cependant, elle lui tournait le dos. Alors il se saisit d’une pique abandonnée par l’un des gardes parti en courant. Il lui planta dans le flanc. La créature hurla un son aigu, puis fit volte face et regarda Andrea. Ce dernier abandonna la pique et reprit son épée et son bouclier. La vouivre tenta de mordre Andrea mais celui-ci esquiva l’attaque d’un pas de côté. Puis elle lui asséna un coup de queue. Le brave général eut juste le temps de lever son bouclier pour parer l’attaque. Le bouclier vola en éclats et Andrea fut projeté au sol. Il se releva aussi vite que possible. La vouivre essaya une nouvelle fois de le mordre sans plus de succès. Andrea recula jusqu’à ce qu’il soit contre la porte menant à la garnison de la grande porte. Il était coincé.

Alors qu’il pensait finir dévoré par le monstre, une explosion vint toucher la vouivre. Andrea regarda d’où elle venait. Il vit alors sur l’une des tours un canon qui avait ajusté la créature et avait tiré un boulet sur elle. Dans un râle d’agonie la vouivre bascula de l’autre côté du rempart pour venir s’écraser sur l’armée peau-verte située en contrebas. Son cavalier avait été éjecté de sa monture et était encore sur le mur. Il était sonné mais il se remit sur le dos et essaya de se relever. Mais un pied vint se poser sur sa poitrine l’empêchant de se remettre sur ses jambes. C’était Andrea. Il le surplombait et mit son épée sous la gorge de l’orc. Celui-ci ne comprit pas ce qui lui arrivait jusqu’à ce qu’il sentit la lame lui transpercer la gorge.

Là aussi les orcs commençaient à prendre pied. Andrea et le reste des défenseurs les engagèrent. Les hommes étaient plus agiles et pouvaient éliminer les orcs sur les remparts alors que ces derniers étant trop maladroits chutaient souvent du haut des remparts. Mais le poids du nombre était trop important, si bien qu’Andrea et ses hommes se retrouvèrent bientôt submergés par les orcs. Depuis les remparts intérieurs, les arbalétriers tentaient de rétablir l’équilibre, en vain. Le salut vint de Reinhardt et de la garde personnelle d’Andrea. Alors qu’ils étaient stationnés à un autre endroit du mur, ils quittèrent temporairement leur poste pour venir prêter main forte à Andrea. Ils prirent les orcs de dos, massacrant ceux qui étaient déjà sur le chemin de ronde et rejetant les échelles. Cette partie du mur avait été reprise et la dernière vouivre était partie, mais les choses ne s’arrangeaient pas pour autant.

* * * * *

Cela faisait plusieurs heures que le combat faisait rage. Certains régiments stationnés sur les remparts avaient relevé en pleine bataille pour pouvoir reprendre des forces. Entre la grande porte et la porte Di Santo, les orcs ne faisaient que progresser. Hristo n’arrivait pas à stopper leur avance, si bien qu’une tour tomba aux mains des assaillants. Le canon à son sommet fut réduit au silence et des troupes purent se déverser dans le cantonnement. De son côté Grundak était celui qui disposait de plus d’hommes. Non seulement la 4ème armée n’avait subi que peu de pertes, mais il pouvait compter en plus sur ses guerriers nains, tous fidèles et très motivés. Il était logique que ce soit le rempart qui tenait le mieux.

Soudain, Andrea entendit un bruit sourd. Il ne comprit pas tout de suite d’où il venait. Puis il regarda en bas des murs du côté extérieur. Les portes étaient attaquées par des trolls. Ils utilisaient de grosses masses pour l’enfoncer. Les portes étaient solides, mais il y avait fort à parier qu’elles ne tiendraient pas indéfiniment. Pas contre de tels assauts. Dans le cantonnement les orcs ne faisaient pas beaucoup de dégâts. Ils faisaient face aux troupes régulières de Rémas et aux ogres, si bien qu’ils étaient éliminés, quelques secondes après avoir surgi de la tour.

Mais Andrea devait se rendre à l’évidence. Les orcs étaient trop nombreux et chaque tué rendait le mur de plus en plus difficile à tenir. Après une heure de bataille, la grande porte céda sous les coups des trolls. Les monstres hideux pénétrèrent alors dans le cantonnement. Un mur de pique se dressa devant eux. Les stupides créatures se jetèrent sur les soldats ne craignant pas la mort. Ils vinrent s’empaler sur les défenseurs, mais les piques n’avaient pas pour autant raison d’eux. Ils continuaient à se battre bien qu’ils fussent transpercés de part en part en plusieurs endroits.

Les ogres vinrent aider les humains. Eux seuls avaient la force pour démembrer ces abominations, seul moyen d’en venir efficacement à bout. Mais déjà, les orcs pénétraient dans le cantonnement. Ils étaient contenus pour le moment ; les régiments de piquiers profitaient de l’architecture des lieux pour se placer à des endroits stratégiques et les contenir efficacement. Andrea vit un ogre avec une épée grande comme un homme frapper un troll, lui coupant le bras net. Mais le membre commençait à repousser comme la queue d’un lézard. L’ogre lui redonna alors plusieurs coups d’épée pour que le troll s’écroule enfin raide mort.
- « Regardez à gauche ! », fit l’un des hommes aux côtés d’Andrea.

Alors il regarda et vit que la porte Di Santo avait été prise par les orcs. Les derniers défenseurs étaient en train de se replier dans le cantonnement. Les canons du flanc gauche avaient tous été neutralisés et ce n’était qu’une question de temps avant que la porte ne soit ouverte. Avec deux portes ouvertes, il ne serait plus possible de tenir le grand rempart. Andrea devait s’y résoudre. Il fallait battre en retraite, encore une fois.

Un cor retentit annonçant l’abandon du mur. Les troupes descendirent alors des murs pour se retrancher derrière le rempart intérieur. Andrea se retrouva dans le cantonnement. Les combats faisaient rage. Il se trouva que, par l’effet de la retraite, lui et ses hommes prirent à revers les orcs qui se battaient contre les troupes déjà en bas. Ils les chargèrent avec une férocité telle que les orcs furent projetés malgré eux sur les piques des défenseurs. Mais il n’était plus possible de rester ici une minute de plus. Les orcs étaient de plus en plus nombreux ,ils prenaient pied sur le rempart, tirant sur les soldats en contrebas. Grundak repliait ses hommes lui aussi et rejoignit ceux d’Andrea.

- « Allez-y, repliez-vous. Je me charge de couvrir votre retraite ».
- « Très bien. Je ferai poster tous mes hommes sur les murs pour cribler de flèches les orcs. Cela vous soulagera ».

* * * * *

Le cantonnement était lui aussi perdu. Les défenseurs avaient tenu une bonne partie de la journée, mais exténués, ils se repliaient tous. Chaque homme qui arrivait à se réfugier dans la ville, à l’abri du mur intérieur, recevait une arbalète et un arc et devait aller sur le rempart aux fins de couvrir le retrait des troupes encore dans le cantonnement. Andrea ne faisait pas exception. Il avait pris un arc et s’était posté juste au -dessus de la porte. Non seulement il protégeait Grundak et ses hommes mais, il pouvait aussi continuer à donner des ordres. Il regarda la grande porte. Une ombre venait obscurcir les derniers rayons du soleil. La dernière vouivre venait de se poser au sommet de la garnison surplombant la grande porte. Elle poussa un hurlement qui glaça le sang d’Andrea. Elyos, l’elfe, vint se poster à ses côtés.

- « Je crois que la retraite était inévitable », dit-il en décochant une flèche dans la gorge d’un orc.
- « Hélas ! J’aurais souhaité avoir plus d’hommes. Les orcs sont trop nombreux. Nous avons toutes les peines du monde à les contenir ».
- « Il ne faut pas désespérer. Votre peuple compte sur vous. N’abandonnez pas, sinon vous condamnez à une mort certaine toutes les femmes et tous les enfants de cette ville ».
- « Je n’abandonne pas. S’il faut que je meurs ici pour sauver mon peuple, ce serait avec joie que je donnerais ma vie ».

Le mur intérieur fut bientôt rempli de tireurs. Ils firent tous feu à volonté. Les réserves de flèches s’épuisaient mais la stratégie était efficace. Les orcs et les gobelins tombaient par dizaines et les rues commençaient à se vider, le grand rempart à être déserté. Les peaux-vertes ne se risquaient plus à se mettre à découvert, car le moindre snotlings qui pointait le bout de son nez crochu recevait une flèche.

Les trolls avaient été tous éliminés, mais une bonne partie des ogres avait péri dans cet affrontement. Rémas venait de perdre ses meilleurs combattants, ainsi qu’une grande majorité des hommes de la porte Di Santo. Andrea n’osait pas se demander quels étaient les effectifs qui restaient de la 1ère et de la 2ème armées . Il ne savait même pas si Hristo était encore en vie. Reinhardt vint le rejoindre.

- « Excellence, le seigneur Grundak demande s’il peut mettre ses hommes à l’abri. Les orcs se font moins courageux et il n’y a quasiment plus de survivants qui franchissent la porte. Il pense que c’est le moment idéal pour refermer la porte ».

Cette décision était délicate pour Andrea. S’il acceptait de fermer la porte, il savait qu’il condamnait à mort les soldats isolés, encore dans le cantonnement. Mais s’il demandait à ce que la porte reste ouverte, il exposait Grundak, ses guerriers et l’ensemble de la 4ème armée aux attaques des orcs.

- « Refermez la porte », décida Andrea.
- « Mais et les hommes encore dehors, vous ne pouvez pas les abandonner ! », s’exclama un soldat qui avait entendu cet ordre.
- « Ferme -là toi », lui rétorqua Reinhardt. « Tu dois obéir à ton chef, un point c’est tout. Continue de surveiller devant toi ». Puis il partit annoncer la nouvelle à Grundak.
- « C’était une décision difficile que vous avez prise », dit Elyos.
- « J’aurais préféré n’avoir jamais à sacrifier mes hommes ».
- « Il faut parfois savoir sacrifier une partie de ses hommes pour en sauver un plus grand nombre. C’est à ce genre de décisions que l’on reconnaît un chef.
- Andrea eut un léger sourire en réponse aux mots de réconfort qu’il venait de recevoir.
- « Je ferai tout de même placer des hommes avec grappins pour faire monter tous les hommes qui auront réussi à revenir aux murs ».

Bien que cette dernière mesure fût illusoire, Andrea ne pouvait se résoudre à abandonner ses hommes. Après une journée entière de combats, les hommes étaient exténués. Le soleil se couchait et avec lui s’en allaient leurs dernières forces. Il n’était pas question que les hommes se rendorment comme la veille. Les orcs étaient dans le cantonnement. Ils avaient été stoppés temporairement, mais une attaque surprise était à craindre. Andrea descendit les marches et vit que Van Schleigen lui faisait signe d’approcher.

- « Il faut réunir le conseil. Les orcs sont là. Il faut prendre des mesures quant à la population. Les femmes, les enfants, les vieillards ne peuvent se battre ».
- « Très bien », dit Andrea. Allons à la citadelle et réunissons le conseil ».
- Van Schleigen partit devant. Andrea se tourna vers Reinhardt.
- « Je veux que tu assures la surveillance des remparts. Ne laisse aucun homme relâcher sa vigilance ».
- « Mon seigneur, si vous me permettez, il serait plus judicieux que moi et votre garde ne vous quittions plus d’une semelle ».
- « Et pourquoi cela ? »
- « Avec cette défaite, de vils serpents pourraient sortir de leur tanière et en profiter pour vous renverser. Un assassinat est si vite arrivé ».
- « Hélas tu es le seul homme qu’il me reste en qui je peux avoir toute confiance ».
- « Et Hristo, vous avez pensé à lui ? »
- « Comment ? Il est vivant ? »
- « Oui. Je l’ai vu un peu plus loin sur le rempart. Mais son incapacité à protéger la porte Di Santo l’a démoralisé complètement ».
- « Une mission de la plus haute importance saura le lui remonter. Dis lui qu’il commande les troupes du rempart et rejoins -moi avec la garde à la citadelle ».

* * * * *

Les cinq membres du conseil étaient présents. Grundak portait encore son armure. Elle était couverte de sang noir. Elle était aussi cabossée, signe que les combats, à la porte San Lorenzo, avaient été sanglants. Quercio, lui, était en costume d’apparat. Il jubilait devant cette défaite, trop heureux de constater l’incapacité d’Andrea. Ce dernier prit place et la séance put débuter. Comme à l’accoutumée ce fut Van Schleigen qui prit la parole en premier.

- « Mes seigneurs, la situation est grave ».

A ces mots, un petit murmure à peine audible, fut émis par Quercio. Mais personne n’y prêta attention.

- « Si nos défenses venaient à céder, il faut prendre des dispositions pour les femmes et les enfants. Quelqu’un a-t-il une proposition ? »

Dans l’assistance, personne n’osa prendre la parole. La situation était grave et les civils risquaient d’en payer le prix fort. Andrea prit alors la parole.

- « L’évacuation. C’est la seule solution qui s’ouvre à nous. Je propose de mettre toutes les personnes qui ne peuvent pas se battre dans les bateaux et les envoyer à l’abri. Je suis sûr que la ville de Tobaro les accueillera avec plaisir ».
- « C’est la solution la plus sage », dit Van Schleigen. « Mais n’est-ce pas condamner Rémas. Si la ville venait à survivre elle serait privée de population et à la merci des villes voisines qui nous croiraient, à juste titre affaiblis».
- « La situation ne nous permet que de nous projeter dans un avenir très proche. Je préfère sauver un maximum de vies aujourd’hui. Mais si quelqu’un a une meilleure idée ,qu’il se manifeste ».
Personne ne prit la parole.
- « Alors, votons », dit Van Schleigen.

La proposition d’Andrea fut adoptée à l’unanimité. Même Quercio ne posa aucune difficulté. Andrea reprit la parole.

- « Je souhaite ajouter que les soldats et les hommes mobilisés qui souhaitent partir le peuvent ; je ne veux pas de morts inutiles ».

Cette proposition surprit tout le monde et fut rejeté par Grundak et Van Schleigen.

- « L’heure n’est pas encore à la défaite, seigneur Leoni », tonna le seigneur nain. « La victoire peut être remportée. Les orcs doivent prendre encore la ville et la citadelle et je leur souhaite bien du plaisir ».
- « Excusez moi, mais je me suis mal exprimé. Je voulais dire que je ne veux disposer que de troupes très motivées et non de mercenaires démoralisés qui fuiront à la première occasion. Pour ma part, je resterai à Rémas jusqu’à ma mort, j’en fais le serment devant vous ».
- « Oublions ce quiproquo alors, mais tous les soldats resteront ici. Nous les payons pour se battre et c’est ce qu’ils feront », déclara Van Schleigen. « Si personne n’a quelque chose à ajouter, je lève la séance et transmets l’ordre d’évacuation à la population civile. Vive Ré… »
- « J’aurais une proposition à soumettre au conseil », dit Quercio.
- « Soit et quelle est-elle ? »
- « La nomination d’un nouveau général, qui saura conduire nos hommes. Depuis que Galliani est mort nous allons de défaite en défaite, il faut que cela cesse et cela passe par l’élection d’un chef compétent ».
- « Et à qui pensez-vous, seigneur Quercio ? »
- « Mais, à vous seigneur Van Schleigen. Vous vous êtes peut -être reconverti dans la finance, mais je sais de source sûre que vous êtes un meneur d’hommes hors pair ».
- « Je tiens à dire que si le conseil m’élit j’accomplirai cette tâche, mais pour ma part je vote contre. Les orcs ont remporté leur dernières batailles par le poids du nombre, aucun général n’aurait pu faire mieux que le seigneur Leoni ».

Finalement la proposition fut rejetée et Andrea maintenu dans ses fonctions. Mais il comprit l’avertissement de Reinhardt sur les éventuels serpents qui guettaient la moindre faiblesse de sa part pour l’éliminer. Quercio avait essayé de l’éliminer politiquement, mais il était presque sûr qu’il n’en resterait pas là. Cependant, en sortant de la salle du conseil, Andrea savait une chose : Reinhardt ne serait plus jamais très loin de lui.

* * * * *

La nouvelle de l’évacuation de la ville s’était répandue comme une traînée de poudre. A peine l’ordre avait été donné que les femmes, les enfants, les vieillards, les infirmes et les blessés de guerre se trouvaient dans les rues à rassembler leurs dernières affaires personnelles, avant de se diriger vers le port. Andrea observait la scène depuis l’une des terrasses de la citadelle. La partie militaire et la partie commerciale du port étaient toutes les deux en pleine effervescence. Il y avait une vingtaine de navires qui étaient actuellement amarrés et l’on se bousculait déjà pour monter à leur bord.

Pour Andrea cette vision était abominable. Par sa faute, Rémas était vidée de sa population. Seuls ne restaient que des gens qui seraient condamnés à mourir. Peut être Quercio avait-il raison. Andrea n’était pas l’homme qu’il fallait mettre à la tête des armées de Rémas. Peut être était-il trop jeune ou tout simplement incompétent. Cependant, Andrea savait ce qui n’était pas. Il n’était pas lâche et il allait se battre jusqu’à son dernier souffle. Il n’était pas mauvais combattant non plus et il comptait emporter avec lui le plus de peaux-vertes possible et si la chance lui souriait, il aurait la tête de Landelieux en prime.
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MessageSujet: Re: Histoires de Rémas   Histoires de Rémas Icon_minitimeMar 7 Déc 2010 - 7:46

L’exode

Andrea regardait avec amertume la population se rendre vers le port. Avec amertume certes, mais il ne doutait pas que cette solution était la meilleure. A tout moment les orcs pouvaient franchir le dernier rempart et si tel était le cas, rien ne pourrait être fait pour les protéger. Rémas avait déjà perdu suffisamment d’enfants ces derniers jours. Il n’était pas nécessaire qu’elle en perde davantage. Andrea se dirigea vers le port. Il y avait là huit galères qui, d’habitude protégeaient l’espace maritime de la ville. Elles avaient été ramenées à quai et embarquaient désormais non pas des soldats et des marins mais de simples citoyens.

Tout ce que la ville possédait d’embarcations avait été réquisitionné pour l’occasion. Les bateaux marchands mais aussi les quelques navires de plaisance. Les quais étaient remplis de réfugiés si bien que l’anarchie commençait à s’installer. Les soldats avaient été tous affectés à la défense du rempart et il n’y avait plus la moindre autorité compétente pour faire régner l’ordre. Andrea avait hâte que cet exode se termine. Ainsi il pourrait livrer sa dernière bataille tout en sachant son peuple à l’abri à Tobaro.
Dans la foule, Andrea repéra une personne encapuchonnée. Cela n’aurait rien eu de surprenant d’ordinaire, Rémas comptant souvent dans sa population des personnes étranges désirant ne pas être reconnues. Mais le physique de cette personne l’intriguait fortement. La personne en question faisait la queue pour monter à bord d’un bateau. Andrea s’approcha de l’étranger.

- « Alors comme ça tu nous quitte aussi Elyos ? »

Il retira son capuchon : il s’agissait effectivement de l’elfe.

- « Effectivement Andrea. Je ne suis resté ici que trop longtemps. Tous mes semblables ont quitté la ville, depuis fort longtemps. Ils m’avaient supplié de les suivre, estimant que ce n’était que folie de s’attarder ici ».
- « Je te comprends. Nombreux sont ceux qui pensent qu’il n’y a plus d’espoir ».
- « Pourquoi ne viens-tu pas avec moi. Nous pourrions courir le monde. Un guerrier tel que toi pourrait trouver du travail n’importe où ».
- « Je te remercie de ta sollicitude, mais je suis né dans les alentours de Rémas, je vis dans cette ville depuis mes 12 ans. Elle est une partie intégrante de moi-même. Je ne peux me résoudre à l’abandonner. La ville n’est pas encore perdue. Et même si elle venait à être prise, je préfère encore mourir que de vivre dans un monde où la glorieuse cité de Rémas aurait disparu ».
- « Tes paroles me vont droit au cœur et j’ai désormais mauvaise conscience à t’abandonner à ce triste sort. Mais je suis encore jeune pour un elfe et mon côté aventureux n’a pas été assouvi. Je ne peux que partir ».
- « Soit. Va en paix et sache que tu seras pour toujours un ami de Rémas. Reviens quand tu le désireras et si le destin le permet ».
- « Cette ville peut être heureuse de t’avoir à ses côtés. Malgré le danger, je vois de l’espoir pour cette ville ».

C’est ainsi que Elyos, l’elfe voyageur embarqua dans l’un des bateaux à destination de Tobaro. Il tournait le dos à la ville qui l’avait accueilli en ami, il y a de cela des années. Cependant, il ne faisait aucun doute que Rémas ne lui en tiendrait pas rigueur. Andrea regarda son ami s’éloigner, espérant que celui-ci se ravise et vienne avec lui tenir les remparts. Elyos était, comme tous les elfes, un archer hors pair et sa précision lui aurait été un atout non négligeable dans cette guerre. Puis, il sortit de ses rêveries et retourna à ses occupations. C’est alors qu’un petit garçon vint se présenter à lui.

- « Mon seigneur, puis-je m’entretenir avec vous ? »
- « Tu es bien jeune, où sont tes parents ? »
- « C’est là le sujet de ma venue ».
- « Et bien soit, vas y, parle ».
- « Je suis Angelo Flocchi ».
- « Tu es en parenté avec Laszlo Flocchi ? »
- « Oui, c’est mon père. Il ne peut plus combattre, sa blessure est trop grave. C’est pour cela qu’il m’a envoyé vous servir. Je dois représenter la famille Flocchi dans l’armée de Rémas ».
- « Tu me parais bien jeune. Quel âge as-tu ? »
- « Douze ans. Mais l’âge n’a rien à voir dans cette affaire. Depuis que les Flocchi sont arrivés à Rémas il y a de cela près de 120 ans, il y a toujours eu l’un de ses membres dans l’armée régulière. En tant que fils aîné de Laszlo Flocchi, je me dois de perpétrer la tradition ».
- « Au diable la tradition. Je ne souhaite pas être responsable de la mort d’un garçon de douze ans. Va rejoindre tes parents et prends le prochain bateau ».
- « Mais… mon seigneur »
- « Ne discute pas ! Ici je suis le seul à donner des ordres. Et ce n’est pas ton père qui me forcera à accepter le sacrifice de son fils, quand bien même cette tradition remonterait à Sigmar lui-même ».

L’insistance de ce petit garçon avait particulièrement agacé Andrea. Il faisait nuit noire et les seules lumières étaient celles émanant des remparts et celles du port. Il repartit voir ses hommes, aux fins de voir où en était l’attaque des orcs. En arrivant en haut des murs il se dirigea vers la position surplombant la porte, l’unique porte séparant les orcs du reste de la ville. Là, il y avait Hristo, bel et bien vivant et qui , même ,paraissait indemne.

- « Alors Hristo. Où en sont les combats ? »
- « Tous les hommes sont en état d’alerte. Quelques orcs essayent de se faufiler de maison en maison. Mais il est de plus en plus difficile de les repérer. L’obscurité ne nous aide pas ».
- « Cela grouille de peaux-vertes là en dessous. Inutile de tenter une sortie pour reprendre le cantonnement ».
- « Exactement. D’ailleurs regardez ».

Hristo prit une torche que tenait une sentinelle et la jeta dans le cantonnement. Elle sembla tomber dans un puits sans fond, tellement l’obscurité avalait tout. En touchant le sol, il était possible de distinguer le contour des bâtiments. Mais, ce que vit Andrea le conforta dans l’idée de ne pas sortir. De multiples ombres se sauvèrent à l’arrivée de cette source de lumière. Les gobelins étaient partout, se tapissant dans l’ombre, guettant leurs proies.

- « Cependant excellence, nous commençons à manquer cruellement de flèches ».
- « J’ai donné l’ordre à tous les hommes disponibles d’en fabriquer autant que possible. Vous serez ravitaillés bientôt et les entrepôts de la citadelle seront également renfloués ».

* * * * *

Dans le cantonnement tout était calme. La présence des orcs et des gobelins ne faisait aucun doute, mais ils se montraient étonnamment silencieux. Ce n’était manifestement pas le cas des peaux-vertes stationnées à l’extérieur de la ville. Il est était possible de les entendre hurler des ordres et des bruits étranges parvenaient aux défenseurs. Les bruits s’apparentaient à des roulements comme un tonnerre qui gronderait au loin, ne laissant présager rien de bon. Andrea sentit soudain une présence juste dans son dos. Il se retourna en sursaut et se retrouva face à In-Dûr.

- « Vous m’avez fait peur ! »
- « Pardonnez-moi seigneur Leoni. Je voulais vous informer que les blessés qui pouvaient être transportés, sont tous à bord des bateaux. Ils sont en sécurité ».
- « Parfait. Et vous In-Dûr, qu’allez-vous faire ? »
- « Je pense rester ici avec vous. Rémas m’a donné beaucoup, et j’espère lui en rendre un peu avant la fin ».
- « Si Rémas pouvait compter ne serait-ce que dix hommes comme vous je ne me ferais pas de soucis pour les suites des guerres ».
- « Mais vous les possédez déjà et vous en avez bien plus que dix. Regardez tous ces hommes. Nombre de leurs camarades sont morts. Eux sont toujours là. Ils n’ont pas cédé à la panique et demeurent à vos côtés ».

De telles paroles auraient à coup sûr réconforté Andrea si les orcs n’étaient pas passés à l’action à ce moment. Des boules de feu passèrent au dessus d’Andrea pour venir s’écraser dans la ville.

- « On nous bombarde. Tout le monde à couvert ».

Les hommes sur les remparts se cachèrent derrière les créneaux, mais dans les rues la panique frappait tous ceux qui s’y trouvaient. La ville était en grande majorité construite en pierre, si bien qu’elle ne s’embrasait pas. Mais les rochers qui s’abattaient sur elle causaient de graves dégâts aux différents bâtiments. Les civils qui n’avaient pas encore embarqué hurlaient et couraient en tous sens dans la ville, en proie à la panique. Un mouvement de foule se produisit au port, chacun voulant prendre les derniers bateaux.

Rémas était sans défense. Les catapultes étaient à l’extérieur de la ville et si Andrea voulait tenter une sortie pour les réduire au silence, il aurait fallu s’aventurer dans le cantonnement, chose inconcevable. Il était impossible de répliquer à cette attaque. Il fallait subir. Ce qu’Andrea redoutait le plus c’était que les orcs profitent du chaos ambiant pour tenter un assaut à l’échelle. Le tocsin sonnait de plus belle. Les quelques soldats disponibles s’afféraient dans la ville pour éteindre les feux qui malgré tout commençaient à se répandre dans toute la ville. Un tas de foin avait reçu quelques braises et commençait à produire un feu d’une certaine importance. Fort heureusement, le vent était particulièrement faible et l’incendie pouvait être circonscrit assez aisément. Mais les victimes commençaient à s’amasser dans les rues. Parmi elles, il n’y avait que très peu de soldats, la plupart étant membres de la population de Rémas n’ayant pas eu le temps de fuir.

Lorsque les derniers bateaux partirent pour Tobaro, il restait encore plusieurs centaines de civils. Ils étaient apeurés et hurlaient à chaque rocher qui s’abattait sur la ville. Andrea donna l’ordre de les faire se mettre à l’abri dans la citadelle seul édifice assez résistant pour essuyer les tirs des machines de guerre des peaux-vertes. La ville commençait à être complètement dévastée. Andrea n’arrivait pas à en croire ses yeux. Cette ville qui, il y a encore quelques jours, était fleurissante et pleine de vie, était aujourd’hui en ruines et hantée par la mort. Dans son malheur Andrea pouvait s’estimer heureux. La grande majorité de ses soldats étaient sur le rempart intérieur, si bien que les projectiles ne faisaient que passer au-dessus d’eux sans les toucher. Les survivants de son armée étaient épargnés et aptes à continuer le combat.

** * * *

Le ciel était d’un noir d’encre, mais la ville scintillait comme une étoile du fait du bombardement des orcs. Les tirs avaient cessé et tout était redevenu calme. Les cris d’agonie des blessés se faisaient rares, tout comme les pleurs des victimes. Cet instant avait été éprouvant pour tous. Andrea n’avait jamais subi de bombardement et la conclusion qu’il en tirait était que cela était fort frustrant. Il aurait préféré que les orcs viennent en découdre au corps à corps avec lui. Il leur aurait montré la valeur d’un général de Rémas. Mais il fut tiré de ses pensées par un bruit qui lui glaça le sang : le son du grincement de la porte située sous lui. La porte était en train de s’ouvrir, laissant entrer les orcs.

Andrea vit qu’à côté de la porte quelques hommes essayaient de faire rentrer discrètement les orcs dans la ville.

- « Alerte !! Alerte !! Les orcs sont là ! »

Tous les soldats regardaient Andrea, abasourdis.

- « A vos postes, tenez les murs. Vous là -bas suivez moi ».

Andrea prit avec lui une dizaine de soldats et descendit les marches. Devant les portes de la ville, les hommes qu’il avait vus avaient disparu, mais les orcs étaient bel et bien là. Les soldats de Rémas engagèrent le combat tandis que d’autres tâchaient de refermer les portes. Andrea vit un orc lui adresser un coup de hache. Il se baissa et enfonça son épée dans le ventre de la bête. Elle tomba à genoux. Elle n’était pas encore morte, mais Andrea la laissa à son sort, tandis que la vie s’échappait d’elle. Il élimina un autre de ses congénères. Les hommes avaient réussi à refermer les portes, mais les orcs continuaient de pousser sur celles qui n’avaient pu être verrouillées pour le moment.

La poignée de peaux-vertes, qui avait franchi les murs, avait été éliminée, mais une attaque à l’échelle avait débuté, mobilisant les hommes sur les murs. Derrière la porte les orcs poussaient de plus en plus. Les renforts d’Andrea se faisaient attendre si bien qu’il était extrêmement difficile de les retenir plus longtemps. Finalement, les défenseurs lâchèrent prise sous le poids de leurs agresseurs. Un troll entra dans la ville balayant d’un revers de sa masse deux soldats qui furent projetés dans les airs dans un hurlement déchirant. Un flot d’orcs se déversa dans les rues de Rémas tel un torrent descendant de la montagne.

Le troll avait repéré Andrea et le prit en chasse. Andrea n’avait que peu de chance face à lui, si bien qu’il interrompit un instant le combat. Il se réfugia dans une petite rue, là où la grande taille du troll l’empêcherait de faire de larges mouvements. Le monstre essaya de frapper latéralement Andrea, mais son arme se heurta aux murs des maisons les entourant. Il laissa échapper son arme. Andrea en profita pour se ruer sur lui. Il se plaça sous son ventre et le frappa de son épée magique. Là où l’épée avait frappé, il y avait une légère fumée qui apparut. Puis le ventre de la créature se fissura, déversant ses tripes sur le sol. Andrea eut juste le temps de faire un pas de côté pour éviter de finir écrasé par la chute du monstre.

Andrea retourna aux portes. Mais il constata que durant le peu de temps où il avait été absent, les orcs en avaient profité pour prendre les remparts. La ville était désormais livrée aux peaux-vertes. Les soldats couraient dans tous les sens pour échapper à la mort. Andrea comprit qu’il était le seul à ne pas avoir cédé à la panique.

- « Tout le monde se replie sur la citadelle », hurla-t-il.

Il courut alors dans le dédale des rues minuscules de Rémas. Sa connaissance des lieux lui permit de semer les orcs qui étaient à ses trousses. Il rassembla quelques hommes qui se cachaient ou qui étaient égarés et après une course qui dura près de dix minutes, il arriva enfin à la place jouxtant la citadelle. Là, il eut la joie de voir que bon nombre de ses soldats s’en étaient sortis et qu’ils étaient en position défensive, attendant que les orcs arrivent. Hristo menait la ligne centrale et hurlait des ordres à ses hommes pour qu’ils se mettent en place. Il vit aussi que Van Schleigen avait engagé sa garde personnelle. Andrea dit aux hommes qu’il avait ralliés, d’aller dans la citadelle prendre des arbalètes, puis se dirigea vers son frère Lalin.

- « Ne t’en fais pas mon frère. Mon premier combat était éprouvant aussi pour moi. Mais je m’en suis sorti donc ne perds pas espoir et bats -toi ».
- « Merci Andrea, je suis prêt à les recevoir ».
- « Sais-tu où est père ? »
- « Non, je ne l’ai pas vu depuis ce matin. Peut-être a-t-il pris l’un des bateaux ».
- « Je l’espère, même si j’en doute ».

* * * * *

Les hommes attendaient en silence que les orcs arrivent sur la grande place. Celle-ci avait perdu de sa splendeur. Jadis c’était un jardin fleuri avec de grands arbres centenaires. Mais depuis ces derniers évènements ils avaient tous été abattus pour la fabrication de flèches et de piques. Il était possible d’entendre les saccages des orcs dans la ville. Les cris de quelques malheureux, qui n’avaient réussi à atteindre la citadelle, se faisaient entendre au loin. Sur la citadelle, il y avait quatre plates-formes où étaient disposés des canons, les derniers de tout Rémas. Ils étaient armés et bientôt ils feraient feu sur la ville qu’ils étaient censés défendre.

Les soldats les plus jeunes étaient tous à l’intérieur derrière des meurtrières. Lorsque les orcs arriveraient sur la place principale, ils seraient à découvert et seraient des cibles faciles. Les soldats postés sur le parvis de la citadelle étaient tous de solides vétérans. Andrea retrouva sa garde personnelle que Reinhardt commandait temporairement et alla se positionner sur le flanc gauche de la ligne. Il restait à Andrea moins de trois mille soldats désormais et moins de mille étaient en place devant les portes de la citadelle. Son plan était simple : forcer les orcs à le charger tandis que tous les hommes en poste dans la citadelle leur tireraient dessus. Puis lorsque la situation serait intenable, ils se replieraient à l’intérieur de celle-ci.

Quelques orcs débouchèrent sur la place. Pour la plupart, ils arrivèrent là car, au hasard des pillages ,ils la découvrirent. Ils étaient donc en très petit nombre. Mais leur amour du combat, les poussait à charger les murs de piques, sans la moindre chance de victoire. Finalement les orcs se faisaient de plus en plus nombreux, jusqu’à ce que toute l’armée se déverse sur les derniers défenseurs. Les piquiers encaissèrent une nouvelle fois la charge des peaux-vertes. Celle-ci était tout aussi violente que les dernières fois. Les arbalétriers firent feu à volonté. Puis les canons tirèrent sur la ville. Une maison s’écroula sous l’impact d’un boulet et s’effondra. La poussière dégagée vint s’abattre sur les combats, les rendant encore plus pénibles.

Encore une fois, il fallait se rendre à l’évidence, les orcs étaient bien trop nombreux. Si bien que la retraite devait une nouvelle fois être sonnée. Petit à petit, la ligne recula pour atteindre les portes de la citadelle, restées grandes ouvertes. Grundak se proposa une nouvelle fois pour fermer la marche mais Andrea refusa. En tant que général en chef, c’était à lui cette fois de couvrir ses hommes. Avec sa garde personnelle, Andrea protégea ses hommes pendant que les régiments venaient se mettre à l’abri un à un. Lorsqu’Andrea et ses hommes furent les derniers, un feu nourri de carreaux d’arbalètes fut tiré. Puis les canons tirèrent chacun une salve très proche des portes pour déstabiliser les orcs. Les boulets frappèrent les marches les faisant exploser et tua un grand nombre d’orcs. La porte put alors être fermée sans difficultés.
En l’absence d’adversaires à combattre les orcs retournèrent dans la ville aux fins de la piller.
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MessageSujet: Re: Histoires de Rémas   Histoires de Rémas Icon_minitimeLun 13 Déc 2010 - 20:41

Résistance

La porte venait tout juste de se refermer. Andrea était exténué. La course qu’il avait faite dans les rues étroites de Rémas lui avait déjà ôté une bonne partie de ses forces et le combat qu’il avait dû enchaîner par la suite n’avait fait qu’empirer les choses. Cela faisait près de trois jours qu’il n’avait pas véritablement dormi. Il regarda autour de lui : tous ses hommes étaient eux aussi dans un état de fatigue extrême. Pour la plupart ils étaient assis, adossés aux murs de la citadelle reprenant leur souffle.
Andrea vit Hristo agenouillé près de l’un de ses soldats, lui apportant quelques mots de réconfort.

- « Hristo, nous sommes en sécurité pour le moment. Tu peux donner l’ordre aux hommes de faire un somme s’ils le souhaitent. Et qu’ils aillent se restaurer. J’ai fait transférer un grand nombre de vivres ici ».
- « Très bien excellence ».

Andrea se sentit un peu perdu. Hormis Hristo, il ne voyait aucun visage familier parmi les défenseurs. La grande majorité de ces derniers étaient des soldats réguliers et il subsistait encore quelques mercenaires, même s’ils se faisaient rares. Puis le soulagement arriva lorsqu’il repéra au fond du grand hall, Van Schleigen. Il se dirigea vers lui tout en donnant au passage quelques conseils aux soldats et en transmettant les ordres qu’il venait de donner à Hristo.

- « Seigneur Van Schleigen, je suis heureux de voir que vous vous en êtes sorti ».
- « Je vous remercie, même si cela n’a pas été une partie de plaisir. Je me demande comment nous allons nous en sortir. J’ai l’impression que toutes les peaux-vertes des terres arides sont venues en Tilée. J’ai parfois le sentiment que plus nous en tuons et plus il en arrive ».
- « Le sang appelle le sang mon ami. La nouvelle de notre siège ne doit pas être passée inaperçue. Sachant qu’une armée orc nous attaquait, tous leurs congénères en maraude dans ce secteur se sont joints à eux ».
- « Ce sont de vrais vautours. Ils sentent l’odeur d’une bête blessée et ils en profitent pour l’achever ».
- « Ce n’est pas encore fini. Nous pouvons tenir cette place forte très longtemps. Mais au fait, mon frère comment va-t-il ? »
- « Comme un charme. Je crois qu’il vient de se découvrir une nouvelle vocation grâce à l’armée. De plus son air de flûte est plutôt agréable à écouter ».
- « J’en suis ravi. Avez-vous vu d’autres de nos amis ? »
- « Oui, Hristo est parmi les hommes. Reinhardt aussi. Grundak doit être quelque part, je vois ses guerriers un peu partout. Cependant, aucune trace de In-Dûr, ni de Quercio ».
- « Concernant Quercio cela ne me surprend guère, il a dû prendre le premier bateau pour quitter la ville. Quant à In-Dûr j’espère qu’il n’est pas tombé aux mains de l’ennemi ».
- « Tenons une séance au conseil pour décider de la stratégie à adopter ».
- « Soit. Faites donner l’ordre de se réunir dans la salle du conseil. Et convoquez les derniers capitaines également ».

* * * * *

Andrea fut le premier à arriver dans la salle du conseil. Celle-ci était toujours autant en désordre. Dans cette salle, il y a avait une porte qui menait à un balcon. Andrea s’y aventura. Une fois dehors, il surplombait la grande place sur laquelle il venait de mener la dernière bataille. Celle-ci était étrangement vide. Il n’y avait que les cadavres de ses hommes morts au combat et un tas impressionnant de couleur verte de victimes ennemies. Devant lui s’étendait toute la ville de Rémas. La grande ville tiléenne était certes très puissante économiquement et militairement, mais elle venait de tomber en moins d’une semaine. De la ville, on pouvait entendre le bruit des pillages : bruits de verres cassés, fracas d’objets brisés et cris de survivants infortunés. De la fumée commençait à s’échapper de plusieurs endroits de la ville. Les orcs pillaient mais aussi détruisaient tout sur leur passage. Andrea ne pouvait se résoudre à croire ce spectacle qu’il trouvait irréel.

Soudain la porte s’ouvrit derrière lui. Van Schleigen et Grundak, en grande conversation, entrèrent dans la pièce. Une fois les capitaines arrivés, n’étaient présents à la séance que trois membres permanents du conseil, Hristo, Reinhardt et cinq autres capitaines, dont Aldo Aliforti, capitaine de la garde personnelle de Van Schleigen. Andrea prit la parole.

- « Mes amis. Je tiens d’abord à vous faire part d’une nouvelle importante. Si la porte du rempart a pu être ouverte, c’est suite à un acte de trahison venant de l’intérieur même de nos troupes ».
- « Mais non seigneur Leoni, vous vous trompez. C’est impossible », dit Grundak.
- « Hélas, j’ai vu clairement plusieurs hommes encapuchonnés ouvrir les portes aux fins de faire rentrer les orcs ».
- « Landelieux possède encore des alliés à l’intérieur de cette ville », dit Van Schleigen. « Cela n’a rien d’étonnant qu’ils continuent à le suivre dans la plus horrible des trahisons ».
- « Quoiqu’il en soit, il n’est possible de rentrer dans la citadelle que par la grande porte. Les orcs essayeront d’escalader les flancs de la montagne pour atteindre les terrasses, mais la pente est trop escarpée pour qu’ils puissent les atteindre. Nous avons encore suffisamment de munitions pour tenir quelques jours. Passé ce délai, si nous sommes encore en vie, nous aviserons ».
- « Concernant In-Dûr, je n’ai pas eu de nouvelle de lui depuis l’attaque des orcs », dit Van Schleigen. Même Cromac n’a aucune nouvelle de lui. Je crains que l’aide de la guilde des magiciens ne soit réduite à néant ».
- « Et bien soit, nous ferons sans », dit Andrea. « En tout cas, nous n’avons plus non plus de nouvelles de Quercio et je ne vous cacherai pas que cette nouvelle me remplit de joie. Soit il a quitté la ville, soit il est mort. Les deux solutions me vont à merveille. Concernant la stratégie, je pense que poster les troupes d’élite dans le hall de la citadelle est la solution la plus judicieuse. La garde de Van Schleigen et les guerriers nains de Grundak y stationneront. Quant à ma propre garde personnelle, ce sont tous de fins archers. Je les placerai derrière chaque meurtrières, derrière chaque endroit où tirer sur ces horreurs. Reinhardt vous êtes également concerné ».
- « J’aimerais dire quelques chose », dit Grundak. « Mais avant tout, je souhaite que cette conversation reste entre nous ».
- « Soit, mais pourquoi tout ce mystère ? », questionna Andrea.
- « Mes guerriers nains ont trouvé un ancien passage secret qui rejoint la cité souterraine ».
- « La cité souterraine ? »
- « Oui, les hommes règnent sur les terres de Rémas, les nains sous la terre. Nous avons aménagé de nombreux tunnels. Nous pouvons y accéder de la citadelle et nous pouvons quitter la ville. Certains de ces tunnels débouchent sur la mer, d’autres dans la campagne ».
- « Et pourquoi garder cela secret ? Vous craignez les traitres ? »
- « Non, je crains les lâches. Je n’ai pas envie de combattre aux côtés d’hommes qui ne souhaitent que prendre leurs jambes à leur cou ».
- « Et bien, nous saurons que si la situation est désespérée, nous conservons une solution de repli », conclut Andrea.

Alors que le conseil était en pleins préparatifs pour la défense de la citadelle, une voix se fit entendre au loin. Cette voix appelait Andrea. Tous l’avaient entendue et cherchaient d’où elle venait. Puis vint la solution. Andrea n’avait pas refermé la porte menant à la terrasse. Ils allèrent tous voir qui appelait ainsi le général de Rémas.

* * * * *

Andrea fit preuve de prudence en regardant discrètement au dehors. Il vit un soldat humain sur la place avec un drapeau blanc qui flottait faiblement compte tenu de l’absence de vent. Le signe de la trêve. Les orcs avaient décidé de parlementer.

- « Hristo je vais sortir voir ce que l’on me veut. Toi, ordonne à tous les hommes valides de se poster à un endroit où ils pourront faire feu sur les orcs et en cas de besoin, donne l’ordre de tirer à volonté. Prépare les canons aussi ».
- « Très bien excellence ».

Andrea se risqua à sortir au-dehors. Il fut accompagné de ses fidèles amis : Reinhardt, Grundak et Van Schleigen. L’armée peaux-vertes s’étendait au bas de la terrasse. Elle semblait être au complet. Elle était très calme et toujours autant disciplinée. Bien que pendant un temps les orcs furent très nombreux, ils semblaient avoir perdu une large partie de leurs effectifs. Andrea jugea qu’ils n’étaient plus que cinq mille, pour deux mille défenseurs. La bataille pouvait finalement être gagnée. C’était pour cela que les assiégeants souhaitaient négocier. Ils n’étaient plus suffisamment pour pouvoir arracher la citadelle par la force. Andrea avait envie d’ordonner à ses hommes d’ouvrir le feu, mais il réfréna cette envie, du moins pour le moment. Il souhaitait avant toute autre chose savoir ce que les orcs avaient à lui offrir en échange de sa reddition.
Alors Andrea traversa la terrasse pour arriver à l’extrémité du balcon.

- « Ah, mais qui voilà. Le seigneur Leoni. Le grand général de la glorieuse cité de Rémas ».

Andrea regarda qui s’adressait à lui. Ce n’était autre que Landelieux lui-même. Il se tenait au-devant des troupes à côté du grand orc qui avait mené l’assaut des grands remparts.

- « Vous souhaitiez me parler. Et bien me voilà ».
- « Le jeune garçon que j’ai connu alors qu’il n’était qu’un élève à l’école militaire a accompli beaucoup de chemin depuis mon départ forcé ».
- « Est-ce pour me féliciter de mes promotions successives que vous me faites sortir ? Venez en aux faits je vous prie ».
- « Soit. Je crois que la situation est inextricable pour vous et vos hommes ».
- « C’est vous qui le dites. Je vois surtout que malgré vos effectifs vous avez mis très longtemps avant de prendre cette partie de la ville ».
- « Je vais me montrer magnanime et laisser une porte de sortie à vous et vos hommes. Déposez les armes, sortez et il ne vous sera fait aucun mal ».
- « Et pourquoi devrait-on vous faire confiance. Vous nous avez trahis déjà deux fois. Permettez-nous de douter de la valeur de votre parole ».
- « Je crains que, compte tenu de la situation, je n’aie aucune garantie à vous offrir, hormis ma simple parole ».
- « Désolé, mais cela est clairement insuffisant. Et d’ailleurs, depuis quand l’homme pactise-t-il avec l’orc. Vous vous êtes associé avec ces monstres pour détruire la ville qui vous avait accueilli alors que personne ne voulait de vous ».
- « Elle m’a aussi chassé comme un malpropre à la première occasion. Compte tenu des services que je lui ai rendus, j’estime que j’aurais dû avoir droit à un peu de clémence de la part de Galliani. J’étais promis à un bel avenir dans la hiérarchie de cette ville. Je viens reprendre ce qui m’appartient».
- « Et quel est votre arrangement? Quand les orcs auront pillé la ville, vous pourrez vous y installer et en prendre le contrôle ? »
- « C’est à peu près cela. La prise d’une telle ville apportera une réputation sans pareille à mon allié, le seigneur Urluk mâche crâne. Il prendra tout ce qu’il voudra et puis il s’en ira. Je prendrai alors les rênes de la ville ».
- « Et vous vous fiez à la parole d’un orc. Il détruira cette ville, vous tuera et ne laissera qu’un amas de cendres ».
- « C’est là que vous vous trompez mon ami. Les orcs n’ont que faire d’une ville. Rémas ne représente qu’un coffre-fort pour eux. Après l’avoir vidé, ils s’en iront et je pourrai garder le coffre. Mais c’était sans compter sur votre ténacité mon cher. Je crains que vous n’ayez trop appris à mon contact. Je pensais que la ville serait prise plus aisément. Après tout j’ai participé activement à l’élaboration de ses défenses ces dernières années ».
- « Votre arrogance sera votre perte. Préparez-vous à un long siège, car nous ne nous rendrons jamais ».
- « Quelle folie. Vous sacrifiez vos amis, sans même les consulter. Je suis sûr que parmi eux certains me font confiance lorsque je leur garantis que leur vie sera sauve ».
- « Ce n’est pas parce que vous avez accepté de collaborer avec un orc que mes hommes accepteront de le faire. Nous préférons mourir plutôt que de laisser la ville entre vos mains ».
- « Ecoutez-moi Andrea, si vous vous rendez tous, une fois que je serai au pouvoir, j’accepterai volontiers tous ces hommes dans ma ville. Après tout, ils se sont battus courageusement et j’aurai besoin de soldats de leur trempe. La population que vous avez envoyée en exil pourra, elle aussi, revenir ».

Andrea savait qu’il était un moins bon orateur que Landelieux et il craignait de perdre ce concours d’éloquence comme il l’avait fait avec Da Lucci, avec les conséquences qui s’en étaient suivies. Il fallait abréger au plus vite cette conversation qui, dès le début, n’avait aucune chance d’aboutir à un compromis. Il reprit la parole.

- « Je crois qu’il ne sera pas possible de nous entendre. Les habitants de Rémas sont des gens valeureux et dignes de confiance, jamais ils n’accepteront de vous rejoindre ».
- « Permettez-moi de vous contredire, mais je crois que vous faites là une grave erreur. Certains d’entre eux m’ont déjà rejoint ».

Alors Landelieux se retourna et fit un signe aux personnes situées derrière lui, leur demandant d’approcher. Un homme sortit des rangs. Un homme gros, habillé comme seul l’élite de Rémas pouvait se le permettre : Quercio. La mystérieuse ouverture des portes de la ville trouva son explication. Quercio avait intrigué pour détruire Rémas de l’intérieur. A la révélation de cette défection, il donna des ordres à Reinhardt de trouver et d’arrêter tous les proches du riche commerçant.

- « Vous voyez Andrea, j’ai déjà acquis à ma cause l’un des membres du conseil. Ouvrez les yeux et faites donc comme le seigneur Quercio ».
- « Il a raison Leoni. Il m’a ouvert les yeux. Rémas était de plus en plus décadente. Galliani était un incompétent qui la conduisait chaque jour un peu plus à sa perte. Profitons de cette aubaine pour repartir de zéro et rebâtir une ville sur des bases saines ».
- « Sale traître », grommela Andrea entre ses dents. « Fallait-il pour cela détruire entièrement la ville et sacrifier sa population ? »
- « Il n’est possible de recommencer une vie qu’avec des bonnes personnes. Je suis l’un de ces élus, le seigneur Landelieux en est un également. Ce que je demande désormais c’est : en êtes-vous un ? Êtes-vous digne de vivre dans la nouvelle Rémas. Si tel est le cas, vous sortirez de cette citadelle, déposerez les armes et ferez allégeance à votre nouveau chef ».
- « Je crois, seigneur Quercio, que nous ne pouvons pas nous entendre. J’ai juré, lorsque j’ai rejoint l’armée de Rémas, de la servir et de ne jamais la trahir. Je ne briserai pas ce serment contre de fausses promesses faites par un soit disant libérateur ».
- « Si telle est votre position Andrea, je n’y contreviendrai pas. Mais permettez moi d’essayer de vous convaincre encore une fois ».

Devant le refus obstiné d’Andrea, Landelieux entreprit de changer de stratégie. Il fit venir devant lui un groupe d’une vingtaine de prisonniers. Ils avaient été capturés alors qu’ils se repliaient sur la citadelle. Et parmi les prisonniers, Andrea reconnut son père. Il avait la tête baissée. Il espérait que Landelieux ignorait le lien de parenté qui l’unissait à ce prisonnier bien particulier. Il s’adressa à Aliforti.

- « Capitaine, pouvez-vous faire venir mon frère, il est le nouveau musicien de votre régiment ».
- « Ah, j’ignorais que Lalin était votre frère. Il n’est pas loin, je vais le chercher de ce pas ».

Et effectivement, quelques instants après, Lalin arriva sur le balcon.

- « Courage, mon frère, mais notre père est aux mains des orcs ».

Lalin se pencha et observa la scène. L’armée orc s’étendait sur une bonne partie de la place, le reste étant à l’abri dans la ville. Au centre, il y a avait l’état-major orc, Landelieux et ses chevaliers, Quercio et les prisonniers, ainsi qu’un petit groupe d’hommes ayant déjà rejoint l’ennemi. Lalin ne dit rien à la vue de ce spectacle. Il avait le regard vide. Depuis que leur mère était morte, Giacomo, leur père, était tout ce qui leur restait comme famille. Et à ce moment il y avait de grandes chances pour qu’il soit exécuté sous leurs yeux.

- « Alors Andrea. Je suppose que je n’ai pas besoin de vous exposer la situation. Soit vous sortez, soit ils meurent ».
- « Ecoutez-le Andrea. Ne sacrifiez pas inutilement la vie de ces hommes. En particulier, celle de votre père ».

Cette phrase de Quercio fut comme un coup de poignard dans le cœur d’Andrea. Ils connaissaient avec exactitude qui était leur otage. Il était dans une situation inextricable. Même s’il n’avait que très peu fréquenté son père, il ne pouvait se résoudre à le sacrifier de la sorte. Mais s’il le laissait se faire exécuter, ce serait un déchirement pour Lalin, qui était resté très proche de Giacomo.

- « Andrea qu’allons nous faire ? »
- « Je dois avouer que je n’en sais rien. Je crois que quoi que nous fassions père sera condamné ».
- « En es-tu sûr ? »
- « Malheureusement oui ».
- « Alors ne te rends pas. Il faudra résister jusqu’au bout en sa mémoire ».
- « Très bien. Landelieux ! Vous pouvez vous livrer à cet odieux chantage si vous le souhaitez, mais nous ne nous rendrons pas ».
- « Il est fort dommage dans des moments difficiles de se retrouver orphelin de père. Urluk, vous savez ce que vous avez à faire ».

Le grand chef orc prit sa hache à deux mains. Elle devait mesurer près de un mètre quatre-vingts, mais il n’avait aucun mal à la soulever. Un orc saisit par le col Giacomo et le fit venir à son chef. Il le força à s’agenouiller. Andrea regardait la scène impuissant. Il allait assister à la mort de son père et il n’y avait rien qu’il puisse faire. Il ressentait un poids sur ses épaules, l’empêchant de raisonner et de prendre la plus petite décision. Ce fut le bruit d’une flèche tirée près de lui qui le fit revenir à la réalité. Le trait partit dans la foule en contrebas, puis fit mouche.

- « A moi, je suis touché ! Ils m’ont tiré dessus ! Ces chiens m’ont tiré dessus ! Je saigne ! »

La flèche avait atteint Quercio en plein ventre. Il hurlait tellement qu’il jeta le trouble dans les rangs des orcs. Andrea se retourna pour voir qui avait tiré. C’était Hristo. Il fit un clin d’œil à Andrea.

- « Voilà au moins un traître en moins ».

Andrea sentit son cœur se regonfler.

- « Feu à volonté ! »

Tous les archers tirèrent sur les orcs. Des centaines de flèches se plantèrent sur les assiégeants. La panique se répandit dans leurs rangs. Les prisonniers échappèrent à la vigilance de leurs geôliers et en profitèrent pour fuir, y compris Giacomo.

- « Ne les laissez pas s’échapper, tuez- les », dit Landelieux.

Quelques archers orcs essayèrent de les atteindre, mais c’étaient de piètres tireurs, si bien qu’une quinzaine arriva à atteindre les portes de la citadelle, dont le père d’Andrea. Celles-ci s’ouvrirent pour les faire rentrer.

* * * * *

Devant cette riposte de la citadelle, les orcs ne purent réfréner leurs instincts les plus primitifs et attaquèrent la citadelle dans le désordre le plus total. La porte se referma à temps pour empêcher tout orc de pénétrer dans la citadelle. Les tirs étaient nourris et les canons bombardèrent la place. Landelieux et ses hommes étaient allés se mettre à l’abri. Quercio fut emmené à l’écart par ses serviteurs.

Les orcs, fous de rage, frappèrent avec tout ce qu’ils possédaient sur la porte pour l’enfoncer. Andrea, toujours sur le balcon vit un nouveau troll s’avancer. Il fit signe à l’une des pièces d’artillerie, située juste au-dessus de lui, de le prendre pour cible. Le maître artilleur montra qu’il avait compris l’ordre, d’un petit signe de tête. Le boulet fut tiré, mais il manqua sa cible. Les canonniers s’activèrent pour recharger leur pièce d’artillerie. Moins d’une minute après, ils refirent feu sur la créature qui continuait d’avancer. Là, ils ne le manquèrent pas. Le troll prit le boulet en pleine poitrine. Il s’écroula au sol, tué net.

Les peaux-vertes n’arrivaient pas à franchir la porte. Cependant, cela n’eut pas pour effet de les décourager. Les gobelins commençaient à escalader les flancs de la montagne. Andrea pensait que ceux-ci étaient trop abrupts pour que ses ennemis puissent les franchir. Mais c’était faire fi des capacités des gobelins. Ces petits êtres vicieux étaient de véritables montagnards. D’ailleurs la montagne était leur environnement naturel. Ils commencèrent à se rapprocher de la première plateforme de tir. Une vingtaine d‘hommes étaient en poste à cet endroit. Ils purent repousser temporairement les assaillants, profitant du fait qu’ils avaient une position surélevée. Mais le poids du nombre était tel qu’ils réussirent à prendre pied sur la terrasse. Un combat au corps à corps s’engagea. Andrea avait vu le danger qu’encouraient ses hommes. Il se tourna vers ses capitaines.

- « Lequel de vous se porte volontaire pour aller renforcer nos troupes en difficulté ? »
- « Moi j’irai », dit Van Schleigen. « Je ne suis resté que trop longtemps en retrait. Aldo, Lalin, préparez les hommes, nous allons chasser ces horreurs de notre citadelle ».

Ils partirent tous les trois accomplir leur mission. Andrea remarqua que les tirs se faisaient de moins en moins nourris. En dépit des mesures prises, il devait se rendre à l’évidence, il manquait de munitions. Puis l’atmosphère se fit lourde. Une étrange sensation se répandit dans tout son corps. Cette sensation fut partagée par toutes les personnes qui l’entouraient. La magie était à l’œuvre en ce moment même. Et sans prévenir, la tête de l’un de ses capitaines explosa. Ils furent tous couverts de sang. La disparition de In-Dûr avait permis aux chamans de reprendre le dessus dans le domaine de la magie. Mais à peine le sort avait été lancé que Cromac arriva sur la terrasse, hagard.

- « Mon seigneur, je sais que j’ai fait vœu de ne plus recourir aux anciens sorts, mais si je ne contre pas leurs sorciers, nous mourrons tous ».

Andrea regarda le corps sans tête de son capitaine qui gisait à moins d’un mètre de lui.

- « C’est d’accord, Cromac. Aux grands maux, les grands remèdes ».

Alors le nécromancien entonna des formules qu’ils n’avaient pas pratiquées depuis plusieurs années. La sensation dérangeante qui avait envahi Andrea s’estompa. Il se risqua à regarder en bas. Il vit le chaman qui venait de tuer son officier. Les orcs avaient fait place nette autour de lui. Il ressemblait à un îlot noyé dans un océan. Puis, il le vit lorsque Cromac le toucha avec de son sort. Les cheveux de l’orc devinrent blancs. Ce qui s’ensuivit, Andrea ne put le voir, étant trop loin, mais la peau de l’orc commença à se flétrir, puis il commença à diminuer en volume. Sa chair tomba de ses os et pour finir, il ne devint qu’un petit tas de cendres. Les nécromanciens avaient une réputation de maître dans l’art de donner la mort et Cromac venait de la confirmer.

Andrea surveillait la terrasse où les gobelins avaient pris pied. Bientôt les hommes de Van Schleigen rentreraient en action et parmi eux Lalin. Il aurait préféré que son frère n’aille pas se battre, mais le trésorier l’avait entraîné dans ce combat sans qu’il ne puisse s’y opposer. Il s’inquiétait d’autant plus, qu’il venait tout juste de sauver la vie de son père, promis à une mort certaine et voir mourir son frère dans une telle situation, serait proprement insupportable. Puis il vit la porte menant à la petite terrasse s’ouvrir. Van Schleigen entra le premier. Il menait ses hommes contre les gobelins avec une fougue qu’Andrea n’aurait pu imaginer. Ses hommes étaient tous de solides hallebardiers vêtus d’armure d’or. Ils étaient à son service depuis des années, mais Andrea n’avait pas le souvenir de les avoir vus se battre. Cependant, leur réputation les précédait. Van Schleigen était l’homme le plus riche de Rémas si bien qu’il était le plus à même de s’offrir la protection des meilleurs guerriers de la ville.
Lorsqu’ils chargèrent ,les gobelins furent piétinés. Ils ne s’attendaient pas à la venue de l’élite de Rémas. Les défenseurs exténués se replièrent, laissant la place aux renforts. Les agresseurs, pris de panique, s’enfuirent de la terrasse, sautant dans le vide, droit vers une mort certaine. La renommée qu’ils s’étaient façonnée au cours des dernières années n’était en rien exagérée. Ils venaient de rejeter de la montagne une bonne trentaine de gobelins.

Mais ce n’était pas pour autant que les orcs avaient cessé d’attaquer la citadelle. Ils continuaient d’enfoncer la porte principale qui pour le moment résistait. Certains se risquaient à escalader eux aussi la montagne avec moins de succès que les gobelins. Ces derniers avaient atteint l’un des canons, provoquant la fuite de ses servants. Mais le plus dramatique était que les tirs d’arbalètes se faisaient extrêmement rares. Les réserves s’étaient épuisées et chaque tireur ne faisait feu que s’il était sûr de faire mouche. Cela signifiait également une autre chose. Si Andrea voulait en finir avec les orcs, il devrait alors les vaincre dans un combat au corps à corps.

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welling
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MessageSujet: Re: Histoires de Rémas   Histoires de Rémas Icon_minitimeLun 20 Déc 2010 - 22:05

Le retour du fils prodigue

L’armée sortit de la forêt. Elle faisait face à Rémas qui se dressait au loin à moins d’un kilomètre. La troupe avançait doucement pour ne pas éveiller l’attention des orcs restés en retrait. De l’extérieur, la ville de Rémas paraissait désolante. Elle brûlait et une odeur fétide de cadavres en décomposition s’en dégageait fortement. Devant les murs, il y avait les pièces d’artillerie des peaux-vertes qui avaient servi à bombarder la ville. Les cadavres d’orcs, d’hommes, de chevaux et de quelques nains étaient demeurés là, sans recevoir la moindre sépulture. Les spectateurs de ce triste spectacle ne s’attendaient pas à ce que les morts soient traités dignement par ces créatures sanguinaires. L’arrière-garde n’était composée que d’une centaine d’orcs qui avait pour tâche de veiller à la protection des catapultes. Les autres étaient entrés dans la ville pour se livrer aux pillages et continuer la prise de la ville.

- « La ville est en flammes. J’espère que nous n’arrivons pas trop tard ».
- « J’en doute. Cela fait à peine deux jours que nous avons été défaits devant les murs et que moi et mes cavaliers avons dû battre en retraite », dit Alberto. « Les orcs n’ont pas pu prendre la ville en aussi peu de temps ».
- « Sachez, jeune Alberto, que par ma grande expérience de la guerre, j’ai pu en tirer la conclusion suivante : ne jamais sous-estimer la brutalité des orcs. Ils sont vils et la moindre perspective de pillage les attire comme une abeille sur du miel ».
- « Qu’allons nous faire ? »
- « L’infanterie s’est déplacée à marche forcée depuis que nous nous sommes rencontrés. Deux jours sans s’arrêter ont considérablement fatigué mes piquiers. Impossible de les faire charger à travers la plaine. Ils n’auraient pas la force de combattre ».
- « La cavalerie alors ? »
- « Exactement. Mes cavaliers vont contourner les troupes orcs pour pouvoir charger leurs machines de guerre de dos. Si tout se passe comme prévu, nous pourrons les détruire en une charge, ensuite la cavalerie manœuvrera pour se replier sur l’infanterie. Avec de la chance, ils viendront nous affronter au corps à corps et s’empaleront sur nos piques. Mille soldats devraient pouvoir leur donner du fil à retordre et avec une attaque combinée des troupes à l’intérieur, nous les prendrons entre l’enclume et le marteau pour pouvoir les détruire ».
- « Et pour moi », questionna Alberto qui espérait prendre part à l’assaut.
- « De combien de cavaliers disposez-vous ? »
- « J’ai près de soixante-dix cavaliers, tous légèrement équipés. En tout cas, rien de comparable avec votre cavalerie lourde ».
- « Vous laisserez mes propres chevaliers charger en premier. Cependant, je veux que vous protégiez leurs flancs une fois l’ennemi engagé et que vous empêchiez la moindre peau-verte de s’échapper. Mais s’ils se retirent dans l’enceinte de la ville, laissez -les filer. Les poursuivre serait une erreur ».
- « Vous pouvez compter sur moi ».
- « Cependant… ».
- « Qu’y a-t-il excellence ? »
- « Cependant, j’hésite à donner l’assaut ».
- « Mais pourquoi ? La ville est attaquée, elle a plus que jamais besoin de renforts ».
- « En a-t-elle vraiment besoin ? Je veux dire par là qu’elle est peut être déjà toute entière aux mains des orcs et qu’il n’y a plus personne à sauver. Sa population est déjà probablement en fuite ou tuée. Je ne souhaite pas sacrifier inutilement d’autres vies ».
- « Je suis sûr que le seigneur Leoni est toujours en vie et qu’il continue le combat quelque part dans cette ville. Seule la mort pourrait le stopper. Cela devrait en être de même pour vous. Depuis que le conseil vous a réhabilité après votre exil, vous avez juré de la défendre à n’importe quel prix si elle faisait appel à vous. Et bien aujourd’hui Rémas vous appelle. Aurez-vous le courage de tenir votre serment ».
- « Sachez que ce n’est pas une question de courage qui me dissuade de donner l’ordre d’attaquer, mais tout simplement une question de bon sens. Cependant, vous avez raison sur un point. J’ai juré de défendre cette ville quoi qu’il m’en coûte et je tiendrai mon engagement ».
- « D’autant plus que tout espoir n’est pas perdu », fit une voix derrière eux.

Alberto et le général se retournèrent. Il s’agissait d’Elyos, l’elfe, celui-là même qui avait fuit la veille au soir dans un bateau à destination de Tobaro.

- « Elyos ? Mais que faites-vous là ? », demanda Alberto.
- « Hier soir, j’ai fui comme un lâche au lieu de défendre cette ville. Mais je me suis ravisé. J’ai donc rejoint à la nage la terre aux fins de continuer le combat. J’allais rentrer dans la ville pour profiter de ma connaissance de celle-ci pour tendre des embuscades aux orcs quand je vous ai vu arriver. Et je veux me joindre à vous.
Quoiqu’il en soit, je suis agréablement surpris de voir que les renforts qui nous parviennent, sont apportés par le plus illustre de nos héros, seigneur Ricco ».
- « Lorsque nous avons été avertis de cette attaque, nous avons traversé la moitié de l’Empire pour venir vous prêter main forte. Tout ce que j’espère en ce moment, c’est que nous n’arrivons pas trop tard », dit Ricco.
- « Soyez tranquille mon seigneur, je vous apporte des nouvelles de l’intérieur. J’ai pu profiter de la confusion pour m’infiltrer dans Rémas. Les populations civiles sont toutes en route pour Tobaro. L’armée est toujours en train de livrer bataille. Le maréchal Leoni a rassemblé deux mille hommes dans la citadelle. Les orcs tentent de la prendre par la force, mais ils se heurtent à une défense acharnée. Les défenseurs tiennent pour le moment, mais cela ne sera pas infini. Si vous devez agir, faites-le maintenant ».
- « Soit cela va être fait. Mais avant que je lance mes hommes dans la bataille, connaissez-vous les effectifs des orcs ? »
- « Je dirais qu’il reste encore au moins cinq mille peaux-vertes. A cela il faut ajouter une bonne cinquantaine d’humains ».
- « Des hommes ? »
- « Oui. C’est l’ancien général de Rémas, Jean Landelieux, qui a préparé cette attaque. Il a été banni de la ville il y a quelques mois et il revient se venger. Il possède une trentaine de chevaliers. A cela il faudra ajouter les fidèles de Brigato Quercio, le membre du conseil, lui aussi traître à Rémas ».
- « Décidément, Rémas est bien seul en ces jours sombres. Maintenant l’homme intrigue contre son frère. Cette race devient de plus en plus décadente ».

Le jeune Alberto venait d’apprendre en même temps que Ricco , les tristes nouvelles d’Elyos. Il était abasourdi. Il fut pris d’une rage incommensurable. Il n’y tenait plus. Il fallait qu’il monte sur Argo et qu’il aille demander et obtenir vengeance.

- « Seigneur Ricco, puis-je mener la charge de cavalerie ? »
- « Je suis désolé mon jeune ami, mais seul mon capitaine et bras droit, mènera la Garde Républicaine montée au combat. Cependant, je vous laisse tout loisir de commander à vos propres hommes, du moment que vous vous en teniez au plan que nous avons fixé ».
- « Fort bien, excellence ».
- « Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, je souhaiterais me joindre à votre infanterie », demanda Elyos.
- « C’est une grande nouvelle que de disposer des yeux perçants d’un elfe. Ce ne serait que folie de se priver d’un tel atout. Je ne dispose pas de troupe de tirs et un archer elfe vaut bien trois arquebusiers. De plus, l’un de mes capitaines vient de mourir de fièvres en chemin. Je vous donne son commandement si vous vous en sentez capable ».
- « Ce sera un honneur excellence ».
- « Très bien. Vous prendrez le commandement du flanc droit. Et souvenez-vous que vous n’aurez que trois cents hommes sous vos ordres. Ne prenez pas de décision à la légère ».
- « Bien entendu excellence ».
- « Sur ce, Alberto, allez rejoindre vos hommes. Il est temps d’aller à la guerre ».

* * * * *

Alberto alla rejoindre ses hommes qui patientaient en silence aux côtés des chevaliers de Ricco. Il alla communiquer le plan au capitaine de la Garde Républicaine montée. C’était un grand tiléen avec le teint mat, signe qu’il venait de la partie méridionale du pays. Puis, il se mit en retrait avec ses hommes pour ne pas gêner la course de la cavalerie lourde.

Le capitaine leva son bras au loin, Ricco fit de même. Lorsque ce dernier l’abaissa, son capitaine se mit en avant. Les chevaux portaient de lourdes armures, si bien qu’il leur fallait quelque temps pour se mettre à galoper réellement. Ils trottèrent d’abord. Alberto les laissa prendre de l’avance : soixante-dix cavaliers légers étaient beaucoup plus maniables et rapides que cent chevaliers en armures lourdes. Mais une fois au grand galop, Alberto avait l’impression que ses alliés ne pouvaient pas être arrêtés. Il se rappelait du bruit qu’avaient produit les orcs lorsqu’ils avaient chargé les piquiers devant les murs de Rémas. Il était assourdissant. Mais ce n’était rien comparé au son que produisait la cavalerie lourde.

Alberto divisa ses troupes en deux moitiés, chacune allant sur chaque flanc. Il se trouvait à gauche et vit sa première cible : une baliste gobeline. Dans la froideur du petit matin, la brume avait pu les masquer et le son des combats couvrir leur bruit. Mais maintenant ils étaient repérés et il voyait au loin les orcs et les gobelins s’affairer pour recevoir leur charge. Ils se mettaient en position défensive, protégeant les machines de guerre. Puis vint l’impact. La cavalerie lourde ne fit que traverser les lignes ennemies. Elle ne fut aucunement ralentie par cette faible résistance. A hauteur des machines de siège, les chevaliers frappèrent dessus avec leur épée espérant les endommager. Ces fabrications grossières ne résistèrent pas aux assauts des tiléens et nombre d’entre elles s’écroulèrent sur elles-mêmes. Alberto et ses hommes, moins lourdement armées, n’eurent pas le même impact. Les orcs les ralentirent fortement, même si lui et ses cavaliers arrivèrent tout de même à leur objectif. Il frappa de son épée la baliste détruisant son mécanisme de mise à feu, la réduisant au silence à tout jamais. Toute la ligne de cavalerie avait finalement atteint son objectif et commençait à se replier vers les piquiers. Les quelques peaux-vertes qui avaient réussi à échapper à la charge fuyaient vers la ville en quête de renforts.

Ricco continuait de faire marcher ses hommes. Il leur donnait des ordres par de grands signes de bras. Elyos reçut l’ordre de se diriger vers la porte Di Santo et d’empêcher des renforts de sortir par celle-ci. Il fit de même avec la porte San Lorenzo, détachant un autre contingent d’une force égale à celle d’Elyos. Alberto vint pendre de nouveaux ordres.

- « C’est très bien. Tu es le digne fils de Camacho. Maintenant, tiens-toi en retrait et contre-charge les orcs qui nous engageront au corps à corps et fais attention, ils ont l’avantage des remparts désormais. Il faut espérer que Leoni tentera une sortie et sèmera le désordre dans leurs lignes arrières, sinon, s’en est fini de nous ».
- « Très bien excellence ».

Elyos et son armée arrivèrent à la porte Di Santo. Tout en s’en approchant, ils s’attendaient à voir surgir les orcs de celle-ci ou à être criblés de flèches depuis les murs. Mais rien ne se fit. Ils progressèrent sans rencontrer la moindre résistance. Ils fixèrent tous l’encadrement de la porte, éclairée par un incendie, guettant l’arrivée certaine des peaux-vertes. Ils pressèrent le pas, profitant de l’absence de résistance pour prendre le contrôle de la porte.

Lorsqu’ils arrivèrent à moins de cent mètres de la porte, Elyos vit un orc en sortir. Il regardait derrière lui, grognant et donnant des ordres aux guerriers qui le suivaient. Un bruit de dispute émanait des nouveaux arrivants. Le capitaine orc avait de grandes difficultés à discipliner ses soldats si bien qu’il ne vit pas Elyos et les gardes républicains qui se dirigeaient vers lui. Lorsqu’il se retourna pour conduire ses hommes à l’extérieur de la ville, il se figea sur place en se trouvant face à un elfe et à plusieurs centaines d’humains qu’il ne pensait pas voir là. Avant qu’il n’ait eu le temps de faire quoi que ce soit, Elyos lui décocha une flèche qui vint le frapper en plein front, le tuant instantanément. Les orcs, privés de leur chef, ne savaient plus quoi faire. Elyos, quant à lui, n’hésita pas et fit charger ses troupes. Il tira son épée et cria :

- « Pour Rémas !! »

La distance de charge était relativement courte et ils arrivèrent en à peine quelques instants au contact des orcs. Ces derniers étaient encore sous la porte Di Santo lorsqu’ils reçurent la charge. L’étroitesse du front fit qu’ils ne purent se défendre, étant trop nombreux et trop serrés pour pouvoir manier leurs armes correctement. Les piques des gardes républicains se montrèrent, quant à elles, particulièrement efficaces. L’impact de la charge bouscula les orcs et les piques les transpercèrent. La rage des gardes républicains était à son paroxysme du fait du saccage de leur ville bien aimée. Les orcs n’opposèrent presque aucune résistance et bien qu’ils fussent beaucoup plus nombreux qu’Elyos et ses hommes, ils battirent en retraite se repliant dans la ville.

Les soldats de Rémas commençaient à poursuivre les fuyards dans les rues, mais malgré cette victoire, ils étaient bien moins nombreux que les peaux-vertes. Afin d’éviter que ses hommes ne se dispersent, Elyos ordonna le rassemblement de ses troupes autour de la porte et refusa de se lancer à leur poursuite. Il ordonna à quelques cavaliers d’Alberto qui les avaient suivis de mettre pied à terre, de prendre leurs arcs et de se positionner sur le grand rempart. Elyos avait réussi à établir une véritable tête de pont dans la ville, qu’il avait solidement ancrée. Mais sans renforts, il ne tiendrait pas cette position très longtemps.

Ricco continuait d’avancer avec le gros des troupes vers la grande porte. Celle-ci était grande ouverte. La porte en elle-même avait été enfoncée et des morceaux et des débris jonchaient le sol. Là non plus il n’y avait pas encore d’orcs. Ricco fit presser le pas pour prendre position le plus vite possible. Mais plus il approchait et plus les alentours de la porte s’assombrissaient, pour finir par être dans l’obscurité totale. Alors que le matin venait à peine de se lever, la nuit retombait déjà. Une nuit située localement car Ricco se retourna et vit que derrière lui le soleil n’avait pas cessé de se lever.

- « Au diable ces maudits chamans », pensa-t-il. « Préparez-vous, ils arrivent ».

Les orcs couvrirent leur approche par la magie. Même si du fait de l’obscurité, les orcs n’étaient pas encore visibles, il ne faisait aucun doute qu’ils étaient déjà là. Des yeux rouges apparaissaient dans le noir, telles de petites lanternes qui s’allumaient. Quelques hululements et des grognements parvenaient aux oreilles des hommes de Ricco. Ils étaient inquiets mais nullement effrayés. Ricco jeta un dernier regard sur ses troupes contournant la ville. Elyos avait disparu de son champ de vision. Les hommes du flanc gauche continuaient leur manœuvre d’encerclement et s’apprêtaient à prendre possession de la porte San Lorenzo. Puis il regarda de nouveau la grande porte. Les petits yeux rouges étaient de plus en plus nombreux. Il fit stopper ses hommes et leur ordonna de se mettre en position défensive. Sa cavalerie lourde se mit en retrait sur un flanc prête à contre- charger. Il y avait maintenant moins de trente mètres entre Ricco et la grande porte.

Puis un cri de guerre se fit entendre et les orcs se jetèrent sur la Garde Républicaine. La charge fut absorbée facilement par les piquiers qui étaient rompus à ce type de combat. Les orcs étaient en grande supériorité numérique, mais Ricco manœuvrait ses troupes de sorte qu’elles ne se fassent pas déborder. Raschik, le second d’Urluk, commandait à distance ses guerriers. Il était resté à l’entrée de la porte et forçait les gobelins les plus réticents à venir se battre. Ricco l’avait identifié comme le chef de guerre, mais il ne pouvait pas l’engager en duel, étant lui-même aux prises avec un orc des plus costauds. Il essayait de frapper le général tiléen avec sa grande hache. Fort heureusement, il était assez lent et Ricco put esquiver ses attaques. Un piquier perça le ventre de la créature. Il se débattit si violemment que la pointe de l’arme se brisa dans la plaie. Il fit un pas en arrière mais Ricco avait profité de l’occasion pour attaquer et lui planta son épée dans la poitrine.

La charge avait certes était absorbée, mais le poids du nombre commençait à faire son office, tout comme cela avait été le cas lorsqu’ Andrea avait affronté les peaux-vertes lors de ces derniers jours. Il vit l’un de ses soldats recevoir une lance en plein ventre et s’effondrer dans une mare de sang, un autre recevoir un coup de poing et s’écrouler au sol, assommé. Les gobelins tentaient de se glisser entre leurs jambes. Les gardes républicains tentaient par tous les moyens de les empêcher de se faufiler au cœur de leurs lignes de défense. Ricco commençait à souffrir et il espérait être relevé.

Puis il entendit des cris au loin. Des cris de peur. Il se retira de la mêlée et regarda autour de lui. Ces cris venaient des soldats envoyés prendre la porte San Lorenzo. Ils quittaient la ville de manière complètement désordonnée. Ricco comprit vite ce qui était la cause de leur frayeur. La dernière vouivre était tapie dans les entrailles de la ville. Elle venait de s’éveiller et poursuivait les intrus qui avaient osé s’aventurer trop près d’elle. La vouivre venait de passer au-dessus du mur suivie par un grand groupe d’orcs qui surgit de la porte à la poursuite de leurs futures victimes. La créature ailée allait bien plus vite qu’un humain en armure et fut sur les hommes de Ricco en un instant. D’une patte, elle saisit l’un d’eux avant de le relâcher après avoir pris de l’altitude. Sa longue queue traînait par terre, fauchant les hommes se trouvant dans son sillage. Les malheureux qui se retrouvaient à terre étaient ensuite la proie des orcs qui s’étaient lancés à leurs trousses.

La situation allait de plus en plus mal pour Ricco. Son centre allait céder sous le poids du nombre. Son flanc gauche venait de s’enfuir. Et son flanc droit était introuvable. Il ne lui restait que la Garde Républicaine montée comme troupe de réserve.

* * * * *

Andrea était préoccupé. Il venait d’apprendre que ses hommes avaient utilisé leurs derniers projectiles. Toutes les flèches avaient été tirées et les canons s’étaient tus. Il avait mis suffisamment d’hommes pour couvrir les terrasses que les orcs avaient essayé d’investir sans succès. Le reste des troupes était stationné dans le hall de la citadelle attendant aux rythmes des coups de bélier que les peaux-vertes entrent. Il régnait un silence de mort. Seul le son de la flûte de Lalin venait rompre ce silence pesant, par une mélodie douce qui rappelait à Andrea son enfance perdue. Il se sentait apaisé pour la première fois depuis des semaines. Tellement apaisé même qu’il en avait oublié le sort de son propre père. Il se mit en quête de le retrouver. Cromac l’avertit qu’il avait été conduit à l’infirmerie depuis son évasion.

Andrea se rendit dans une pièce qui servait usuellement de salle des archives, où les blessés avaient été entreposés. Son père était étendu sur un lit. Andrea vit qu’il avait une plaie sur le flanc.

- « Ah, mon fils, viens vers moi ».
- « Que t’est-il arrivé ? »
- « Une flèche gobeline m’a atteint durant ma fuite ».

Andrea reconnu la même tâche violacée qu’il avait vu sur le coup de Galliani.

- « Il paraîtrait que je suis condamné. Personne n’a le savoir pour soigner de telles blessures ici ».
- « Je le sais. J’ai déjà vu l’un de mes amis mourir de la sorte et maintenant je vais voir mon père subir le même sort ».
- « C’est là que tu fais erreur mon fils. Je ne veux pas que tu te soucies de moi pour le moment. Tu as une guerre à gagner. Va rejoindre tes hommes et extermine ces horreurs jusqu’au dernier. Pour moi ».
- « Soit. Il en sera ainsi, je t’en fais le serment ».

Andrea retourna auprès de ses hommes. Mais il vit deux petits hommes venir à sa rencontre. Il s’agissait de Grundak et Gundaf.

- « Seigneur Leoni. J’ai une grande nouvelle pour vous », dit Grundak. « On m’informe à l’instant que les guetteurs que j’ai placés dans les tunnels ont vu une armée venir ici ».
- « Une armée ? Quelle armée ? »
- « Des humains ».
- « Des renforts de Landelieux et de Quercio ? »
- « J’en doute. Ils sont commandés par le seigneur Ricco ».
- « Que dites-vous ? J’ai peine à le croire. Le plus illustre de nos concitoyens s’en revient nous prêter main forte ? »
- « Il le semblerait. Mais ce n’est pas tout, il est à la tête d’un millier de fantassins et d’une centaine de chevaliers, lourdement armés. Et Alberto est avec lui ».
- « Le ciel soit loué. Mais cela est trop peu pour briser le siège ».
- « En effet, mais je propose qu’au moment où Ricco passera à l’action, que nous tentions une sortie. Les orcs seront pris sur deux fronts, cela rééquilibrera le combat ».
- « Lumineuse idée, seigneur Grundak. Je fais donner l’ordre de se préparer à une sortie. Tenez-vous prêts également, nous y allons tous ».

L’assaut futur venait d’être annoncé. Les hommes venaient de reprendre espoir en apprenant le retour de Ricco. Les orcs continuaient de taper sur la porte pour la forcer. Les piquiers étaient tous parfaitement alignés et se tenaient prêts à l’ouverture des portes. Un cor se fit entendre au loin. Les coups de béliers s’arrêtèrent et quelques instants après, un homme arriva.

- « Seigneur Leoni, je m’en viens du poste d’observation. Les orcs se replient vers la grande muraille. Ils cessent de nous attaquer ».
Alors Andrea se tourna vers ses hommes.
- « Mes frères, c’est le moment d’en finir avec ce fléau. A mon signal, nous sortirons tous pour croiser le fer avec les orcs. Il en va de la survie de notre nation. Il s’agit de l’unique moment où nous pouvons chasser les orcs et venger nos camarades tombés pour nous sauver. Êtes-vous avec moi ? ».

Des hurlements de joie mêlés à de la colère jaillirent de la foule de soldats. Ils étaient prêts à renvoyer les orcs là d’où ils n’auraient jamais dû partir.

- « A mon signal, Grundak vous vous dirigerez vers la porte San Lorenzo. Hristo et Van Schleigen vers la porte Di Santo. Quant à moi et Reinhardt, nous irons en direction de la grande porte. Il faut charger de dos les orcs lorsqu’ils seront occupés avec les troupes de Ricco. Maintenant, soldats ouvrez la porte ».

La porte s’ouvrit sur la place principale de la ville. Alors que quelques minutes plus tôt celle-ci était investie par les orcs, elle était désormais vide. Plus le moindre orc n’était présent ; pas le moindre petit gobelin.

- « On ne s’arrête pas. Vous savez ce qu’il vous reste à faire. En avant ! »

Les trois armées se séparèrent et pénétrèrent dans les méandres de Rémas.

* * * * *

La contre-charge de la cavalerie lourde avait enfoncé grandement le flanc des orcs, mais ceux-ci ne cessaient pas le combat pour autant. L’œil de leur chef ne les quittait pas, si bien qu’ils préféraient mourir que de fuir. Les troupes de Ricco du flanc gauche étaient toujours en fuite. La vouivre et les orcs étaient encore à leurs trousses et ils gagnaient sans cesse du terrain sur eux. Cependant, les bois n’étaient pas loin et ils étaient leur seule et unique chance de salut. Du moins était-ce ce qu’ils croyaient. En effet, alors que les fuyards étaient à une dizaine de mètres des frondaisons de la forêt, trois géants en jaillirent. Les gardes républicains étaient perdus. Ils ne savaient plus où fuir. Mais au lieu de se faire piétiner, les géants les évitèrent et se dirigèrent vers les orcs. L’un d’eux donna un coup circulaire avec sa masse fauchant les peaux-vertes. Un autre donna de grands coups de pieds dans leurs rangs. Le troisième saisit la queue de la vouivre qui tentait de reprendre de l’altitude pour leur échapper. Le monstre fut plaqué au sol et un deuxième géant l’aida à achever la bête.

Les gardes républicains en fuite cessèrent leur course pour assister au spectacle. Les géants venaient en quelques instants de massacrer un régiment entier d’orcs ainsi qu’une vouivre et mettre en fuite le reste des peaux-vertes qui se repliaient désormais vers la ville. Mais les piquiers n’étaient pas pour autant rassurés. Ils se retrouvaient désormais à la merci des géants qui n’avaient qu’à se retourner et à les charger. Cependant, ils n’en firent rien et continuaient de marcher d’un pas lourd et maladroit vers Rémas.

- « Ne vous inquiétez pas. Il n’y a aucun danger à craindre d’eux ».

Les soldats firent volte face pour se retrouver nez à nez avec un oracle.

- « Je me nomme In-Dûr et je suis membre du grand conseil de Rémas. Ne vous inquiétez pas pour ces géants. Je les contrôle par la magie et ils obéiront à ma volonté ».

In-Dûr tenait dans sa main le grimoire qu’Andrea lui avait remis après avoir tué le grand chaman des orcs. Il utilisait le savoir des orcs pour commander aux géants et retournait leurs propres armes contre eux. Les géants quant à eux continuaient de se diriger vers Ricco, toujours englué dans un corps à corps sans fin.

- « N’arrêtez pas le combat. Vos amis ont besoin de vous. Reprenez vos armes et retournez combattre. Vive Rémas ! »

Le flanc gauche venait d’être repris par l’intervention divine d’In-Dûr. Le flanc droit était toujours aux mains d’Elyos. Il n’y avait que le centre qui résistait toujours. Ricco perdait de plus en plus de terrain à mesure que ces hommes étaient tués. La dernière charge de la Garde Républicaine montée n’avait pas réussi à briser le moral des orcs qui avaient encaissé l’assaut sans broncher. Ricco eu l’idée de défier le chef orc qu’il voyait à quelques mètres seulement de lui. Mais entre les deux adversaires il y avait plusieurs dizaines d’orcs qui les séparaient. Alors Ricco emmena ses hommes les plus fidèles au cœur des lignes orcs. Ceux-ci furent surpris de voir un petit groupe audacieux plongé parmi eux. Le second d’Urluk ne vit pas tout de suite le danger qui se rapprochait de lui. Lorsqu’il tourna la tête, il n’eut que le temps de voir l’épée de Ricco s’abattre sur crâne.

Mais Raschik n’avait pas atteint ce poste par hasard. Il para in extrémis l’attaque. Ricco enchaîna avec quelques coups d’épée qui furent tous contrés. Ses hommes protégeaient au mieux leur seigneur, évitant qu’un gobelin fourbe ne vienne le poignarder dans le dos. L’orc avait une très bonne condition physique, mais Ricco était un guerrier expérimenté. Peut- être même l’un des meilleurs soldats humains de tout le Vieux Monde. Après quelques échanges, l’orc se retrouvait en difficulté, acculé contre le mur de la cité. Ricco le frappa au niveau de la tête, mais l’orc contra une nouvelle fois. Alors Ricco enchaîna rapidement avec une attaque basse et enfonça son épée dans le ventre de son adversaire. Ce dernier se plia en deux de douleur. Ricco en profita et frappa plusieurs fois le dos de l’orc qui s’écroula dans une mare de son propre sang. Ricco était satisfait et s’attendait à voir les peaux-vertes se débander et retourner à l’abri dans la ville. Mais ce fut le contraire qui se produisit. Les orcs ne lâchèrent aucun pouce de terrain, continuant le combat malgré la mort de leur chef. Ricco venait de s’isoler du reste de son armée. Il était désormais seul face à des centaines de peaux-vertes.
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MessageSujet: Re: Histoires de Rémas   Histoires de Rémas Icon_minitimeLun 27 Déc 2010 - 22:47

Le marteau et l’enclume

Andrea était à la tête de ses hommes et il s’apprêtait à entrer dans les ruelles sombres de la ville. Il regarda en arrière une dernière fois, vérifiant que ses hommes avaient toujours la même ferveur. Rassuré sur ce point, il pénétra dans ce labyrinthe à la recherche des orcs. Cependant, Andrea et ses hommes suivaient la rue principale et ils connaissaient tous fort bien les lieux, si bien qu’il n’y avait aucun risque qu’ils se perdent dans leur propre cité. A peine avaient-ils fait quelques mètres qu’ils tombèrent sur le corps de Quercio. Il avait été abandonné là par ses gardes du corps. Reinhardt s’en approcha et cracha par terre.

- « Voilà ce qui attend les traîtres. Bientôt ce sera sur le cadavre de Landelieux que je cracherai. Que le corps de ce corrompu de Quercio pourrisse et soit mangé par les corbeaux ».

Il donna alors un violent cou de pied dans la dépouille. Mais à sa grande surprise celle-ci se mit à gémir. Quercio était agonisant, mais encore en vie. Andrea se demandait s’il fallait l’achever ou non. Il n’eut pas à se poser la question très longtemps car l’un de ses sergents lui planta son épée dans le cœur, mettant définitivement fin à sa pitoyable existence. Puis ils se remirent en route. A mesure qu’ils avançaient, le bruit des combats se faisait de plus en plus fort. Andrea fit marcher en bon ordre ses hommes. Dans l’éventualité d’une attaque des orcs, il voulait que ses hommes soient prêts à se battre. C’est à ce moment que de nombreux gobelins arrivèrent dans leur direction. Mais ces viles créatures n’essayèrent nullement de combattre Andrea. Elles fuyaient les combats et se retrouvaient malgré elles, obligées d’engager les hommes d’Andrea. Les gobelins n’offrirent pas de réelle résistance. Les hommes d’Andrea, ivres de colère, les chargèrent sans hésiter, leur marchant littéralement dessus. Andrea ignorait à combien de peaux-vertes il allait devoir faire face. Il continua à faire avancer ses hommes.

Il arriva à la porte du rempart intérieur. Les deux armées qui avaient sillonné la ville rejoignirent celle d’Andrea. L’ordre fut donné de refermer cette porte et de la barricader une fois que les armées l’eurent franchie. Une petite garnison fut laissée en retrait pour la protéger. L’armée se remit en route. Alors que depuis leur sortie, ils n’avaient rencontré pratiquement aucune résistance, les soldats de Rémas découvrirent que le cantonnement était le théâtre d’une lutte acharnée entre les gardes républicains et les orcs. Andrea vit que la porte Di Santo était gardée par ses hommes et qu’elle n’avait pas besoin de renforts. Il décida alors de garder avec lui les troupes de Van Schleigen et de Hristo. A sa droite, la porte San Lorenzo paraissait n’être prise par personne. Il dépêcha alors le plus vite possible Grundak, ses guerriers et quelques soldats supplémentaires pour en prendre possession. Les orcs n’avaient pas vu Andrea arriver dans leurs dos et essayaient toujours de prendre le dessus sur les troupes de Ricco. Andrea s’arma de courage et fit face à ses hommes.

- « Mes frères, c’est le moment d’en finir une bonne fois pour toutes. Pour Rémas !! »

Les soldats de Rémas chargèrent alors à l’unisson, dans un hurlement de férocité qui troubla sur le coup les orcs. Ceux des lignes arrières pivotèrent, hébétés, pour voir d’où cela venait. Mais il était trop tard pour eux pour faire le moindre geste. Ils furent empalés sur les piques des hommes d’Andrea. La charge les repoussa en direction de Ricco si bien qu’ils étaient désormais coincés entre les gardes républicains et les piquiers d’Andrea. Parmi les orcs se trouvait Urluk. Le chef de guerre s’était toujours montré très patient et très calme ce qui était curieux pour un orc et cela avait d’ailleurs troublé Andrea. Mais maintenant, il avait perdu son sang-froid et frappait en tous sens sur ses hommes pour faire de la place autour de lui. Il regarda dans la direction d’Andrea et se dirigea vers lui. Mais Reinhardt s’interposa. Le vétéran voulait remplir sa fonction de garde du corps personnel du maréchal de Rémas jusqu’au bout. Urluk lui donna un coup de poing en plein front, le faisant tomber à terre inconscient. Il fut emmené hors de la mêlée par deux de ses hommes. Andrea s’avait qu’Urluk venait le chercher lui, et ordonna à ses hommes de lui faire place.

Les deux adversaires se regardaient les yeux dans les yeux. Mais Urluk trop impatient se jeta en premier sur Andrea. Ce dernier esquiva le coup, mais il n’eut pas le temps de contre-attaquer, le seigneur de guerre orc enchaîna de suite plusieurs coups avec une rapidité déconcertante. Andrea ne faisait qu’esquiver, sans jamais avoir la moindre ouverture pour attaquer à son tour. Puis la hache d’Urluk toucha le bras gauche d’Andrea. Dans un cri de douleur, il abaissa sa garde. L’orc profita de l’occasion pour l’achever, mais le maréchal avait encore les ressources pour se jeter de côté. Il se retrouva à terre à la merci de son ennemi. L’orc marcha sur la main d’Andrea qui tenait son épée. De douleur, il la lâcha.

Les hommes d’Andrea assistaient au spectacle, pétrifiés par l’orc, n’osant intervenir pour sauver leur commandant. L’orc avait un air malsain dans les yeux, il éprouvait du plaisir à cette situation et cela atteindrait son apothéose lorsqu’il tuerait Andrea. Cependant, un humain est un être plein de ressources : alors qu’il est au plus mal, il est toujours capable de rebondir. Tel avait été le cas de Landelieux qui, déchu de son titre de général, avait réussi à rebondir et à mener une autre armée peu de temps après. Andrea était un humain et il avait de la ressource à revendre. Il avait suivi le conseil de Van Schleigen et s’était procuré un pistolet. Il le dégaina de sa main gauche. Cela le fit souffrir à sa blessure au bras. Mais il eut la force et le temps nécessaires pour tirer sur Urluk que la balle toucha en plein visage. La bête était blessée certes, mais pas encore morte. Il recula en titubant. Andrea se releva et saisit sa dague. Il sauta sur Urluk, le mit à terre et lui planta une dizaine de fois sa lame dans le corps. Dans un râle d’agonie le seigneur de guerre rendit l’âme.

Le chef de guerre Urluk mâche-crane n’était plus. Les orcs venaient de subir un coup terrible à leur moral. Cependant, ils ne cessaient toujours pas le combat. Ils étaient encore un millier à continuer de se battre. Andrea, pourtant, ne doutait pas que les orcs allaient bientôt fuir dès que l’occasion se présenterait à eux. Ce qu’espérait Andrea par-dessus tout, c’était qu’il soit arrivé à temps pour secourir Ricco.

* * * * *

Ricco était toujours noyé dans la marée verte. Les quelques fidèles qui l’avaient accompagné dans le cœur de la mêlée commençaient à s’amenuiser. Ricco se défendait comme il le pouvait mais lorsqu’il regardait les effectifs des orcs, il ne pouvait que se rendre à l’évidence : ils étaient trop nombreux. Puis il y eut un brusque mouvement de foule chez les peaux-vertes. Pendant quelques secondes, ils cessèrent de se battre pour réorganiser leurs lignes de défense. Ricco comprit : Andrea venait de charger l’arrière des orcs. Il donna l’ordre à ses troupes de presser les orcs pour qu’ils ne puissent plus se mouvoir convenablement. Il fit recharger sa cavalerie. Les orcs subirent de lourdes pertes et il était à croire que ce n’était qu’une question de temps avant qu’ils ne se débandent. In-Dûr arriva avec ses géants. Un soldat de Ricco était venu le prévenir que ces créatures ne représentaient pas une menace mais qu’ils étaient des alliés.

La bataille était gagnée, les orcs commençaient à s’enfuir en forçant la ligne des gardes républicains. Ils partaient à travers la campagne. Cependant, à chaque orc qui tentait de s’enfuir, un humain était tué dans la fuite. Ricco donna l’ordre de laisser tous les orcs passer. Le spectacle était inimaginable : près d’un millier de peaux-vertes fuyant dans les plaines labourées par les combats de Rémas. Le général fit un signe de la main et la cavalerie lourde partit à leur poursuite, les piétinant et les empalant sur leurs lances. Alberto et ses hommes traquaient les éléments isolés qui essayaient d’échapper discrètement à leur destin.

La menace venait d’être éradiquée. L’armée peaux-vertes venait d’être mise en déroute totale. Les cavaliers allaient exterminer jusqu’au dernier les quelques orcs qui subsistaient. Ricco se retourna et vit Andrea. Les deux hommes ne s’étaient jamais vus mais ils se dirigèrent l’un vers l’autre pour, au final, se prendre dans leurs bras. Les hommes autour d’eux poussèrent des cris de joie. Andrea attrapa un soldat à côté de lui.

- « Fais en sorte que nos familles parties en exil reviennent. Dis-leur que la ville est saine et sauve ».
- « Ce sera fait, sir ».

Puis Andrea se tourna vers ses hommes.

- « Mes frères ! La guerre vient d’être gagnée. Mais il nous reste encore fort à faire. La ville vient de perdre une grande majorité de ses défenseurs. Profitons de cette accalmie pour reconstruire nos défenses et nettoyer les rues. D’ici quelques jours, la ville verra revenir sa population et nous pourrons recommencer une nouvelle vie. Maintenant nous ne sommes plus seulement une cité puissante. Nous sommes la cité qui s’est dressée contre la plus grande armée d’orcs qui ait foulé les terres de Tilée. La seule qui l’ait affrontée, là où les autres villes se cachaient de peur. La seule qui l’ait vaincue. Bientôt le nom de Rémas sera craint à juste titre dans tout le vieux monde et par delà les mers. Vive Rémas !! »
- « Vive Rémas !! »

* * * * *

Les hommes n’avaient pas chômé depuis la fuite des orcs. Ils avaient renforcé du mieux qu’ils le purent la grande porte. La Di Santo et la San Lorenzo étaient encore debout. Les cavaliers revinrent plus d’une heure après avoir débuté leur traque des peaux-vertes. Alberto revint voir son ami.

- « Andrea, je suis heureux de te voir en vie ».
- « Je pourrais dire la même chose à ton sujet. Mais je suis plus que ravi de te voir et en pleine forme qui plus est, je viens de perdre un père, mais je viens de retrouver un frère ».
- « Tu es blessé ? »
- « Une égratignure. Le chef de guerre m’a touché avec sa hache. Je ferai soigner ça avant que cela ne s’infecte ».
- « Je me demande où ce chien de Landelieux a pu trouver un chef orc aussi puissant et comment a-t-il fait pour le convaincre de nous attaquer ».

Andrea fut foudroyé par la réflexion d’Alberto. Landelieux ! Dans la lutte pour la reprise de Rémas, il l’avait complètement oublié. Si le général renégat avait réussi à s’échapper, il y avait fort à croire qu’il reviendrait se venger une fois de plus. Cependant, s’il était encore en ville, c’était l’occasion ou jamais d’en finir avec lui. Il convoqua sur le champ l’ensemble de son état-major, à présent au grand complet. Il avait ordonné que les trois portes soient fermées et solidement gardées. Le même sort avait été réservé à la porte du rempart intérieur.

Etaient présents à la réunion improvisée d’Andrea : Grundak et Gundaf, Van Schleigen, Hristo, Reinhardt, Elyos, Ricco, In-Dûr et tous les officiers encore en vie.

- « Si je vous ai faits venir ici, c’est pour régler le sort de Landelieux. Durant les combats il a disparu. L’un de vous l’a-t-il vu depuis que le seigneur Ricco a donné l’assaut ? »
- « Je me suis dirigé vers la porte Di Santo et je l’ai tenu jusqu’à la fin de la bataille. Il est impossible qu’il ait pu passer par là », dit Elyos.
- « Et la porte San Lorenzo était aux mains du seigneur In-Dûr quand nous sommes allés le relever », ajouta Grundak.
- « Alors, il y a fort à parier qu’il est toujours dans la ville », conclut Andrea. « Il va falloir la ratisser entièrement pour débusquer ce traître. Mais je vous préviens, il doit être entouré de ses gardes du corps. De solides guerriers qui n’ont plus rien à perdre ».

De petits groupes se formèrent, devant la porte intérieure, prêts à partir en exploration. Landelieux était caché dans cette ville et il serait débusqué d’ici peu. Cependant, Rémas était un véritable labyrinthe et Landelieux le connaissait très bien. Il faudrait peut-être des jours pour qu’il puisse être retrouvé. Andrea donna les derniers conseils.

- « Landelieux doit être avec plusieurs dizaines d’hommes. Alors ne soyez pas imprudents. Une fois qu’il sera découvert, avertissez les autres et attendez les renforts ».

Andrea s’engouffra dans la ville qui était désormais déserte. Il y avait encore quelques fumées, témoignage de la violence des combats qui s’y produisirent. Il n’avait avec lui qu’une dizaine d’hommes pour fouiller son secteur. Après avoir visité six ou sept maisons, il commençait déjà à perdre patience. Une heure s’était déjà écoulée et il n’avait trouvé personne, tout comme les autres groupes et il restait encore plusieurs centaines d’endroit où Landelieux pouvait trouver refuge. Une semaine entière n’y suffirait pas. C’est alors qu’une flèche siffla et vint toucher en pleine poitrine l’un de ses hommes. Celui-ci s’écroula, tué net. Tout le monde se mit à couvert.

- « Le tir venait de là-bas », dit l’un des soldats ».

Andrea regarda l’endroit que le soldat pointait du doigt. Il montrait l’ancienne église qui appartenait autrefois à Landelieux et qui avait été offerte à Andrea en gage pour service rendu. Elle paraissait calme et inhabitée.

- « Tu es sûr que le tir venait de là-bas ? »
- « Oui. J’ai vu un homme passer la tête par ce soupirail. Je l’ai reconnu, c’est l’un des hommes de Landelieux ».
- « Très bien. Appelle les renforts et fais venir un maximum de pavois. Nous allons prendre l’église par la force. C’en est fini des négociations ».
- « Ce sera fait, excellence ».

Ainsi Landelieux avait choisi de se retrancher dans son ancienne demeure. C’était ici que les maux de Rémas avaient débuté, il y a à peine quelques mois et c’est ici qu’ils allaient prendre fin.

* * * * *

Moins d’un quart d’heure après, Andrea avait réuni un groupe d’une cinquantaine de volontaires. La plupart étaient issus de sa garde personnelle. Reinhardt et Alberto l’accompagnaient. Il avait également demandé à ce que Hristo rassemble autant de tireurs et projectiles possibles, aux fins de les couvrir dans leur approche. Il n’avait pu être rassemblés qu’une dizaine de pavois au total, ce qui était bien insuffisant pour protéger efficacement tout le monde. Alors Andrea donna les boucliers aux hommes des deux premiers rangs. Ceux situés en première ligne devaient les pointer droit devant eux, alors que ceux du deuxième rang devaient les placer au-dessus d’eux. Le petit groupe avança en formation serrée. Au début, ils ne furent pas inquiétés outre mesure par les hommes de Landelieux qui ne réagirent pas. Mais très vite des tirs vinrent s’abattre sur eux.

Les pavois faisaient leur office. Les tirs destinés à enrayer l’attaque d’Andrea étaient inefficaces. Hristo fit riposter ses arbalétriers, sans grand espoir toutefois de toucher quelque chose. Le but était de forcer les chevaliers à se mettre à couvert, facilitant la progression des assaillants. La stratégie du maréchal était si brillante qu’en arrivant aux portes de l’église, les Tiléens n’avaient à déplorer qu’un seul blessé léger. Les soldats encerclèrent la maison, se faufilant aux fins d’éviter d’être pris pour cible par un tireur isolé. Comme Andrea le pensait, la porte principale était verrouillée. Mais l’église comptait de nombreux vitraux et il avait été convenu qu’au signal donné, ils devraient pénétrer tous en même temps dans la bâtisse religieuse.

Andrea donna l’ordre à Reinhardt de souffler dans un cor. Un son aigu en sortit, signe du début de l’assaut. Comme un seul homme, les soldats de la garde d’Andrea brisèrent les vitraux et entrèrent de force dans l’église. Les hommes de Landelieux les attaquèrent aussitôt. Les chevaliers avaient ôté leurs lourdes armures et avaient l’avantage de défendre les lieux. Andrea rentra et fut pris à partie par un homme très gros armé d’un marteau à deux mains. Il esquiva le coup et Reinhardt lui planta son épée dans le ventre, le traversant de part en part. Mais les gardes de Landelieux étaient de solides guerriers, avec un équipement qui n’avait rien à envier aux meilleures troupes de l’Empire. L’un d’eux empala un soldat au bout d’une hallebarde, un autre coupa la main de son adversaire. Finalement, les chevaliers n’étaient pas si nombreux. Alors qu’Andrea pensait en trouver une cinquantaine, ils étaient à peine la moitié. Nombreux étaient ceux à être tombés devant les murs de la ville avec leur chef Boris. Ils étaient tout aussi nombreux à périr dans le siège de la citadelle. Si bien que Landelieux ne pouvait compter que sur quelques fidèles formant un dernier carré.

Petit à petit, les chevaliers cédaient du terrain et la grande majorité des gardes d’Andrea était à présent dans l’église. Sous le poids du nombre, les dix derniers survivants déposèrent les armes. Il fut ordonné de les faire prisonniers. Andrea regarda si parmi ceux-ci se cachait Landelieux. Il n’y était pas. Puis il regarda les cadavres. Il n’était pas là non plus. Andrea commença à se demander si Landelieux était réellement dans ce bâtiment. Puis, il se rendit compte qu’ils étaient restés, durant les combats, uniquement dans le hall. Sa chambre n’avait pas encore été fouillée. Il s’entoura de Reinhardt et d’Alberto et se dirigea vers la porte qui était fermée. Il tourna la poignée. Elle n’était pas verrouillée. Landelieux l’attendait. Andrea entrouvrit la porte, puis se tourna vers ses compagnons.

- « J’y vais seul. C’est entre lui et moi ».
- « Mais Andrea, tu n’y penses pas… »
- « Laisse Alberto. Je crois que depuis quelques jours, ton maître nous a montré qu’il savait ce qu’il faisait. Allez-y excellence et que Myrmidia vous garde ».
- « Myrmidia ? N’êtes-vous pas non-croyant ? »
- « Il y a des jours où on le devient…»

Andrea pénétra seul dans la chambre. Landelieux était bien là, adossé à un mur. Il regardait Andrea avec un léger sourire. Il avait encore son épée dans son fourreau et ne montrait pas de signe d’agressivité envers son ancien capitaine.

- « Alors c’est ainsi que vont s’achever mes ambitions. Dans cette chambre, face à mon ancien capitaine, qui m’a supplanté dans mes fonctions ».
- « Vous ne pouvez vous en prendre qu’à vous-même. En trahissant la seule ville qui vous ait accueilli à bras ouverts, vous avez scellé votre propre destin ».

Landelieux regardait la statue qui le représentait. Le fait qu’elle soit décapitée paraissait l’affecter.

- « Vous savez, j’ai reçu cette statue en cadeau. Il y a deux ans j’avais sauvé un groupe de commerçants de Miragliano d’une embuscade tendue par des brigands. Cette statue était leur moyen de me remercier. Cela s’est passé il y a à peine deux ans… J’étais au sommet de ma gloire. Et maintenant, regarde-moi Leoni, je ne suis plus l’ombre que de moi-même. Tout cela par ta faute ».
- « Ma faute ? »
- « Oui ta faute. Si tu avais eu la bonne idée de mourir au combat, tu serais devenu un héro, certes posthume mais un héros tout de même. Et moi j’aurais conservé ma position. Et maintenant je suis obligé de me terrer dans mes appartements comme une bête».
- « Désolé mais ce sont mes appartements maintenant. Et je voudrais éviter d’y livrer bataille. Si vous déposez les armes, aucun mal ne vous sera fait. Vous serez jugé pour vos actes en toute impartialité ».
- « Excuse-moi Andrea, mais je suis un soldat et un soldat ne se rend pas. Il triomphe ou il meurt ».

A ces mots, Landelieux dégaina son épée et prit sa dague dans l’autre main. Andrea aurait souhaité ne pas en arriver là. Il tira également son épée et sa dague. Le combat s’engagea. La configuration des lieux ne se prêtait pas à un duel à l’épée, si bien qu’il était difficile pour les deux adversaires de se porter de véritables attaques. Andrea essayait de riposter avec sa dague qu’il tenait dans sa main gauche. Mais à chaque coup qu’il donnait, cela réveillait la blessure au bras qu’Urluk lui avait faite. Cela devenait une véritable torture pour lui si bien qu’il se contenta d’attaquer uniquement avec son épée. Landelieux était un grand bretteur. Il ne laissait aucune ouverture dans sa garde et le combat commençait à s’éterniser. Andrea en venait même à regretter de ne pas avoir laissé Reinhardt et Alberto l’accompagner.

Durant le combat, Landelieux trébucha et fut déséquilibré un instant. Andrea saisit cette occasion et frappa au ventre son adversaire, mais son attaque fut parée. Il enchaîna avec un coup de dague porté au visage. Landelieux le dévia également. Le coup toucha tout de même le brétonien au visage. Le coup provoqua une balafre sur sa joue remontant sur l’œil, qui resta intact, jusqu’au front. Landelieux hurla de douleur. Il baissa totalement la garde mais le choc du coup provoqua un élancement dans le bras d’Andrea, qui ne put en profiter pour en finir. Ce fut Landelieux qui se remit du coup le premier. Il se jeta en avant. Andrea esquiva l’attaque et l’épée de son agresseur vint se planter dans la statue le représentant. Il dégagea son arme le plus rapidement possible et refit face à Andrea. Cependant, la statue fut déséquilibrée et elle s’écroula sur son propriétaire.

L’ancien général était désormais cloué au sol, prisonnier d’une statue de pierre l’empêchant de se mouvoir. Andrea rengaina son épée. Il mit le pied sur l’arme de son adversaire et la fit glisser hors de portée. La dague subit le même sort. Il appela Reinhardt et plusieurs hommes.

- « Soulevez la statue et mettez- le aux arrêts ».
- « Tu me le paieras Leoni. Tu ferais mieux de me tuer sur le champ. Sinon je reviendrai et je t’en refais le serment, je me vengerai sur toi, ta famille et ta ville maudite ».

De par ces mots, le Brétonien venait de perdre toute noblesse. Il ressemblait à un fou prophétisant un malheur quelconque. Andrea se demandait même comment avait-il pu avoir du respect pour un homme pareil.

- « Conduisez-le à la prison. Je ne veux plus l’entendre ».

Il fut emmené sous bonne escorte rejoindre ses hommes dans la prison de la ville. Bientôt il devrait rendre des comptes pour ses crimes. De part sa faute, des milliers d’hommes étaient morts et parmi eux de nombreux hommes de valeur tels que Galliani, Francesco ou encore Camacho. Nombreux étaient les blessés tels que Flocchi, le général le plus éphémère de la cité. Le propre père d’Andrea l’était également et semblait condamné. Mais l’heure n’était pas encore à la vengeance. La ville devait panser ses plaies et Andrea avait besoin de repos.

* * * * *

Le lendemain le conseil se réunit. Etaient présents les grands acteurs de la victoire. C’était la première fois qu’autant de personnes assistaient à une séance du conseil. Il y avait en plus des personnes habituelles : Gundaf, Reinhardt, Hristo, Alberto, Elyos et Ricco. Etaient présents également des officiers et sous-officiers. Ricco était le titulaire du siège qui restait habituellement vide. Depuis la grande réforme des institutions de Rémas et son retour en grâce, Ricco était membre de droit du conseil. Cependant il n’y avait jamais siégé. C’était donc une première pour lui. Pour autant le conseil n’était pas au complet. Quercio étant mort, il n’y avait plus de représentant de la guilde des marchands.

- « Si nous sommes tous réunis aujourd’hui, c’est pour, avant toute chose, choisir un successeur à Brigato Quercio », déclara Van Schleigen. « Nous en avons déjà tous discuté entre nous et nous avons décidé d’élire une personne qui est un grand voyageur. Je parle de vous Elyos. Cependant, accepter une telle charge aura pour conséquence de vous occuper à plein temps. Vous devrez vous occuper des besoins de la ville et Rémas est une maîtresse exigeante ».
- « Même si le fait de naviguer vers de nouveaux horizons me manquera, je suis encore jeune et j’aurai tout le temps de parcourir le monde, j’accepte avec joie cet honneur qui m’est fait ».

Ainsi Elyos passa du statut de vagabond à celui de membre du conseil de Rémas. Il s’installa sur le fauteuil autrefois réservé à Quercio. Van Schleigen reprit la parole.

- « A cause de cette attaque, nous sommes faibles, la ville compte désormais moins de trois mille hommes valides ».
- « Cela n’est pas un problème », dit Ricco. « Je me propose de rester dans la ville avec mes troupes, tant que Rémas n’aura pas recouvré ses forces ».
- « Désormais, nos voisins devront apprendre à craindre les soldats de Rémas », dit Andrea. « Nous serons tranquilles quelques temps ».

Les discussions suivantes traitèrent des obligations courantes, telles que la réorganisation des défenses de la ville, mais aussi du retour de la population, des réparations des fortifications et des habitations et plus important le nettoyage des cadavres car la quasi-totalité allait rapidement pourrir sur place, apportant son lot de maladies et d’infections. Cependant, Rémas recélait un trésor inestimable. Rémas pouvait récupérer l’équipement abandonné par leurs agresseurs : or, acier, cuir, objets imprégnés de magie, tout cela lui revenait. Paradoxalement, la ville devenait plus riche que jamais.

Vinrent enfin les discussions sur le sort de Landelieux toujours emprisonné dans les geôles de Rémas. Nombreux étaient ceux à vouloir sa mort parmi les officiers et sous-officiers présents. Ils étaient habités par un esprit de vengeance qui les privait de tout raisonnement sensé.

- « Je pense qu’il faut le laisser en vie. Il n’a plus aucune influence, il est à notre merci et vivant, il ne pourra être oublié et il fera un excellent symbole de ce qui attend les ennemis de Rémas », dit Andrea.
- « J’ai tout de même une pensée pour toutes les personnes qui sont mortes à cause de lui. Ne méritent-elles pas d’être vengées. J’ai moi-même perdu beaucoup d’amis par sa faute », rétorqua Grundak.
- « Et moi j’y ai perdu un père », répondit sèchement Andrea. « La vengeance bestiale n’est pas la solution. Nous devons nous montrer justes et civilisés, sinon nous ne valons pas mieux que ces orcs. Quoiqu’il en soit, votons. Je respecterai le choix du conseil ».

Avec ce court discours, Andrea emporta la conviction des votants. Seules quelques voix discordantes votèrent pour la mort, mais la prison à vie fut adoptée à une très large majorité. Andrea venait de démontrer qu’il avait tout d’un chef : le courage, la force, le talent et désormais le verbe. Cette guerre avait certes été coûteuse en vie, mais elle venait de révéler Andrea Leoni, le grand protecteur de la cité de Rémas.
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MessageSujet: Re: Histoires de Rémas   Histoires de Rémas Icon_minitimeLun 27 Déc 2010 - 23:05

Voilà c'est fini.
J'espère que vous avez eu plaisir à le lire et que le tout n'était pas trop confu.
Sinon je suis en train d'écrire la suite mais une surcharge de travail me ralenti beaucoup, donc ce sera pas pour tout de suite.
N'hésiter pas à me dire ce que vous en avez pensé que ce soit en bien ou en mal.
Je remercie ceux qui m'ont suivi avec assiduité, peu importe combien vous avez été.
Sur ce bonne fin de lecture...
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